A 10h 34, nous prenons la direction de la commune d’Aït Mahmoud, daïra de Béni Douala, la voix du Rebelle retentissait à l’intérieur du taxi, imposant un silence religieux. Matoub s’invite ainsi à notre visite, emprunter le chemin qui monte vers sa commune de naissance s’apparente à un long pèlerinage où l’émotion gagne soudainement l’esprit, laissant place à un très fort sentiment de recueillement, d’hommage…
Chemin faisant, le climat se détend peu à peu, le chauffeur de taxi nous fait remarquer avec fierté, qu’à quelques kilomètres de l’intersection entre Taguemount Azouz et Taourirt, repose le géant du chantre amazigh. Nous prendrons vite conscience qu’à Aït Mahmoud, le Rebelle fait désormais partie de l’identité de la région… Aït Mahmoud est une commune située au nord-est de la daïra de Béni Douala, sa population avoisine les 9 000 âmes réparties sur plusieurs villages, Tizi- Hibel, Taguemount Azouz, Taourirt Moussa en sont les plus importants.
Ath Mahmoud s’étend sur une superficie de quelques 25,8 km2. C’est une localité qui a enfanté plusieurs personnalités connues et reconnues dans plusieurs domaines l’on citera le troisième meilleur manager africain Issad Rebrab, Matoub Lounès et Mouloud Feraoun. Des icônes qui ont marqué de leurs empreintes, chacun dans son domaine.
La beauté des tableaux naturels que nous offre majestueusement cette commune qui est d’ailleurs merveilleusement protégée par les monts du Djurdjura nous ont fait oublier les difficultés du parcours tant le chemin y menant est escarpé et semé d’embuches. La route a été plusieurs fois revêtue, mais la vétusté, des réseaux AEP qui éclatent ça et là cause la dégradation du réseau routier, ce qui n’est bien évidemment pas pour arranger les affaires de la population locale.
Arrivée au bout de quelque 35 minutes au chef-lieu communal, une voix retentissait dans les airs, elle vient des hauteurs du village Taguemount Azouz, le plus peuplé des villages d’Aït Mahmoud. Renseignement pris, c’est une invitation aux citoyens à venir visiter le mausolée dit Vougeleb Azegzaw. Prenant le chemin du mausolée, l’accés nous renvoie à l’originalité des villages de Kabylie: la rue est pittoresque, d’anciennes habitations magistralement conçues, une architecture faite de pierres qui nous renseigne sur le génie indéniable de ceux qui les ont construites, Taguemount Azouz a su et pu conserver son originalité qui lui confère un statut particulier parmi les villages de la localité.
“Vougelav Azegzaw, une tradition… à perpétuer”
Un groupe de sages de la bourgade est chargé d’accueillir les visiteurs, “ici, nous célébrons chaque année Vougelav Azegzaw, comme une halte pour remercier tous les sages qui ont fait du bien à notre village, cette tradition que nous perpétuons de génération en génération car nous pensons que la présence de ces sages est une véritable bénédiction du ciel,” nous dira tout de go Mohand, l’un des organisateurs. Ce dernier nous fera savoir que l’objectif est, abstraction faite au côté spirituel de la manifestation, d’encourager l’esprit de solidarité entre les citoyens. C’est là, en effet, que réside toute la symbolique des célébrations religieuses puisque cela permet aux riches comme aux pauvres de partager un repas. “Cette offrande est l’incarnation du génie de nos ancêtres, comme Timechret, ce genre de rencontres renforce l’entraide et la solidarité, c’est des moments de rencontre, d’échange où les liens d’amitié et de fraternité se consolident,” indiquera notre interlocuteur.
En plus, le fait qu’hommes et femmes se rencontrent, cela est une occasion idéale pour nouer des “contacts” particulièrement pour les femmes qui n’ont pas l’opportunité de sortir, de nouer des relations qui conduisent souvent au mariage. Pour Med Ameziane Bouzar, un sage du village Taguemount Azouz, le jour “J” de la célébration de Vougeleb Azegzaw, est l’aboutissement des préparatifs qui commencent par la collecte des fonds. Il soulignera dans ce sillage la précieuse contribution de la population parmi laquelle la famille Rebrab: “une fois les fonds collectés, nous procédons au sacrifice des bêtes, les femmes s’occupent de la préparation du couscous, le lendemain c’est tout le village qui est mobilisé pour l’organisation, nous accueillons les dons des visiteurs, qui partagerons ensemble un déjeuner, le tout dans une ambiance fraternelle,” souligne M. Bouzar- Interrogé par nos soins sur l’origine de la célébration dans ce mausolée, notre interlocuteur nous dira: “Nous célébrons un sage qui, je le suppose a fait beaucoup de bien à la population, on le fête chaque année pour perpétuer la tradition de nos aïeux, cela même si certains disent que la religion nous interdit ce genre de manifestations, moi je dirai que c’est une opportunité de rencontre pour les immigrés, et tous ceux qui viennent se recueillir.”
“Le manque de moyens se fait sentir”
Taguemount Azouz, chef-lieu communal d’Aït Mahmoud, connait aussi, des contraintes quotidiennes qui pourrissent le quotidien de la population locale, un citoyen rencontré sur place nous indiquera que cette pépinière culturelle qui a enfanté de grands hommes de la culture algérienne, ne dispose pas à ce jour d’une, maison de la culture, qui pourait canaliser l’ensemble des talents dont regorge la région.” Les autorités locales ne nous ont pas aidé à surmonter cette difficulté.” L’APC est donc montrée du doigt par des citoyens que nous avons rencontré, ils disent que les projets de développement traînent et l’essor économique de la municipalité tarde à voir le jour.
“Les jeunes ont leur part de misère”
“Aujourd’hui je peux vous affirmer que les jeunes sont victimes du vide énorme qui caractérise la vie dans la commune, nous sommes en train de payer l’absence de volonté et le manque d’activisme des autorités locales, c’est une localité qui mérite mieux, vous voyez par exemple l’absence d’activités culturelles, c’est malheureux” nous dira Djamel, un jeune universitaire au chômage, ce dernier ajoutera à propos de la masse juvénile “nous sommes le plus important village de Kabylie après Taourirt Amokrane, nous avons une société constituée à majorité de jeunes qui ne trouvent pas du boulot, nous sommes des diplômés et nous n’arrivons guère à nous en sortir, que dire alors des non diplômés notre commune dispose pourtant de beaucoup d’atouts qui pourraient lui permettre un meilleur vécu,” ajoute Djamel. Notre interlocuteur nous fait d’ailleurs remarquer que plusieurs promesses ont été faites par les candidats, aujourd’hui élus, mais qui restent lettre morte “durant la période des élections ils viennent faire du porte à porte, avant de laisser tomber leurs électeurs”. Parmi les préoccupations de la jeunesse de Taguemount Azouz, le stade communal “c’est le rêve de tous les jeunes de la localité, l’aménagement du stade est très attendu, ceci à toujours bloqué la relance du KCT, le club de football qui a honoré la région des années durant” déclare Mouloud, la trentaire, rencontré dans le café du chef-lieu. Sur ce chapitre, l’on citera la précieuse contribution du tissu associatif, qui se démène tant bien que mal, pour tenter d’occuper le terrain culturel même si le manque de moyens se fait terriblement sentir. Les deux importantes associations qui activent à Aït Mahmoud sont Tizizwit et Taghrast, aux côtés de deux autres associations à caractère sportif. Sur le chapitre développement, Aït Mahmoud ne voie toujours pas se concrétiser le projet des 100 locaux commerciaux prévus dans le cadre du programme présidentiel “ces locaux pourraient servir à booster l’activité commerciale, surtout qu’ils sont destinés aux jeunes chômeurs“ nous dira Djamel. Nous prenons le chemin inverse, aux environs de 14h, le temps changeait, la canicule se faisait sentir à nouveau, nos accompagnateurs nous invitent à revisiter la région en d’autres occasions, les organisateurs de la fête de Vougelav Azegzaw prient pour nous, nous quittons Taguemout Azouz comme nous l’avons abordé, avec émotion mais surtout la conviction d’avoir eu affaire à un village fier de ce qu’il est, fier surtout de ses hommes et femmes qui font de Taguemount Azouz un village pas comme les autres…
A. Z.