Parcours d’un grand patriote

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Dans la région d’AthYahia Moussa, dans ses villages, l’histoire reste témoin de ces patriotes qui se sont lancés, en dépit des manques et de la misère, dans une œuvre qu’ils savaient difficile mais qui n’était pas impossible. A l’occasion du quarante-sixième anniversaire de l’Indépendance et à l’occasion du cinquième anniversaire de sa mort, nous retraçons le parcours infaillible de l’un des grands Moudjahid de cette contrée.

Un courage exceptionnel !

Il s’agit de feu Hocine Rekam, né en 1906 dans la commune d’Aït Yahia Moussa. Il débuta la politique au sein du Mouvement national en 1945. Durant plus de dix ans, c’est-à-dire avant le déclenchement de la Révolution, il continua à structurer les jeunes au sein de l’organisation. Le jour J, il était alors prêt tout comme ses camarades Boubaghla Djemaâ, qui était d’ailleurs son chef dans l’organisation paramilitaire, et bien sûr Salemkour Djemaâ, on l’appelait ainsi, activa sous la houlette de Belmahdi Mohamed Ben Amar qui mourut à la fin du mois de novembre 1955. Dans un petit carnet où il écrivit son parcours, on a pu lire qu’il jouissait d’un grand courage. Il raconta même ses combats les mains vides. Durant les douze premiers mois de l’an 54, il était recherché par les forces d’occupation. Il voulut s’en aller, changer de lieu, mais ses supérieurs lui donnèrent une autre mission. En raison de son courage, on lui confia le rôle de sabotages des axes routiers. Durant des mois, l’Hocine Oumahri souffrait d’une maladie au niveau de la poitrine. Quand Boulaouche Si Moh Oulhadj et Si Abdelhakim, chef des Habous, apprirent cette nouvelle, ils le laissèrent se soigner au sein de l’infirmerie. Ayant repris ses forces, il se chargea des affaires de l’intendance sous la responsabilité de Si Yahia. Il reprit alors l’activité comme agent de liaison sous le commandement du lieutenant Si Moh qui le nomma par la suite sergent-chef. Quand il était agent de liaison, il se chargeait de distribuer les armes aux jeunes recrues. Dans ses mémoires, il raconta qu’il plaçait des mines avec Amar Kourriet. “Ce sont des bombes artisanales que je fabriquais moi-même”, a-t-il écrit avant d’évoquer ces deux faits : “J’ai renversé trois camions à bord desquels il y avait dix-sept militaires, à Tighilt Bougueni (M’kira), ainsi que trois autres dans une autre bataille à Ichoukrène avec un important groupe de militaires des forces coloniales dont deux adjudants”. Après une petite recherche, nous avons aussi retrouvé les grandes batailles auxquelles il avait participé. Dans un témoignage fait pour le compte de la Kasma des Moudjahidine d’Aït Yahia Moussa, il relata les évènements d’une grande bataille qui avait eu lieu, à Moroko du côté de Tizi Ghennif plus précisément en octobre 1956. Ce qui avait donné lieu à ces combats, c’était lorsqu’un groupe de l’ALN avait attaqué un poste militaire à Tighilt Bouguenni (M’kira). Ayant une bonne mémoire au lendemain de l’Indépendance, notre moudjahid cita même les noms de ceux qui formaient le groupe : étaient présents dans cette bataille commandée par Bolaouche Si Moh Oulhadj, Ali Achina, Si Mokrane, Chaïb, Ahmed Tifaoui, Boubaghla Saïd dit “Saïd Nahmadouche”, Ahmed Mamache dit “Oubalhadj Boukaïb”, Rabah Nia, Ismaïl, Belkacem Boumahala et Saïd Belmahdi dit “Boukahoua”. Dans son récit, le moudjahid Hocine Rekam ajouta que l’objet de cette attaque au coucher du soleil était de tuer les gardes du poste. Après un grand accrochage, a-t-il relaté, le chef du groupe leur avait donné l’ordre de battre en retraite pour regagner le village de Tarikht à Aït Yahia Moussa où la population était aux côtés des moudjahidine. Le lendemain, à l’aube, les forces coloniales avaient encerclé toute la région. Grâce à la stratégie tracée par le groupe, L’Hocine Oumahri et ses compagnons avaient tenu tête à l’ennemi en perdant malheureusement les deux hommes Si Mokrane et Ali Achina. Après cela, peut-on lire dans le témoignage, les tortionnaires de l’armée française n’avaient trouvé mieux que de soumettre aux grandes affres la population civile. Ce moudjahid participa à toutes les autres batailles. Quand l’armée coloniale avait déclenché la grande bataille du six Janvier 1959 où pas moins de trente mille soldats appuyés par plus de trente avions de guerre, Hocine Rekam était au milieu de ses frères. Il fut atteint par le Napalm. D’ailleurs, il avait gardé les traces des brûlures jusqu’à la fin de ses jours. On raconta qu’il s’était battu aux poings avec un soldat français. “Ce dernier” fut tué alors qu’il allait fuir vers le maquis de Boumahni. Hocine Rakam avait raconté dans ses mémoires d’autres batailles.

Récit d’un héros…

La plus importante était celle du dix-huit mars 1959. “Le dix mars 1959, notre équipe d’armuriers était installée à Rabets (Oued Ksari) où elle fabriquait des bombes artisanales qui serviront pour divers sabotages. Dans l’après-midi, un agent chargé des renseignements nous avait avertis que l’armée française se préparait pour encercler toute la région le lendemain. Nous avions alors déplacé le matériel vers un autre lieu plus sûr dans un abri à Afir. Dans la nuit, nous avions regagné le village de Tafoughalt où était campée la section du lieutenant Si Moh Oulhadj. A notre arrivée, les commandos de Lakhdaria y étaient déjà après un accrochage avec l’ennemi. Nous avions alors occupé toutes les crêtes. Au matin, nous avions attaqué les soldats français qui arrivaient de Tizi Ghennif. Des renforts furent appelés à la rescousse. En dépit de l’aviation qui balançait des bombes de mille kilogrammes, nous pûmes quitter ce territoire, alors que les renforts venus de Draâ El Mizan, ils étaient attaqués par les éléments de notre base avec l’aide de la compagnie du Djurdjura qui se trouvait à Imzoughène, un village voisin. Dans la nuit, nous avions pénétré dans la forêt d’Amalou Ouzidhoudh pour rejoindre M’kira”, a-t-il écrit. Au terme de cette grande bataille, l’ALN avait perdu cinq hommes. Du côté de l’ennemi, les pertes étaient lourdes.

Dans une autre bataille qui eu lieu au mois de juin à Tafoughalt, Hocine Rekam et ses compagnons d’armes tuèrent dans un autre accrochage à Tafoughalt, le neuf juin 1959, dix soldats de l’armée coloniale qui arrivait de Tizi Ghennif avant de se déplacer sous la houlette du lieutenant Si Moh Oulahdj à Boumahni. A ce niveau, le chef ordonna à la troupe de se scinder en petits groupes pour passer inaperçus et rejoindre Maâtkas. C’était au cours de cette autre bataille que l’Hocine Oumahri fut blessé. “Dans la nuit du treize au quatorze juillet de la même année, j’étais transféré pour des soins à la base de Bougarfan où se trouvaient des abris aménagés sous la surveillance, l’infirmier Si Ramdane et son équipe”, a-t-il relaté dans un autre document où il évoquait comment le capitaine Ali Bennour et Si Ramdane étaient torturés puis fusillés après la bataille du 18 juillet 1959. “Je fus arrêté avec seize de mes compagnons dont quinze étaient tous blessés avant d’être transféré dans divers camps militaires jusqu’à ma libération du camp après avoir passé deux ans et trois mois”, peut-on lire dans un autre témoignage. Rekam Hocine fut libéré le dix-huit avril 1962 pour rejoindre son village Tafoughalt. Il reprit son travail dix jours après en se chargeant du contrôle comme chef des fronts.

Il travailla durant des années à Alger avant de prendre en main la kasma des moudjahidine d’Aït Yahia Moussa où il accomplit une œuvre titanesque en recueillant les témoignages sur toutes les batailles de la région. A la fin des années 80, il se rendit en pèlerinage à la Mecque. Il vécut des années au sein de sa famille et de ses amis, jusqu’au 13 juillet 2003 quand il rendit l’âme après une longue maladie due aux séquelles de la guerre.

Amar Ouramdane

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