La générosité des bienfaiteurs et autres mécènes en ce mois de ramadhan n’est pas sans procurer bien-être et soulagement aux familles démunies mais aussi aux personnes aux revenus modestes qui se retrouvent parfois dénuées et seules à l’heure du f’tour. A Raffour, jeudi dernier, le resto rahma de la localité, ouvert grâce à la contribution d’un propriétaire de restaurant et du gérant de la station-service Naft Raffour, accueillait une trentaine de personnes à l’heure de la rupture du jeûne. 19h La petite ville de Raffour était, à l’instar des autres villes et villages de la daïra de M’chedallah, plongée dans un black-out total. Au même moment, un orage sévissait dans toute la région, et la RN 15 parcourant la localité était quasi déserte. Seuls quelques véhicules traversaient l’artère principale en trombe pour rejoindre leur domicile avant l’appel du muezzin. D’habitude très animée, la ville de Raffour avait baissé l’ensemble des rideaux des devantures de ses magasins, et les rues étaient vides, sauf au niveau de la mosquée, où un regroupement de fidèles attendait l’appel à la prière. 19h10, trois semi remorques et deux véhicules sont stationnés devant le resto rahma, à quelques dizaines de mètres de la station-service de la localité. Une dizaine de personnes attendent sur les marches d’escaliers menant au restaurant. A l’intérieur six personnes sont déjà attablées et attendent l’appel du muezzin annonçant la rupture du jeûne. Un groupe de jeunes, des Algérois apparemment, discutent entre eux à une des tables. Plus loin, un homme la trentaine environ, accompagné de sa fille d’une dizaine d’années chuchotent et regardent leurs voisins de fortune. Le restaurant est très propre et surtout très convivial. Une quinzaine de tables avec quatre couverts chacune sont éclairées par des bougies. Dîner aux chandelles qui n’était pas prévu, mais que Sonelgaz improvise régulièrement dans la daïra de M’chedallah. Deux routiers s’installent à quelques tables de là, ils rejoignent un de leur collègue déjà attablé. Soudain un groupe de plusieurs personnes fait son entrée à l’intérieur du resto et déclarent que l’imam vient d’annoncer la rupture du jeûne. Parmi ces personnes, un vieil homme l’échine courbée prend place à nos côtés. Les serveurs apportent aussitôt des bols de soupe bien chaude qu’ils distribuent à chaque table. La chorba composée de poulet semble apporter beaucoup de réconfort aux jeûneurs qui apprécient le plat dans un silence quasi religieux. Les serveurs sont à l’entière disposition des clients et aussi au petit soin avec eux. Après la soupe, les serveurs apportent les plats de résistance. Au menu, riz, zeitoun, légumes et pâtes accompagnés de lichettes de viande de veau. Le mets est dégusté avec enthousiasme par tous. Des habitués des lieux n’hésitent pas à interpeller les serveurs par leurs prénoms : «Adel ! Apportes-nous un peu de soupe», «Achour ! Ajoute un supplément de chorba» sont quasiment les seules paroles qui fusent dans la petite salle éclairée par des bougies. Notre voisin de table qui jusque-là n’avait soufflé mot, sort d’un sachet noir une bouteille d’eau minérale et se propose de nous servir. Nous déclinons gentiment l’invitation et nous lui demandons s’il est de la région. Avant de répondre il nous dévisage longuement et c’est d’un signe de la tête qu’il réplique par l’affirmative. Nous n’en saurons pas plus, mais avant de sortir de table, le vieil homme nous laissera une grappe de raisins de table. Nous n’avons pas le temps de le remercier qu’il a déjà quitté le restaurant. L’homme accompagné de sa fille s’apprête également à partir ; en voyant la gamine nous lui proposons la grappe de raisins offert par l’inconnu. Son père refuse mais sur notre insistance l’enfant accepte. C’est dans un arabe avec un fort accent de l’Est que le père et la fille nous remercient. Renseignement pris, ils sont originaires d’Annaba et sont de passage dans la région, ils comptent se rendre à Alger pour aller voir un spécialiste en chirurgie. La fille qui se prénomme Amina souffre d’une maladie inconnue. Dans le restaurant, les serveurs s’assurent que tout le monde a bien mangé à sa faim avant de quitter les lieux. Ils peuvent enfin aller rompre le jeûne à leur tour, tandis que chacun des convives repart dans une direction. Chaque soir, ce restaurant accueille une trentaine de personnes qui ne se connaissent pas et qui pourtant partagent plus qu’un repas gracieusement offert par des âmes charitables. Ils partagent surtout entre eux, l’esprit de ramadhan et la solidarité qui marquent ce mois sacré.
Hafidh B.
