Cependant, ce même mouvement comptant parmi les plus beaux fleurons de notre culture semble enregistrer un tassement d’activités que d’aucuns appellent recul, d’autres étouffement. Certains parlant de silence, d’agonie même, alors que la diffusion de pièces continue et la naissance de troupes ne s’arrête pas, parallèlement, il est vrai à la mort d’autres groupes et si quelques formations s’améliorent et connaissent un regain de dynamisme au fil des années, d’autres poursuivent leur travail sans grand tapage. L’expérience citée à titre d’exemple ne pouvant en aucune manière constituer l’arbre cachant la forêt.Cette présentation sommaire de la situation qui peut paraître alarmiste, nous fait entrevoir que le théâtre amateur n’évolue pas seulement, mais que ses périodes de grandeur ou de retrait sont liées à ses capacités de prendre. En charge les contradictions qui le minent ou qui l’impulsent. Ces dernières étant étroitement imbriquées dans un mouvement de société auquel le théâtre amateur appartient et dans lequel il s’implique corps et biens.Ainsi, on a vu ce secteur culturel connaître son apogée dans les années 1970.Ces années ont fourni au théâtre amateur les moyens d’exister, en 1976 déjà, on dénombrait plus de 100 troupes dans le théâtre amateur, n’étant comptées que celles activant régulièrement. Actuellement, le chiffre ne doit pas être différent. En fait, de troupes théâtrales, il ne s’agit que de formations qui, soit poussent et disparaissent comme des champignons, soit existent par le nombre de réunions qu’elles tiennent et ce, exception faite d’une trentaine de troupes disséminées sur le territoire national, malgré tous les blocages matériels, subsistent et persistent à continuer dans la mesure de leurs moyens à l’animation des salles de spectacles qu’elles trouvent en ville ou ailleurs. Pour connaître la cause de ce “périclitement” essayons de savoir ce qu’est le théâtre amateur, non pas en donnant une définition qui ne peut être que technique donc superficielle, mais en fournissant des éléments d’appréciation sur la nature, ses objectifs et méthode de travail, ce qui donnera un aperçu non exhaustif quant aux nécessités objectives déterminant son évolution dans un sens de consolidation et d’élargissement d’activités, ou dans un sens contraire, la diminution de force et d’impact et baisse quantitative et qualificative de la production. Sur le plan méthode de travail, l’expérience de plusieurs années a érigé un trait distinctif de ce mouvement, le théâtre amateur se caractérise par une technique originale de production à laquelle il a donné vie et qui s’est trouvé par la suite sans cesse enrichie par la création collective. En somme, elle consiste en une succession d’étapes qui sont la discussion sur le choix du thème (importance et opportunité), l’établissement d’un canevas théorique (résultat d’exposés et de débats sur le sujet choisi), l’élaboration du canevas dramatique (scènes théâtrales, improvisations,…), étapes qui aboutissent à l’écriture définitive de la pièce en vue de sa mise en scène et sa diffusion sur les planches, lieu de “réalisation” du produit culturel ainsi crée. Cette méthode procède du principe de formation de la composante de la troupe et de son éducation au travail commun, auquel sera associé le public qui, lors des débats à l’issue de chaque représentation contribue à améliorer le contenu de la pièce par ses critiques et suggestions. La création collective comprend des variantes (il n’existe pas de recette standard) s’inspirant toutes de la notion d’approbation collective, suscitée par la discussion libre et l’échange de vue entre les membres du groupe. Cette méthode qui continue à faire ses preuves jusqu’à nos jours demeure l’instrument privilégie de “fabrication” de pièces pour mettre en œuvre les objectifs d’animation de la vie culturelle que s’est assigné le théâtre amateur. Tout ce travail d’agitation et d’explication que ce mouvement en bien de circonstances s’est pratiquement substitué aux institutions chargées de l’assumer. Ainsi dans un mouvement artistique, le terme artiste est réfuté, allant même jusqu’à devenir dégradant chez les jeunes du théâtrale qui ne voient en une représentation théâtrale que prétexte à débat que l’occasion de rassembler des gens et de discuter de tels axes de la vie, économique, sociale ou politique du pays.Le théâtre amateur semble seulement dans l’expectative, attitude dans laquelle il ne s’est jamais complu, et se trouve dans une période qui lui permet de “recharger ses batteries”. Creux de la vague ou fameux pas en arrière ? Espérons qu’il ne manquera pas de retrouver le dynamise de ses espoirs, la chaleur de sa présence qui s’estompe mais ne s’efface pas.
Saïd Seddik Khodja