L’école et la citoyenneté en symbiose

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Pour avoir vécu les errements de l’Ecole fondamentale et les fantasmes de réformes non complètement assumées, l’Algérie demeure toujours à la recherche de la formule qui puisse allier ses ambitions de République pluraliste, moderne et de justice sociale avec les fondements pédagogiques et intellectuels d’une école ouverte sur le développement économique du pays, le monde moderne et la culture universelle tout en faisant valoir nos valeurs d’authenticité culturelle. Pour Jean Jaurès, défenseur de la république sociale et laïque, tout passe par l’école. Instance idéologique par excellence, elle fait partie des superstructures sociales les plus influentes, capables d’orienter les générations de demain vers la performance, la citoyenneté et les valeurs d’homme, comme elle peut servir de moyen de domination d’une classe sociale, d’une idéologie ayant les faveurs du moment ou d’expression d’intérêts échappant aux simples limites de l’enceinte scolaire. Grand orateur, tribun inégalé, patriote et défenseur des valeurs sociales les plus progressistes, Jean Jaurès payera de sa vie son engagement en faveur des pauvres, de l’éducation pour tous et de la paix. Il sera assassiné par le nationaliste R. Villain le 31 juillet 1914, soit trois jours avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale qu’il voyait venir et contre laquelle il a déployé tous ses efforts de pacifiste. Durant son parcours politique, littéraire et journalistique riche en péripéties, Jaurès a eu à intervenir sur les plus grands sujets de son époque, oralement dans des discours historiques ou par écrit dans des articles de journaux et les livres. Le livre de Jaurès publié aux éditions Syllepse et qui porte un titre sobre malgré la complexité du sujet, à savoir De l’éducation, est une réédition d’un vieil ouvrage où l’auteur traite de la relation de l’école avec l’Église, de l’organisation syndicale au sein de l’école, du statut de l’enseignant en tant que fonctionnaire et de la pédagogie développée par le système scolaire pour transmettre le savoir et former les hommes de demain.

Né le 3 septembre 1859 à Castres (dans le département du Tarn), Jean Jaurès a été normalien et était de la même promotion qu’Henri Bergson. Agrégé de philosophie, historien et homme politique, il était un ardent républicain et admirateur de Victor Hugo et de Michelet.

Professeur de philosophie à Albi, puis à l’université de Toulouse, il fut élu député de centre-gauche du Tarn en 1885. Battu aux élections de 1889, il revint à l’enseignement et prépara ses thèses : De la réalité du monde sensible, Les origines du socialisme allemand chez Luther, Kant, Fichte, Hegel. Sa philosophie a pu être définie comme un panthéisme évolutionniste. Député socialiste (1893), il adhéra au Parti ouvrier français et lutta pour l’unité du Mouvement socialiste. En 1898, il prit position pour la reconnaissance de l’innocence du capitaine Dreyfus (in : Preuves-1898) comme le fit Émile Zola dans sa lettre ouverte au président de la République sous le titre J’Accuse !.

En 1905, Jean Jaurès deviendra l’un des premiers chefs de la SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière). Il fonda en 1904 le célèbre quotidien de gauche L’Humanité. Comme journaliste, il travaillera aussi de 1885 à sa mort dans La Dépêche de Toulouse.

Comme député socialiste, il marquera l’hémicycle par les grandes batailles relatives à la vie sociale, éducative et économique. Partisan impénitent de la paix, il s’opposera à la politique coloniale européenne, ce qui lui valut d’être assassiné en 1914.

En postface à l’ouvrage, Guy Dreux et Christian Laval écrivent :

 » Ainsi, pour Jaurès les questions d’éducation sont des questions sociales. Nier ce fait est la source de tous les rêves impuissants de la politique et de la pédagogie. L’école, institution fondamentale de la République, ne pourra réaliser ce qu’elle prétend faire, former des citoyens émancipés, sans les indispensables avancées de la démocratie sociale.

 » Aller à l’idéal et comprendre le réel  » fait partie de ces formules fameuses de Jaurès qui sont passées à la postérité. Mais que signifie-t-elle au juste ? L’idéal et le réel ne sont pas extérieurs l’un à l’autre, ne constituent pas simplement deux mondes séparés que l’action humaine devrait réunifier dans un avenir lointain. C’est même tout l’inverse chez Jaurès, qui fait communiquer incessamment dans sa pensée les deux dimensions. L’idéal n’est pas un supplément d’âme de la réalité humaine ; il participe du réel de l’homme. L’homme est un être d’idéal, qui produit de l’idéal, agit selon un idéal et veut organiser une parcelle d’univers avec ses croyances et selon ses valeurs. En un autre sens, l’histoire montre que la connaissance même du réel, les progrès de l’esprit humain, ne vont pas sans l’idéal de l’humanité comme esprit agissant dans le monde, animée du désir de se hisser par le savoir au-dessus de sa condition présente. Le monde ne serait pas ce qu’il est sans les utopistes qui ont fondé ‘’ leurs conceptions sociales sur de vastes idées métaphysiques en cherchant dans l’ordre universel les bases de la cité humaine’’ nous dit Jaurès.

Partisan d’un socialisme libéral et démocratique, il croyait en une évolution révolutionnaire d’une démocratie républicaine en une démocratie socialiste. On disait de lui qu’il voulait allier patriotisme et internationalisme en même temps que socialisme et humanisme.

Sur 306 pages, Jean Jaurès nous replonge dans les vérités premières des missions pédagogiques de l’école, les valeurs républicaines et laïques qui doivent être les siennes et les missions de formation de la citoyenneté auxquelles elle ne peut se dérober. La première mission de l’instituteur telle que la perçoit Jaurès est de ‘’faire sentir et comprendre ce que vaut d’être un homme et à quoi cela engage’’.

De l’éducation, par Jean Jaurès

Collection  »Nouveaux regards »

Éditions Syllepse-2005

(306 pages)

Amar Naït Messaoud

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