Il est 9h, que ce soit à la mairie ou dans les cafés, beaucoup ne sont pas au courant de ce fait. Ceux qui le sont ne semblent pas avoir été surpris. C’est une chose banale, par rapport à tout ce qu’a vécu cette commune depuis l’avènement du terrorisme. Pendant toute une décennie, les populations de cette localité ont vécu une véritable guerre contre le terrorisme. A présent, rien ne leur fait peur. “Notre cœur est immunisé contre ces événements”, ironise un jeune attablé à la terrasse d’un café. A une centaine de mètres plus loin, c’est le centre postal du chef-lieu. Le responsable de ce centre, nous venons de le croiser en cours de route. Il est allé pour la seconde journée se présenter à la brigade de gendarmerie poursuivre l’enquête. La poste d’Azroubar est rattachée à celle du chef-lieu. Cette dernière aussi a été, à son tour, frappée par les événements. Rabah, l’unique agent présent le matin dans ce centre, nous rappelle avec précision les événements. Le 14 juin 1994, un hold-up a été perpétré et une somme de 120 000 DA a été emportée par les assaillants une année plus tard soit le 16 juin 1995. Une visite spectaculaire des groupes terroristes a eu lieu, tous les biens de l’Etat, le parc, la mairie ainsi que la poste ont été incendiés. De nos jours, les choses ont beaucoup changé. Ce centre postal principal de la commune est suffisamment sécurisé après l’installation d’une caserne de police communale juste à côté, ainsi que la constitution de solides comités de vigilance et de défense parmi la population du village. Le centre postal du village Azroubar se situe à 3 km vers le sud. La poste se trouve à la sortie du village, à proximité de la rue principale. Elle n’est pas isolée : juste à côté, il y a une école primaire, un centre de santé, et quelques habitations. Dans la cour de cette poste, un camion de l’APC a été dépêché par Mohand-Saïd, le chef de ce centre. On déménage vers le centre d’Aït Saïd, ce centre sera fermé, comme il a été décidé par les responsables d’Algérie Poste de la wilaya de Tizi Ouzou, qui se sont présentés hier, quelques heures après le hold-up. “Qu’est ce que vous voulez. Nous sommes désolés, nous n’avons pas le choix”, ne cesse de dire Mohand-Saïd à notre adresse, tout en continuant de charger avec l’employé de l’APC les quelques armoires et bureaux de ce triste local d’Algérie Poste.Samedi, il était 9h15, lorsqu’un groupe de trois personnes, dont l’un est cagoulé ainsi qu’un quatrième qui attendait en voiture, s’est présenté à la porte de la poste, au moment de l’ouverture. Ali F. était le seul à gérer ce centre depuis le 6 juin dernier, date à laquelle son chef Mohand-Saïd était en congé. Le groupe de gangsters a pénétré avec force. Des coups violents auraient été assénés à l’agent, qui a perdu connaissance. Comme armes ce sont des poignards et des couteaux qui ont été utilisés. Le centre est composé d’une seule grande salle, juste au fond, un petit hall rectangulaire de près de 5 m2 a été aménagé. C’est là où se trouve le coffre de la poste. A la fin de leur forfait, les assaillants ont emporté une somme de 35 millions de centimes environ. Le coffre muraille, obsolète peut être forcé facilement. Cela dénote des conditions de sécurité dérisoires qui prévalent dans ce centre. Ce qui inquiète les responsables de ce centre, ainsi que les habitants, c’est l’identité des auteurs du hold-up, selon eux ce ne sont pas des terroristes, mais bel et bien des bandits.“Je suis déçu. Au moment où le terrorisme était à son apogée, nous n’avons pas connu un tel fait. Les villageois ont protégé tous les biens de l’Etat qui existent. Nous avions défié les terroristes et à présent, ce sont les bandits qui nous ont eu”, fulmine le responsable de la poste, qui reste convaincu que les auteurs sont des bandits qui activent ces derniers jours dans la région.A titre d’exemple, il nous cite les deux opérations de guet-apens perpétré à quelques kilomètres de la RN 71 où durant la nuit, deux véhicules, une Xara et une Golf ont été confisqués à leur propriétaire.La pègre a profité de la baisse de vigilance qu’a connue le village. Près d’une centaine de jeunes du village, à qui habituellement rien n’échappe, étaient à leur travail, dans la forêt, employés par les services forestiers pour l’extraction du liège. “Ils ont bien préparé leur plan. Ils savent qu’à cette heure, le village était vide”, nous dira Mohand-Saïd.Sur la porte d’entrée, une affiche annonçant le transfert du siège à Aït Saïd (chef-lieu) est placardée. Une vieille septuagénaire accompagnée par un groupe d’enfants font leur entrée. La vieille veut tout d’abord s’enquérir de l’état de ces agents et de la famille qui habitent ce centre, car elle les connaît bien. La septuagénaire cache mal sa déception lorsque le responsable lui annonce que la poste sera fermée.“Je suis désolé ma mère, ça me dépasse”, lui explique-t-il tout en tentant de la rassurer que cette fermeture peut être momentanément.En l’absence des autres services de sécurité, ce sont les gardes communaux ainsi que les éléments de l’ANP, dont la caserne se trouve à 1 km des lieux, qui mènent l’enquête. Rien n’a été laissé au hasard. Même des petits enfants ont été interrogés. Les services de sécurité veulent à tout prix retrouver les auteurs et faire démanteler ce réseau de bandits qui opère ces derniers mois dans la région.Ce centre est le deuxième de Mizrana qui sera fermé après celui de Tibecharin, fermé depuis 1995 pour des raisons sécuritaires. Au centre d’Azroubar, environ 11 villages sont rattachés, entre autres Tala Tughrast, Tala Mimoun, Ouatouba, le village agricole Iguer Guires, etc. Cela dénote l’ampleur de la pénalisation dont le simple citoyen sera victime suite à cet événement.Les institutions financières, particulièrement les banques et les postes, pour ces dernières années l’objet d’attaque spectaculaire à travers toute la Kabylie, souvent ce sont les groupes terroristes qui sont les auteurs, dans beaucoup d’autres cas, les opérations sont menées par les groupuscules de bandits qui ne reculent devant rien afin de réussir leur forfait.Le 12 mars 2004, c’est l’agence BDL de Aïn El Hammam qui a été attaquée sans réussite par une groupe d’une trentaine de terroristes armés d’explosifs. Le 29 novembre de la même année, ce sont des convoyeurs de fonds qui ont été attaqués par un groupe d’une dizaine d’éléments armés sur la RN 71 menant d’Azazga vers Bouzeguène. Bilan : 1 mort et 2 blessés parmi les convoyeurs, et une somme de 150 millions de centimes emportée.Le 23 mars 2002, attaque terroriste contre la BDL d’Azazga, un policier tué, deux blessés dont un civil et une somme de 140 millions de centimes emportée. Enfin, le 21 septembre 2003, un attentat raté, perpétré par un groupe d’une vingtaine de terroristes au lieudit Tala Tassten, à 6 km de Tigzirt, contre un véhicule de convoyeurs de fonds, se dirigeant vers une banque de la ville de Tigzirt.
Mourad H.