“Le commerce informel genère une évasion fiscale importante”

Partager

La Dépêche de Kabylie : Pourquoi à votre avis, l’informel se généralise?

Ahmed Tessa : L’économie algérienne a connu de profondes mutations et transformations mais dans l’ensemble, les hydrocarbures restent la source principale voire quasi unique de financement. Ceci s’explique par le recours massif et croissant aux importations des biens et services qui restent encore une réalité. Le degré d’ouverture de l’économie algérienne a fait l’objet d’une progression rapide et se situe actuellement à un niveau très élevé. Tous les espaces des grandes villes voire petits hameaux et villages sont envahis par des commerçants illégaux. Tant en biens d’équipement et biens intermédiaires qu’en produits alimentaires. La dépendance totale de l’économie algérienne aux importations est importante, elle aiguise l’appétit des rentiers moderne, nationaux et étrangers.

Qu’en est-il de l’émergence du phénomène de l’informel?

La forte demande solvable sur les divers produits engendre la rupture de stocks. Les pénuries et ruptures répétées de ces produits sont les causes principales de l’apparition de ce phénomène, qui ouvrent les portes à des trabendistes et aux fraudeurs. La Direction du commerce de la wilaya d’Alger a recensé 96 marchés informels dans lesquels excercent 7 100 commerçants illégaux. Celle de Tizi-Ouzou en a recensé plus de 1 500 en 2007.

Le commerce informel a pris à ce point de l’ampleur…

Absolument ! Dans une économie algérienne caractérisée par l’absence d’investissements productifs, la politique économique devient “ stérile et stérilisante”. La société voit ses devises transférées dans des caisses étrangères en contrepartie de produits qui menacent parfois la santé publique. Dans une économie de marché caractérisée par l’absence de contrôle des marchés, les détenteurs de capitaux évitent les risques d’investir.

Cela génére des fraudes fiscales importantes ?

Oui ! Le commerce informel porte un énorme préjudice à l’économie nationale. C’est plus de la moitié du chiffre d’affaires des activités commerciales qui échappe au contrôle fiscal. C’est presque 1,5 million de personnes qui exercent dans le marché informel contre 1,6 million de commerçants dans la sphère légale. Quant à l’évasion fiscale, l’administration fiscale algérienne a recensé 10 324 importateurs fraudeurs au 13 avril 2008 alors qu’au 30 septembre 2007, les rentiers illégaux n’étaient que 9 960, soit 364 nouveaux importateurs illicites en l’espace d’un semestre.Pour la même période le nombre de personnes physiques et morales auteurs d’infractions à la législation fiscale, douanière, fiscale et commerciale avait atteint 10 051. Les commerçants trabendistes sont à l’origine d’une importante fuite fiscale causant un préjudice au Trésor public. Ils privent les caisses de l’Etat de plusieurs milliards de dinars chaque année ? Chaque jour des devises sont transférées à l’étranger dans les opérations d’import-export”, pour importer des produits nocifs à la santé publique. D’où viennent ces produits “tocs”? Des produits alimentaires, médicaux, informatiques, des équipements, des vêtements…tout est disponible sur le marché algérien, des anomalies à tous les échelons ! L’illégalité et la fraude commencent d’en haut. Elles partent des importateurs, des grossistes pour arriver enfin aux détaillants. Quelles sont ces anomalies? A titre d’exemple nous pouvons énumérer ce qui suit:

Les fausses déclarations ; les déclarations minorées; les locations des registres du commerce, les non facturations des marchandises jusqu’à l’exercice au noir des activités commerciales. Ces fraudes touchent même les métiers dit “nobles” de l’enseignement et de santé. Combien d’écoles s’autorisent à assurer des formations en informatique, alors qu’elles font dans la vente du matériel informatique ? Combien de diplômés en pharmacie qui ont loué leur diplômes à des commerçants? Où sont le serment, l’éthique et la déontologie dans notre société? La maladie s’est avérée grave ! L’Algérie de demain doit combattre le commerce informel et mettre fin à la fraude fiscale.

Entretien réalisé par A. Z.

Partager