La poésie au levain

Partager

Xalti Aldjia, Naït Mouloud de son vrai nom, a longtemps tu sa poésie comme on cache le nom de son amant. Elle murmurait ses poèmes aux murs sans échos. Puis vint une succession de tragédies où elle vit ses proches partir successivement comme s’ils s’étaient donné le mot : son jeune frère, sa sœur et son mari. Depuis, la blessure ne s’est jamais cicatrisée. Elle ressent comme un creux dans son âme que seule la poésie semble consoler. « Les poèmes me viennent comme une rivière, surtout en hiver », dit-elle. Pour qui l’approche, elle offre un visage d’une femme « habitée » par ses poèmes qu’elle récite à tout venant. Comme elle ne sait ni lire ni écrire, elle les « psalmodie » la nuit. Feu Matoub Lounès auquel elle voue une admiration sans bornes, lui fit la promesse de faire connaître ses poèmes quand il la reçut avant que la mort nous le ravisse peu de temps après. Xalti Aldjia lui rend hommage dans plusieurs poèmes.

Les thèmes qu’elle aborde la choisissent plus qu’elle ne les choisit : l’évolution des moeurs, l’histoire, Tamazight, la mal-vie, l’émigration, la révolution, la condition de la femme, la terre et le sang… Elle excelle dans les poèmes dialogiques comme ce poème sur la plainte du pain. Gageons qu’on entendra d’ici peu ses poèmes chantés tant ils s’y prêtent merveilleusement. Qui a dit que la poésie orale se meurt ?

Achour Ouamara

Universitaire, écrivain

Partager