Evolution du mode de vie de Bougie d’avant-guerre à Béjaïa actuelle

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Sous l’occupation française, la capitale des Hammadites était appelée Bougie, ses habitants étaient divisés en deux : les colons et les autochtones. Ces derniers se distinguaient de ceux qui côtoyaient les Français et ceux que l’on appelait “ Les indigènes”. La Haute-Ville de Bougie était habitée par les colons et ceux qui les côtoyaient tandis que dans la plaine, on y trouvait “ les indigènes” et une minorité de colons. A cette époque, c’était le boulevard Biziou (l’actuel Boulevard Amirouche), qui n’était pas entièrement construit, qui séparait la ville de la plaine. Jusqu’en 1945, la population de Bougie ne dépassait pas les 45 000 habitants. Mais, au moins, les “indigènes” vivaient tous dans l’union et un fort sentiment de fraternité régnait entre eux. D’ailleurs, ils vivaient collectivement dans des maisons avec plusieurs familles qui occupaient chacune, deux chambres au maximum par bâtisse. Pourtant, se rappellera un citoyen, jeune à l’époque, Abdelhafid Idrès, aujourd’hui retraité depuis 1999 et âgé de 62 ans: “…nous étions très pauvres mais heureux car nous nous contentions de ce que la vie nous donnait.” Quant aux Français, il est inutile de décrire le luxe dans lequel ils vivaient. Le quotidien des Algériens appelés “ indigènes” était limité au travail et au maigre manger. En effet, ils cuisinaient soit avec un réchaud à pétrole, soit avec un “kanoun à charbon”. Très souvent, le déjeuner n’était composé que d’un morceau de galette entouré d’une échalote. Par contre, en ce qui concerne le travail, ce n’étaient pas les emplois qui manquaient avec toutes les usines implantées à Bougie : usine de conservation de sardines, de câpres, d’oranges, de caroubes, de figues sèches….et même de liège, sans compter les deux biqueteries et les fours à chaux. Même la mairie employait à elle seule, plus de 5000 personnes. Le jour où la guerre a éclaté, le lien de fraternité se renforça encore davantage et l’adhésion à l’appel du FLN était total, et cela, même avec l’exode rural lorsque la plupart des régions montagneuses avaient été déclarées “ zones interdites”. C’est à l’Indépendance que le mode de vie et la mentalité des Bougiotes commencèrent à changer. L’Etat n’ayant pas voulu aider les montagnardes à regagner leurs villages pour des raisons évidentes ( pas d’électricité, pas d’eau potable, pas assez d’écoles…. enfin le nécessaire pour y vivre), Béjaïa, qui a donc pris cette appellation à l’Indépendance, commença à s’agrandir jusqu’à devenir une grande ville, et cela, dès la fin des années 70. C’est ainsi qu’Iheddadeur puis Sidi-Ahmed “ poussèrent” dans la capitale des Hammadites. Aujourd’hui, même les hauteurs de Béjaïa ont vu naître des villages. “Malheureusement, si à “Bougie” l’égoïsme et l’hypocrisie n’existaient pas, à “Béjaïa” un bon nombre de traditions et même toute la culture bougiote tendent à disparaître,” nous déclara encore, amèrement, Abdelhafid Idrès. Citons par exemple les fêtes familiales animées par des vrais chanteurs remplacés par les disk-jockey avec des chansons vulgaires, ou alors le port du “haïk” par les femmes remplacé par le “hijab”. Selon notre interlocuteur, la télévision, même la “RTA” de l’époque du parti unique, ainsi que l’ouverture des frontières y sont pour beaucoup. Bien entendu, la malvie et le désespoir ont fini par avoir raison de toutes les valeurs d’antan de la capitale des Hammadites.

Tarik Amirouchène

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