Vingt, quinze et dix ans de prison

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Nous sommes samedi. Il est 9h. La salle d’audience de la cour de Bouira est déjà archicomble. Les familles de tous les prévenus sont là. Elles n’ont d’yeux que pour les bancs des accusés. De temps à autre, une vieille femme, un vieil homme ou un enfant se lève pour mieux percevoir leur parent prévenu.La chaleur est plus ou moins supportable. Mais pas pour longtemps. La salle, non climatisée, est tout de suite submergée par la chaleur que dégagent tous ces corps de citoyens venus nombreux suivre le procès que le tout – Bouira attendait, le procès de l’affaire dite “affaire poste” qui avait défrayé la chronique en janvier 2004. Pour rappel, dans la journée du 27 janvier 2004, les responsables seront contraints de défoncer le coffre-fort de la poste principale dont la serrure avait été endommagée une semaine auparavant. L’argent récupéré du coffre sera mis dans l’armoire blindée se trouvant dans le bureau du nouveau receveur. Le lendemain matin, 28 janvier 2004, la poste principale de Bouira ouvre ses portes, et là le personnel d’Algérie Poste découvre la disparition de 5 milliards 492 millions de centimes.Le 30 janvier de la même année, 2 milliards 780 millions de centimes seront retrouvés à l’UFC, un édifice mitoyen de la poste principale. L’enquête qui suivra le casse impliquera 16 employés d’Algérie Poste et de l’UFC : le receveur, son adjoint, des agents de sécurité, des agents d’entretien et des transporteurs du courrier.Ce samedi 02 juillet 2005, le président de l’audience, qui, dans un exercice de questions-réponses déconcertant, écoutera tour à tour le receveur de la poste principale et son adjoint, principaux inculpés. Le premier, incohérent dans ses propos, se confondra dans des contradictions qui l’enfonceront davantage. Le second, plus sûr de lui, finira aussi par se contredire.De toute façon, contradiction ou pas, un témoin clé était attendu pour lever le voile sur le mystère. Ce témoin oculaire aurait vu et identifié, dans la nuit du 27 au 28 janvier 2004, six individus dont deux femmes (aucune femme n’a été inculpée) s’activant à charger des sacs d’Algérie Poste. Seulement, le témoin que tous attendaient s’avère être un sourd-muet doublé d’un handicap mental. Cela dit, le témoin supposé apporter un éclaircissement sera appelé à la barre pour… expliquer, dans le langage des signes, son incapacité de reconnaître untel ou untel, traduit son interprète.Réquisitoires et plaidoiries dureront toute la nuit, tenant ainsi en haleine les familles et amis des 16 inculpés. Le verdict tombera, tel un couperet, le lendemain matin aux environs de 7 h. H. Aïssa et D. Djamal, respectivement receveur de la poste et secrétaire, seront condamnés à 20 ans prison ferme. Ecoperont de 15 ans de réclusion criminelle K. Nacer et S. Youcef, gardiens en service cette nuit du casse. 10 ans de prison pour B. Abdellah, le gardien de l’UFC. Les 11 autres accusés (agents d’entretien, chauffeurs, gardiens et ceux chargés du transport du courrier) seront, au grand soulagement de leurs proches, relaxés.

T. O. A.

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