Ouyahia revient aux affaires avec les mêmes convictions

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Ahmed Ouyahia était parti en mai 2006 dans une ambiance médiatique de quasi inquisition suite à son refus d’augmenter les salaires des travailleurs.

Bouteflika lui accorda son soutien deux mois auparavant dans son discours du 23 février devant les syndicalistes célébrant les 50 ans de l’UGTA. Mieux, le président de la République avança des arguments imparables qui font que la revalorisation des salaires ne peut être induite que par un surcroît de productivité et une envolée de la croissance.

Les voies des arcanes politiques étant impénétrables, dix semaines plus tard, Ouyahia fut remplacé par Belkhadem. Avec le recul de la lecture des événements, l’on sait maintenant que les missions confiées ces derniers mois par le président à Ouyahia pour le représenter dans certains forums internationaux constitue un tremplin psychologique pour préparer l’opinion au retour aux affaires du patron du RND.

Mais, l’ironie de l’histoire a voulu que son retour ait lieu presque dans le même contexte de frictions sur le problème salarial. En effet, au cours de son passage jeudi dernier à la radio Chaîne II, il n’a pas manqué de fustiger cette solution de facilité dont on commence déjà à payer les frais.

« On a augmenté les salaires de plus de 30 % alors que la croissance ne dépasse pas 4% (…) Le nombre de projets engagés sur le terrain dépasse de loin le montant des réserves de change [qui est de 200 millions de dollars] « . Il fera remarquer aussi que le budget de fonctionnement de l’Etat est de 2 000 milliards de dinars, ce qui représente le double de la fiscalité ordinaire. En reprenant du service avec les mêmes convictions que l’augmentation généralisée de la masse salariale est une illusion de richesse et que le train de vie de l’Etat, via le budget de fonctionnement, doit se soumettre à la logique de l’équilibre budgétaire, Ouyahia ne fera pas que des heureux.

La démagogie a effectivement berné de larges franges de la société au point de leur faire croire que leur niveau de vie en 2008 serait, par la simple magie d’un complément de salaire, meilleur que celui de 2006, alors que tous les indices nous apprennent le contraire.

Moins d’une année après la revalorisation des fiches de paye, et dans un contexte où la politique de l’investissement, de l’emploi et des réformes financières demeure un vœu pieux, le niveau de vie des Algériens se trouve lamentablement rabaissé d’une façon inquiétante, au point de remettre en cause la fragile paix sociale.

Et tous les experts convergent pour dire que les chiffres de l’emploi, du chômage et de l’inflation rendus publics par l’administration sont faux. Lorsque les postes du pré-emploi, payés par le ministère de la Solidarité, sont comptabilisés comme des emplois et lorsque les chiffres de l’inflation sont bloqués dans l’horloge de 2006, il y a certainement lieu de se défier de toute donnée frappée du sceau de l’officialité.

Si, à l’échelle du monde, un déficit de la production agricole- auquel se greffe l’industrie des biocarburants- a contribué à la hausse des prix des produits alimentaires, ce phénomène se trouve aggravé en Algérie par la sustentation du processus inflationniste (salaires et investissements publics en infrastructures non générateurs de richesses).

Sur plusieurs plans, la parenthèse Belkhadem, longue de deux années, a consacré le hiatus entre l’Algérie qui essaye de sortir de son marasme et de son sous-développement et l’Algérie qui s’est engoncée dans une position de spectateur passif dans un monde qui se réduit en village planétaire. À aucun moment de la vie de la Nation, la dichotomie entre les choix officiels de la République et les options du Chef du gouvernement n’a été élevée à cette hauteur.

La meilleure illustration étant la gestion du dossier de la Réconciliation nationale. Faisant fi des clauses de la Charte et des sacrifices des Algériens, Belkhadem s’employa frénétiquement à tenter de réhabiliter politiquement les auteurs du malheur de l’Algérie des années 90. Il ne ravala ce funeste projet que lorsqu’il s’est heurté à une farouche résistance de l’Algérie qui a courageusement bravé le monstre terroriste.

Politiquement en perte de crédibilité et socialement assiégé de partout, le gouvernement Belkhadem ne savait plus où donner de la tête. Prenant des décisions par à-coups et le couteau à la gorge (détaxation de l’importation de la pomme de terre, aide aux éleveurs d’ovins, gestion approximative de la crise du lait, retour à la politique du soutien des prix,…), il n’a pu apporter que des remèdes conjoncturels à des crises structurelles parce qu’il n’a su ni prévoir ni prévenir, deux concepts-clefs de la gestion des affaires publiques qui n’ont pas encore élu domicile sous les lambris de la maison rentière d’Algérie.

Amar Naït Messaoud

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