Journée historique pour le président Sarkozy que celle d’aujourd’hui, qui donnera officiellement naissance à son cher projet, hypothétique il y a seulement quelques semaines, d’Union pour la Méditerrannée, (UPM ). Historique dans le sens le plus positif qui soit, dans la mesure où il s’agit de reconnaître au locataire de l’Elysée le mérite de lancer, ne serait-ce, que l’embryon d’une entreprise aussi inédite et ambitieuse que la création d’une entité politique et institutionnelle à l’échelle méditerranenne. Ceci au plan du principe et de l’idéal. Sur le plan de la manoeuvre politique et de la prouesse diplomatique, Sarkozy en est à l’un sinon le plus retentissant exploit de son mandat présidentiel.
Son initiative s’annonçait, en effet d’autant plus improbable, voire farfelue qu’elle prétendait vouloir rassembler autour d’un projet commun d’aussi illustres et fameux antagonistes de la géopolitique que l’Occident et la Syrie d’une part, Israël et des pays tels que l’Algérie, d’autre part. Par ailleurs il est à remarquer l’audace du chef de l’Etat français qui s’en est allé jusqu’à courir le risque périlleux « d’imposer » à son opinion interne l’infréquentable Bachar Al-Assad ce qui lui vaut d’ailleurs, une vive contestation autant de la diaspora libanaise que de secteurs entiers de la société civile de l’Hexagone. Autant « d’hérésies » qui ne seraient pas chèrement payées pour peu que le projet de l’UPM, soit en termes d’objectifs digne de ce que l’on pourrait légitimement en attendre. Soit une opportunité d’échanges, civilisationnelle et de développement dans le respect mutuel entre pays membres. Mais voilà qui, selon bien des observateurs s’avère loin d’être acquis. Cela dans la mesure d’abord, où hormis de généreuses déclarations d’intentions quant à quelques projets communs de développement, le contenu de l’Union demeure des plus flou voire obscur. En revanche, les présumés objectifs français implicites à l’origine de l’initiative de l’UPM sont clairement énoncés par nombre d’analystes et observateurs des deux côtés de la Grande Bleue. Des considérations pour le moins aussi « triviales », que la reconquête voire l’extension des parts de marché de l’Hexagone dans une région du monde qui en était la chasse gardée…jusqu’à ces dernières années. Jusqu’à ce que la rivalité US et chinoise, notamment, à la faveur de la fin de la bipolarisation, lui fasse perdre pied, quelque peu, en termes d’intérêts économiques. D’où la nécessité pour Paris d’y remédier en se « taillant » une zone régionale riche de dizaines de millions de consommateurs, et à proximité de ses frontières. Une zone maghrébine, qui plus est, où à la faveur d’une histoire commune la France jouit de solides liens politico-diplomatiques ainsi que de clientèles économiques. Des atouts qui seraient d’ailleurs à l’origine de la vigilance allemande à l’encontre d’un projet dont elle serait exclue.
A ce stade des enjeux géopolitiques et économiques l’on comprend aisément que l’Algérie n’ait pu que recourir, plus que jamais à son sens du pragmatisme pour négocier au mieux sa participation à une initiative dont elle n’a aucun intérêt à être exclue.
Hakim Outoudert
