Vigilance ou euphorie ?

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Rien que pour les cinq premiers mois de l’année en cours, l’Algérie a engrangé 17 milliards de dollars de recettes en exportation de produits pétroliers, ce qui augure, au rythme actuel d’entrée de devises, d’un montant de recettes annuelles de presque 40 milliards de dollars. Si les premiers mois de l’année ont vu la valeur du billet vert s’incliner sensiblement devant l’euro — ce qui relativise les recettes d’exportation de l’Algérie puisque le plus gros volume des importations de notre pays est réalisé en monnaie européenne —, le dollar commence à “relever la tête” depuis deux semaines.Cette évolution raffermit indéniablement nos recettes pétrolières en plus d’un effet de synergie induit par l’envolée du prix du baril qui vient de frôler les 60 dollars en pleine période estivale et des nouvelles possibilités de production algérienne qui avoisineront un million et demi de barils par jour en 2006.La tendance à la consommation effrénée de l’énergie fossile par les “Dragons” asiatiques et particulièrement par la Chine, pays qui a mis en difficulté les industries européennes et américaines, semble partie sérieusement pour durer. Et c’est pourquoi les conjectures de certains spécialistes qui ont pronostiqué l’année passée un prix du baril à 100 dollars paraissent de moins en moins farfelues.Dans ces circonstances d’embellie financière, avec déjà des réserves de change de 41 milliards de dollars, l’Algérie n’a pas le droit à l’erreur et les gouvernants ne devraient pas se griser d’une situation rentière qui nous mènerait au statu quo ante.En tout cas, jusqu’à présent, la volonté affichée par le gouvernement de poursuivre l’orthodoxie financière tout en dégagent une enveloppe assez conséquente — 55 milliards de dollars — pour le développement des infrastructures de base et des équipements publics qui conditionnent les autres investissements doit, à notre sens, être estimée à sa juste valeur, c’est-à-dire ramenée au contexte des réformes structurelles qui peinent à prendre un rythme appréciable pour sortir l’Algérie de l’ornière du sous-développement, de la dette extérieure et de l’économie rentière.Face à la mondialisation qui avance à pas de géant et pour assumer pleinement l’accord d’association avec l’Union européenne, qui exige une compétitivité accrue de nos produits et services, l’économie algérienne devrait se délester des vieux réflexes qui ont pour noms mauvaise gestion, absence de marketing et d’esprit de prospective, confusion des rôles entre le social et l’économie, absence de contrat de performance pour les cadres dirigeants et le personnel d’exécution…Dans le nouvel environnement économique régional et mondial qui est en train de tisser la toile d’araignée, il n’y a de place que pour les puissants, les fonceurs et les entreprenants. L’évidence est que ces qualités ne peuvent s’acquérir que par le règne de la compétence, la montée en puissance des capitaines d’industrie et un système efficace d’incitation à l’investissement national et étranger.Cette nouvelle vision de l’économie ne peut évidemment se faire sans une réforme en profondeur de l’école, de la formation professionnelle et de l’université, institutions sensées fournir les ressources humaines nécessaires au relèvement de l’économie nationale. L’enjeu est si important et les conditions à réunir pour une telle entreprise si nombreuses que la gestion de la manne pétrolière actuelle doit s’entourer d’un maximum de vigilance et s’éloigner de toute approximation ou autre tendance euphorique.

Amar Naït Messaoud

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