Maâtkas, de la capitale des kidnapings à La Mecque de la poterie

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Au marché de la poterie, certains confrères de la presse nous ont déjà précédé. On interviewe par là, on prend des photos par ci, on filme là bas… « Prends une photo de mes pots, ce sont les meilleurs ! » demande un artisan du village Ait-Ahmed (Maâtkas). Il faut dire que c’est tout le monde qui désire faire la promotion de ses produits, les journalistes sont très sollicités. Mme Oumezaouche, une veille potière très connue dans la région nous souriait. On avait comprend tout de suite qu’elle veut nous dire quelques mots : « Nous rendons un hommage à tout ceux qui ont contribué à relancer Tamaghra n’talaxt, peu importe si nous écoulons ou pas. Nous voudrions aussi participer dans d’autres manifestations à la seule condition que l’on ne nous demande pas des frais de participation » arguera-t-elle. En fait, nous avons compris tout de suite l’allusion. Beaucoup d’artisans voudraient participer à la 8e édition de la Fête des bijoux, mais ils déplorent que les frais soient exorbitants, 6 000 dinars. Pour la Fête de la poterie, les frais se limitent juste à 1500 dinars et encore…car beaucoup d’artisans refusent de payer. « Qu’ils demandent à l’état de payer, pas à nous. Avec les difficultés que nous vivons, on nous demande encore de payer. Rappelez aux autorités que le pétrole vient de frôler les 145 dollars. »

 » Le pétrole à 145 dollars, et on exige de nous des frais de participation à une fête nationale… »

Les autres stands d’arts traditionnels sont aussi animés que ceux de la poterie et de la céramique. M.Hocine Hassani et son épouse excellente couturière de robes kabyles sont ravis, ils diront : « Franchement on ne s’attendait pas à une telle affluence et puis on a écoulé suffisamment bien déjà ! ».

M.Bahmed et M.Ait-ali, respectivement tapissiers de Ghardaia et de Ain el hammam qui exposent des tapis dont la qualité n’a rien à envier à celle du tapis perse se rejoignent à ce petit groupe d’artisans qui parlent tous en même temps. C’est difficile de prendre des notes et c’est tout le monde qui exige que ses propos soient publiés. Mais ils sont d’accord sur une chose. À l’unanimité, ils diront « pourquoi diantre, on n’organise pas ce genre de manifestations très régulièrement et partout dans le pays ? Excepté les 03 fêtes de Maâtkas(poterie), Ath yenni (bijoux) et Ath hichem (tapis) qui se déroulent tous dans la wilaya de Tizi-Ouzou, aucune autre wilaya n’organise de tels événements. Et puis franchement, beaucoup parmi nous, ne peuvent participer à  » Tafsit de l’Ahagger « à Tamanrasset, car c’est onéreux comme frais.” Un autre artisan rétorquera » nous aimons plutôt les manifestations populaires, pas les expo pour les officiels comme c’est le cas souvent aux différents palais d’Alger. Nous voudrions vivre de notre travail et de notre art et chiche à mes collègues de me dire si l’un d’eux se suffit de son maigre revenu d’artisan ! « . En tout cas, c’est avec plein de sincérité et un peu de révolte que se sont exprimés nos interlocuteurs, même un livre ne suffirait pas pour reprendre tout ce qu’ils ont narrés. Avant de quitter le marché. Ali Raib, responsable du site nous accroche : « Le plus important pour nous, c’est d’avoir eu l’audace de relancer cette fête, et pour l’heure nous n’avons aucun problème dans notre site.

Une ambiance inouïe règne comme vous le constater vous-même ! « . Parmi, les cadres du comité d’organisation que nous avons pu rencontrer (il faut dire qu’ils sont au four et au moulin), M.Brahim Rabhi un des coordinateurs des commissions de travail mises en place a bien voulu nous donner ses impressions : « écoutez, le fait de relancer cet événement est un exploit déjà. Je tiens personnellement à rendre un vibrant hommage à l’exécutif communal sans oublier, bien entendu, tous ces jeunes bénévoles qui bossent sans relâche, depuis des semaines déjà. » Le 1er vice-président de l’APC, M. Mokhtari, lui a préféré ne pas parler de relance : « C’est plutôt une continuité, c’est vrai qu’il y a eu ce passage à vide qui a pris tout de même huit ans pour les raisons que nul n’ignore, mais nous allons continuer cette œuvre extraordinaire que nous ont légués nos ancêtres, la sauvegarde de la poterie en particulier et du patrimoine en général « . Rabah Achour et Rabah Issaâdi, deux chevilles ouvrières du comité d’organisation, rencontrés brièvement à la Maison de jeunes diront en substance : « Nonobstant les quelques défaillances et imperfections d’ordre purement organisationnel, nous pouvons dire que l’événement est réussi. Dites-vous aussi que nous allons tirer les enseignements pour la prochaine édition pour laquelle d’ores et déjà nous vous donnons rendez-vous ! ». En fait, ces deux « lieutenants » du comité ont parlé aussi de la réunion d’évaluation qui se tiendra après la manifestation « il est évident que nous allons évaluer notre travail, la perspective d’une structuration de ce comité est également envisagée, il est impératif pour nous de capitaliser toute la volonté et l’énergie de tous ces jeunes bénévoles, tous ces responsables qui ont participé à la relance de l’événement. Qu’ils trouvent ici toute notre gratitude ». Il est déjà presque midi, nous nous rendons compte que nous venions là de rater une intéressante conférence d’un cadre du musée des Antiquités à l’amphithéâtre du collège Ounar-Mohamed. Impossible d’être au four et au moulin. Impossible aussi de visiter tous les stands de poterie, de bijoux, de tapis, de vannerie, de philatélie, de robes kabyles et de tas d’autres exposition aussi attrayantes les unes que les autres.

« Ah si on pouvait vivre de cet art qui nous passionne ! »

Une famille venue de la ville des Genêts nous apostrophe rien que pour témoigner leur admiration et remercier les organisateurs :  » On nous a fait croire que Maâtkas connait une très grande insécurité au vu de tous les rapts qui s’y sont produits, on vient de découvrir que c’est faux ! C’est exactement comme dans toutes les autres localités de la Kabylie. Ce tristesobriquet de la “capitale des kidnappings” qu’on lui a collé est injuste car cela se produit, hélas, partout. Maâtkas est la capitale de la Poterie, ça c’est très joli !, j’invite à l’occasion tous les Tizi-Ouzéens à venir découvrir par eux-mêmes cette sympathique localité ». Un visiteur nous dira tout de même une chose curieuse « vous savez que les artisans refusent de vendre ? ». « Pas vrai ! » avons-nous rétorqué. Nous sommes repartis, délibérément pour précisément verifier cette inquiétante assertion au marché de la poterie sis à 1 km de la Maison de jeunes. En arrivant sur les lieux, on nous informera que le monsieur en question est un commerçant et qu’il voulait tout acheter en gros et sur le champ. « Il videra nos stands en une heure, nous lui avons donné rendez-vous à la fin de la Fête, mais il voulait tout et tout de suite ». C’est vrai que ce « revendeur » voudrait anticiper la fin de l’événement. Et les autres visiteurs qui arriveront, ils ne verront alors que dalle, si les organisateurs et artisans avaient accepté son caprice. Ainsi, heureusement que c’est tout le monde qui est sur le qui-vive. En tout cas, il est méritoire de saluer à la fois, les jeunes bénévoles encadrés par les membres du comité d’organisation, les élus et le chef de daïra. Un hommage aussi aux services de sécurité, les éléments de la Sûreté de daïra et de la garde communale qui veillent de nuit comme de jour pour assurer la sécurité des biens et surtout des personnes. Et la Fête continue !

Idir Lounès

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