Le rêve américain

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L’Amérique entretient toujours la fétichisme vietnamien en dépit de la démystification historique qui a fini par en faire une horrible aventure qui n’apporte presque plus rien à ses héros, fatigués ou encore enthousiastes. Mais ça ne coûte rien de s’en revendiquer non plus. Exhiber ses blessures ou conter l’enfer d’un emprisonnement peut toujours valoir quelques sympathies, titiller l’ego patriotique en mal de repère et à l’occasion donner un coup de pouce. Mc Cain sa que ce n’est pas avec son passé vietnamien qu’il gagnera la partie présidentielle face à son rival Obama, mais il ne se prive pas d’en jouer. D’abord parce que si ça ne peut lui valoir que quelques voix de nostalgiques aigris et de va-t-en-guerre enflammés, ça ne peut pas lui en faire perdre. La guerre du Vietnam ne sera donc pas déterminante et Mc Cain le sait très bien. Il n’en fait qu’un point de départ à ses états de service autour desquels il compte forger un profil plutôt qu’élaborer un projet. “Mortellement patriote” donc, le candidat républicain, comme tous les politiques qui jouent sur les sentiments, ne s’embarrasse pas d’honnêteté intellectuelle. Pêle-mêle, il évoque, à la face d’une Amérique désorientée, le Vietnam, l’Afghanistan, l’Irak et le World Trade Center. Et dans ce charivari de l’émotion, il bénéficie des services du champion en la matière. Le champion, il s’appelle David Giulliani, l’ancien maire de New York. On ne sait pas ce qui reste de sa popularité, mais elle a été réelle dans la foulée du 11 Septembre. Giulliani, qui a profité des attentats sur les Tours Jumelles pour se bâtir une solide réputations est pour ainsi dire le héros d’un moment. Cet évènement a mobilisé les Etats-Unis comme rarement avant ça, et le maire de New York, qui n’avait jusqu’alors pas de bilan à faire valoir, a su comme on dit, être au bon endroit, au bon moment. Il a été “présent”, motivant les pompiers, disponible face aux caméras la chemise défaite et les traits tirés, caressant des cheveux d’enfants et offrant à tout va l’épaule réconfortante. Son discours à l’investiture républicaine de son favori est un modèle du genre. Il a exhibé les plaies de Mc Cain, surfé sur le 11 Septembre et servi tout le bien qu’il pense de l’aventure irakienne Obama, lui, est quasiment présenté comme un traître à la nation. Comme son chef, Giulliani n’a pas dit un mot sur les difficultés économiques des Américains, leurs angoisses au quotidien, les inégalités, le système social le plus inhumain de la planète toujours en vigueur aux Etats-Unis et avec tout ça si le rêve -américain ou non- est toujours permis, c’est autour de l’“américan dream” que Barak Obama compte développer sa campagne. Subjectivement, il peut bien sûr en être l’incarnation. En tout cas, sensiblement plus que son rival. S’il n’a pas encore gagné la guerre, le candidat démocrate a certainement gagné plus qu’une bataille. Au sein de sa propre famille politique d’abord. Il est jeune, il est Black et face à lui, il y avait une sacrée cliente. Mais voilà que sa jeunesse a fini par être un espoir de changement. Sa couleur aussi. D’abord parce qu’il a très vite balayé certaines appréhensions quant au fait qu’il pourrait être le candidat d’une minorité. Ensuite parce qu’une fois évacué ce “handicap,” il pourrait placer l’Amérique dans une rupture historique. Sa jeunesse, elle, fait de lui un candidat qui ne traîne pas de casseroles. Ni ange ni démon, il veut d’abord faire des Etats-Unis un pays où il fait bon vivre et donner à ses compatriotes d’autres sources de fierté que les folies de superpuissance du gendarme du monde. Peut-être paradoxal, mais sûrement significatif, Obama a repris les points perdus face à son adversaire à l’orée du 11 Septembre.

Et la “trêve” observée à l’occasion du douloureux anniversaire n’y est pour rien.

S. L

laouarisliman@gmail.com

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