Au vu de la dégradation de la situation sociale de larges franges de la population algérienne, des fléaux sociaux de différentes catégories ont vu le jour au cours de ces dernières années au point de mettre en danger la sécurité des biens et des personnes ainsi que les valeurs morales de la collectivité. Presque toutes les instances éducatives et culturelles (cellule familiale, école, crèche, mosquée, Centres culturels, médias audiovisuels,…) ont une part de responsabilité dans l’impasse à laquelle se trouvent confrontés les jeunes algériens. À défaut d’anticiper les problèmes, ils finissent par nous exploser intempestivement à la figure.
Notre pays dispose de 127 établissements pénitentiaires abritant une population carcérale de 54 000 personnes. L’un de ces pénitenciers, celui de Tazoult (Lambèse), a été bâti en 1852. Un ‘’programme d’urgence’’ prévoit, d’ici 2009, la construction de 13 autres établissements pouvant offrir 19 000 places. Le ministère de la Justice nous apprend que la population carcérale a augmenté en l’espace d’une année de 10 000 prisonniers, un chiffre qui donne du tournis et qui suscite beaucoup d’inquiétude. S’appuyant sur un cofinancement de la Commission européenne relatif à la Réforme de la justice, une journée d’étude a été consacrée, en 2007, à la réforme pénitentiaire avec présentation d’un modèle de gestion des prisons tel qu’appliqué en Catalogne (Espagne). Par définition, la condamnation a une peine de prison ne signifie pas autre chose qu’une restriction, voire une annulation, de toute liberté et de tout mouvement. Du moins, c’est là la conception traditionnelle qui a ses justifications sociales, culturelles et économiques. Donc, l’on ne doit pas tomber dans la candeur jusqu’à conférer à la tôle des airs de villégiature. La marche de la société et l’impératif de ses équilibres internes ont instauré la sanction de mettre aux arrêts les plus marginaux de ses éléments, ceux qui portent atteinte à la sécurité des biens et des personnes et ceux qui mettent en danger l’harmonie générale des groupes et des communautés. Mais que vaut la prison dans un pays que sa propre jeunesse, sans grand effort de recherche de style, qualifie de grande prison vaste de 2,5 km2 ? Que l’expression comporte une note d’exagération, cela n’exonère nullement le système politique, économique et social algérien qui jette, dans un mouvement centrifuge permanent, de larges franges de sa population aux confins de la marginalité, de l’abandon, de l’esprit de revanche et de ‘’l’irrédentisme’’. Comment se présente la vie en prison lorsqu’on est déjà édifié sur la vie menée par notre jeunesse en ‘’liberté’’ ? Il est vrai que la règle d’exception a fait que des prisonniers candidats au bac ont eu l’examen haut la main. Mais, l’on sait depuis longtemps que l’hirondelle ne fait pas le printemps. Les maladies, somatiques et psychiques, contractées en milieu carcéral ne sont pas rares. Malgré tous les discours officiels et les statistiques des bureaux feutrés de l’administration, la formation professionnelle, la réhabilitation des valeurs humaines chez le prisonnier, bref, la rééducation (terme officiel qui remplace ‘’incarcération’’) demeurent une vue de l’esprit. Les résultats sont là : sur les 54 000 personnes constituant la population carcérale actuelle, 43% sont des récidivistes.
Ce chiffre du ministère de la Justice vaut son pesant d’échec dans la politique de réinsertion aussi bien en prison qu’après la libération du prisonnier. Le drame est que la nouvelle configuration de la population carcérale donne un chiffre officiel de près de 900 femmes emprisonnées. Quand se rendra-t-on compte que, comme l’affirment des spécialistes, la prison est un condensé de la société prise dans son ensemble, un reflet de ses impuissances et de ses échecs ? C’est sa mémoire douloureuse, sa partie marginale et insoumise, qu’elle traîne comme un boulet dans la conscience. C’est pourquoi, aucune réforme des prisons ne pourra donner de fruits ou de résultats durables tant que la société, les pouvoirs publics et les autres institutions de l’État se conduisent plus en matons qu’en instances d’intégration sociale.
A.N.M.