Un genre poétique complètement oublié de nos artistes vient d’être remis au goût du jour par un poète en herbe. Aznuzu l’Henni ou la complainte des noces kabyles est ainsi dépoussiérée de fort belle manière. Moh ou Hand n’At Yessaad, à peine la vingtaine d’années entamée et déjà un talent fou de conteur. Le personnage ne manque ni de mordant ni d’originalité. Né un printemps au mois d’avril, ses textes sont semblables aux fleurs des prés par la diversité de la thématique qu’il aborde. Dans une langue kabyle usuelle accessible au plus grand nombre, ses poésies sont des instantanés de situation allant du comique au burlesque. De la grand-mère à la belle-mère en passant par l’ouvrier, manœuvre dans le bâtiment, tout le monde a droit à ses trois minutes de gloire sous la plume du poète. Cet été, lors des fêtes, les familles se l’arrachent. Il faut dire que ceux qui le comptent parmi leurs invités s’assurent un moment de gaieté. Si la musique adoucit les meurs, la poésie par contre leur procure de la légèreté. Pour rappel, Aznuzu n l’Henni est la pratique qui consiste à déclamer des vers en public tantôt à l’eau de rose tantôt au vitriol. Sans méchanceté gratuite ni prétention de vexer, les artistes magnifient la parole. L’improvisation est le maître mot de ce genre artistique à mi-chemin entre le slam et le one-man-show à l’américaine.
Si la crainte de la feuille blanche est la même chez tous les créateurs, dans ce cas précis l’artiste doit faire preuve d’imagination. Se mettre en spectacle requièrt des talents de metteur en scène.
Autrefois, chaque famille s’attachait les services d’un poète pour faire son éloge et caricaturer l’autre. De village en village des orfèvres de l’oralité sillonnaient les routes de campagne. Payé au retour par des denrées alimentaires tel l’huile d’olive ou de la semoule, ils troquent ainsi leurs vers contre un peu de nourriture. Puisque l’histoire commence forcément avant ces personnages, Moh Ou Hand croit savoir détenir cet art de son arrière-grand-père paternel. Un autre Moh Ou Hand Allaoui qui écumait au début du siècle les routes des Igawawen une cuillère en bois cousue à son Abernous. La jeunesse de Moh Ou Hand et son talent sont autant d’espoir de renouveau de la scène artistique kabyle. La jeunesse à la culture est ce qu’est le vent au moulin. Ainsi dans la pure tradition :
Yenza l’henni g er lparis
Yebbwi-t lbabur bu lahwaci
L’henni id yeddan deg Gernan
Yug al ula d netta d-itri
Anwa yeslan anwa ur nesli
Mad wid ur nasx i la télé
Ad yag la Dépêche de Kabylie;
Zahir Boukhelifa