Quel avenir pour les circuits du tourisme thermal ?

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Le secteur touristique se trouve ainsi dans une période charnière où il est appelé, au vu des grands enjeux économiques qu’il charrie et au regard aussi d’une mondialisation accélérée, à jouer un rôle important afin de desserrer l’étau sur les autres sources de rentrées de devises et d’assurer la pérennité de celles-ci. À l’image de l’agriculture qui est considérée comme richesse permanente pour laquelle il faut tracer une stratégie et mobiliser les moyens de développement pour en cueillir les fruits, l’activité touristique, telle que comprise par les pays dépourvus de ressources minières, est un secteur qui n’a de limite que celle que lui tracera la politique nationale en la matière.

Le ministre de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et du Tourisme, Cherif Rahmani, n’a pas manqué de faire le constat de ce secteur à l’échelle du monde au cours de la célébration de la Journée mondiale du Tourisme, le 29 septembre 2007 :  » Le tourisme a enregistré une croissance continue en dépit des risques de baisse d’activité auxquels il a été exposé, notamment à cause du terrorisme, de l’alerte sanitaire due à la grippe aviaire et de la hausse des prix du pétrole. Le tourisme est devenu une industrie qui concurrence les plus grandes industries mondiales en créant de la richesse et des postes d’emploi. C’est le miracle économique du 20e siècle et du début du 21e siècle. »

Les segments solidaires de la chaîne touristique

Les maillons de la chaîne touristique peuvent se résumer- sans grande exhaustivité- dans trois segments solidaires qui se complètent : potentialités naturelles ou liées à l’histoire et à la culture d’une nation (qui exigent entretiens, réhabilitation et accompagnement logistique), les structures d’accueil (hôtellerie, instance chargées des circuits touristiques) et l’environnement économique qui conditionne les nouveaux investissements liés au secteur. L’absence ou la mauvaise gestion de l’un d’eux déteint immanquablement sur le reste et compromet l’ensemble de l’activité. Il s’agit d’abord de l’existence d’une matière première brute ou façonnée par les hommes. L’Algérie ne manque pas de sites naturels auxquels son relief, sa végétation et son climat ont donné des caractéristiques que beaucoup de pays ne possèdent pas. Des 1 200 km de côtes jusqu’au Parc du Hoggar-Tassili, toute une série de lieux exceptionnels attiraient jadis des centaines de milliers de touristes européens : les monts de l’Atlas, avec le Parc du Djurdjura, Chréa et les Babors. Les zones humides de Annaba et El Tarf (lacs Malah, Oubeira,…). L’Atlas saharien avec les cèdres et les villages des Aurès (Balcons du Ghoufi) et le Sud-Ouest oranais (Brizina, la vallée de Oued Namous). Les vestiges historiques de Timgad, Djemila, Tebessa, Souk Ahras. Les diverses sources thermales dont Hammam Meskhoutine constitue un incomparable joyau. Les communautés humaines et les activités artisanales auxquelles elles s’adonnent constituaient aussi des objets de visites pour découvrir le tapis des Aït Hichem, la poterie d’Aït Khelili, le burnous de Nédroma, la vannerie de Bousaâda, les encorbellements de la Casbah, les palmeraie de Foughala et de Sidi Okba, les cerisaies de Larbaâ Nath Iratène et la haïk m’ramma de Tlemcen.

Et puis le Sahara septentrional et central avec la multitude d’oasis qui sertissent les océans de sable. Dans la seule oasis de Bordj Omar Driss (ex-Fort Flatters), dans la wilaya d’Illizi, il nous a été donné d’entendre des témoignages sur les marées humaines d’Européens qui venaient passer les deux Réveillons (Noël et la Saint-Sylvestre) dans cette bourgade de 3 000 habitants éloignée du chef-lieu de wilaya de quelque 700 km. Il faut dire que jusqu’à la fin des années 1960, l’aéroport de la ville desservait… Paris. Aujourd’hui, il n’y a aucun transport public pour rallier cette belle oasis hormis les 4×4 des sociétés pétrolières ou un improbable bus hebdomadaire à partir de Ouargla.

En matière d’attraction touristique, l’Algérie est classée par l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), en avril 2006, à la 38e place. C’est dire que les efforts à déployer pour remonter la pente sont assez colossaux. En 2007, dans un débat télévisé, l’ancien ministre du Tourisme, Noureddine Moussa, a fait le constat amer suivant : les capacités d’accueil de l’Algérie ne dépassent pas 81 000 lits (dont 36 000 du secteur public) ; 90% du parc hôtelier ne répond pas aux normes internationales en la matière. Il n’existe que 10 établissements de 5 étoiles, 22 de quatre étoiles, 67 de trois étoiles, 59 de deux étoiles, 42 d’une étoile et 802 non classés.

En 2006, les rentrées financières liées à l’activité touristique sont évaluées à 200 millions de dollars. Elles représentent le 1/5e des recettes hors hydrocarbures. Une goutte d’eau dans l’océan par rapport à certains pays voisins qui ont engrangé entre 3 et 4 milliards de dollars, pays dont les potentialités naturelles et culturelles sont moins importantes que celles de l’Algérie.

Le thermalisme, une activité quasi ignorée

Depuis les dernières transformation géologiques subies par la terre au quaternaire, la nature a doté l’Algérie de plusieurs dizaines de sources thermales réparties sur l’ensemble de son territoire. Les vertus thérapeutiques de ces eaux ont été mises à l’épreuve au fur et à mesure que s’accroissait l’intérêt récréatif et ludique pour ces sources. De même, des preuves matérielles existent sur les aménagements que ces sources ont reçus depuis la, plus haute antiquité. Les Romains et les Byzantins y ont apporté leur touche selon les schémas des thermes de la péninsule italienne et de Byzance. Les Turcs ont développé en Algérie l’art des hammams au point d’en faire une véritable culture. Des reproductions artificielles ont été effectuées pour rapprocher les thermes des citadins et surtout des citadines.

Tout autour des sources thermales naturelles, des noyaux de vie se sont développés afin d’assurer le gîte et le couvert pour les visiteurs et les baigneurs. C’est, en quelque sorte, le début de

l’“industrie touristique’’ que l’on retrouve dans certaines villes algériennes. Au cours des années 1970, l’Etat a pu intervenir sur certains sites pour les valoriser au vu des flux de visiteurs qu’ils reçoivent. Des hôtels, des prestations et des services médicaux y ont été crées. Hammam Bouhnifia, Hammam Rabbi, Hammam Bou Hadjar, Hamma Salihine, H. Meskhoutine, H. Guergour,…sont les exemples de ces sources thermales où des investissements publics ont été réalisés. Par la suite, des promoteurs privés ont pu intervenir à leur tour pour compléter et affiner les prestations.

Cependant, parallèlement à ces sites pris en charge de façon plus ou moins correcte, d’autres sites et non des moindres continuent à coltiner un destin peu enviable, réduits qu’ils sont à une situation de source sauvage que seuls les riverains connaissent, admirent et parfois mythifient.

Nous invitons le lecteur à faire un circuit de trois sources de ce genre, bien connues et identifiées dans le Centre-est du pays, incrustées dans le massif montagneux des Bibans.

Les merveilleuses mannes sortant des entrailles de la terre

Le massif des Bibans, qui fait face à la chaîne du Djurdjura avec laquelle il partage le nom latin de Mont Ferratus, s’étend sur trois wilayas : Bouira, Bordj Bou Arréridj et Béjaïa. À l’ouest, il constitue la continuité du massif du Titteri ; à l’est, il se prolonge par les Babors et, au sud, il fait jonction avec le Hodna. Ces pitons, crêts, falaises et crevasses ont reçu leur configuration actuelle pendant les ères géologiques du trias et du jurassique. À dominance calcaire, la composition de la montagne prend les aspects d’un relief karstique où se succèdent gouffres, grottes, crevasses, balcons, belvédères et rivières intérieures. Dès que la masse calcaire est en saillie au-dessus du niveau des rivières principales, les eaux de pluie s’infiltrent en profondeur. Elles taraudent la masse calcaire en utilisant les zones de faiblesse, les diaclases, joints qui vont s’élargissant. Les eaux organisent un véritable réseau souterrain comportant des puits verticaux qui crèvent la surface du plateau de gouffres appelés avens. D’autres multiples galeries garnissant les entrailles calcaires du massif aboutissent à de vastes cavernes reliées par des boyaux étranglés. Tous les éléments de ce relief karstique aboutissent à des formes esthétiques qui rassasient les yeux, une architecture orographique fortement tourmentée et variée.

Sur les flancs de cette montagne longue de près de 80 km, l’on retrouve des sources thermales, connues et exploitées depuis la nuit des temps. Trois d’entre-elles sont très actives, présentent un débit important, une température généralement supérieure à 60 degrés Celsius et des vertus thérapeutiques avérées.

La bénédiction de Sidi Yahia

Par ses berges, ses méandres, ses falaises, la verdure des zones qui lui sont attenantes, ses eaux qui gonflent en hiver générant d’importantes crues et qui, en basse saison, coulent en filets limpides, la Soummam offre des sites d’une beauté enchanteresse. Cette splendeur s’accroît par la présence de villages et bourgades surplombant ses différents affluents : de Takarbouzt à Tibouamouchine, en passant par Ighil Ali et Tamokra, ces villages sont suspendus à leurs pitons, tiennent à leurs lopins de terres et se ressourcent sans fin dans le murmure et le bruissement des eaux de la Soummam, écumeuses en hiver et sages en automne et au printemps. Le lac du nouveau barrage de Tichy Haf ajoue nécessairement son grain de sel à ce panorama, d’autant plus que la station de Hammam Sidi Yahia y est à seulement quelques brassées.

La source thermale de Hammam Sidi Yahia est située presque à la jonction de Bousellam avec la Soummam, en face de la ville d’Akbou. À partir de la RN 26, la vue est fermée par le pain de sucre haut de ses 431 mètres d’altitude. Au-delà de la route et du chemin de fer, un autre rideau rocheux se dresse devant les yeux ; c’est le mont Gueldamane trônant à plus de 800 mètres d’altitude. Sur ses flancs, est accroché le village de Mine réduit actuellement en ruines. Pour se rendre derrière cette crête en lame, là où se terre la fameuse source, il faut faire un long détour par lequel on enjambe la RN 26 à la sortie d’Akbou pour se rendre sur le cours de Bousellam. La station thermale est située face à l’un des méandres les plus aigus de l’oued, au pied des monts Azrou n’Sidi Yahia et Azerou n’Ath Saïd. La relief tourmenté à ce niveau de la confluence des cours d’eau donne aux rivages et aux berges un aspect fortement encaissé. Dans les recoins ombragés, des bus, fourgons et autres transports clandestins sont stationnés. Ils ont déversé leur clientèle de bon matin. Les visiteurs viennent de partout même si l’infrastructure demeure rudimentaire, à commencer par le site abritant le bassin. L’eau dont la chaleur paraît insupportable au premier contact sort d’une source souterraine qui a été aménagée depuis longtemps en bassin. C’est sur ce dernier qu’une chambre (salle de bain) a été érigée sous forme de guérite. À tour de rôle, se succèdent femmes et hommes pour prendre un bain chaud et faire des prières pour le bonheur des proches. L’endroit est visiblement étroit. Dix personnes tiennent difficilement dans la bicoque, et c’est pourquoi le temps imparti à chaque équipe qui entre pour se baigner est souvent limité. De vielles femmes venues de la wilaya de Tizi Ouzou plongent leurs pieds dans le sable caillouteux de Bousellam juste après le bain. Elles attendent le retour du chauffeur de bus parti faire des emplettes à Akbou. Un groupe de jeunes s’isole avec une guitare sur les hauteurs de la source d’où prend naissance le ruisseau Ighzer Tachachit.

Le seul regret est que cette manne jaillissant des entrailles de la terre et à laquelle les populations accordent un pouvoir curatif extraordinaire pour plusieurs maladies dermiques, cardiovasculaires,…etc., n’ait pas l’infrastructure suffisante ni les équipements appropriés qui ferait d’elle plus qu’un foyer curatif, un site touristique confirmé, à plus forte raison lorsqu’on sait qu’à quelques hectomètres d’ici, un beau lac- le barrage de Tichy Haf- fait miroiter le bleu azuré du ciel, le vert olive des bosquets et les ocres falaises de l’oued.

Dans les tréfonds des Bibans

Abandonnée pendant presque une décennie, la station thermale appelée Hammam El Bibane, dans la wilaya de Bordj Bou Arréridj, semble en finir avec ce destin maudit qui faisait de ce lieu un coupe-gorge pendant les années 1990. Cette prestigieuse source, d’où jaillit une eau chaude aux vertus thérapeutiques avérées, est connue depuis la haute Antiquité. Les soldats des légions et régiments romains s’y sont délassés, les armées numides y ont revigoré leurs forces physiques et morales et les soldats français du début de la conquête évitaient de passer par ces falaises des Portes de Fer pour échapper aux rebelles partisans d’El Mokrani. On raconte aussi que même les émissaires turcs qui se déplaçaient de la capitale de la Régence, Alger, sur le Constantinois, avaient la hantise de ces lieux, car des milices autochtones y faisaient le guet et se transformaient en percepteurs d’impôts.

Les eaux chaudes et sulfureuses de la station des Bibans sortent des entrailles des couches géologiques du trias et du jurassique des pics rocailleux des Bibans. La source elle-même est située à 500 m d’altitude sur un versant de Oued Tazdart, douar d’El Mehir. À ce point précis, les hautes falaises de Oued Azerou, qui deviendra plus en aval Oued Amarigh, se resserrent étrangement au point de ne laisser à la RN5 et au chemin de fer Alger-Constantine qui la longe que la portion congrue. Le ciel se dessine nettement en toit circonscrit dans ce que les anciens Romains appelaient Mont Ferratus (montagne de fer), d’où le nom de Portes de Fer que prend cette brèche, véritable curiosité géomorphologique qui constitue, à elle seule, un site touristique au carrefour des wilayas de Bordj Bou Arréridj, Béjaïa et Bouira.

Malgré la modestie de l’infrastructure composée de simples chambres à bassins rudimentaires, cette station était, avant 1990, le point de rencontre de milliers de patients qui venaient chercher une cure à un mal cutané, musculaire ou d’articulation. D’autres s’y rendaient en touristes. En effet, le cadre verdoyant de la forêt des Bibans, les cimes acérées des monts Azerou et Djidjaïa, le sable fin et les lauriers de la rivière Chebba, tout ce décor invitait les moins sensibles des visiteurs à en admirer la beauté et en respirer l’air pur.

Malheureusement, la tragédie qui frappera l’Algérie dans la dernière décennie du siècle dernier a aussi chamboulé la situation à Hammam El Bibane et a changé complètement la donne. Des dizaines de faux barrages ont été dressés à ce point précis de la RN5 au point d’emporter des dizaines de vies humaines. Sur les lieux, le silence a régné pendant presque huit ans. Les bassins thermaux ont subi l’affront du temps. Des pierres, des détritus et des excréments jonchaient les salles et les vasques. Des émanations putrides étouffaient l’atmosphère.

Un vieux du village maraboutique de Sidi Braham, distant d’à peine 8 kilomètres, nous avoue ne s’y être rendu qu’une fois pendant toute cette période.  » En constatant l’état des lieux, j’ai eu les larmes aux yeux. Nous avons toujours considéré cette source comme étant quelque chose de sacré. Et ne voilà-t-il pas que des jeunes débiles, sortis d’on ne sait où, souillent les lieux et violent nos valeurs « . Il nous fait état de l’une des vertus des eaux sulfureuses du hammam :  » La tenace gale qui a touché deux de mes enfants dans les années soixante, n’a pu être éradiquée de son foyer qu’après que mes deux enfants eurent subi les bains de Hammam El Bibane et que le linge de toute la maisonnée fut lavée avec de l’eau rapportée de cette source. » D’autres pathologies, nous apprend-il, sont traitées par ces eaux : herpès, mycoses, rhumatismes, lombalgies, certaines arthroses, affections uro-génitales…etc.

Ce que les populations considèrent comme des cures miraculeuses sont expliquées scientifiquement. C’est dans le souci de réhabiliter la station thermale sous le double objectif : thérapeutique et touristique que des réaménagements y ont été effectués après l’amélioration de la situation sécuritaire. Aujourd’hui, la station est dotée de 21 chambres de séjour dont 5 à équipement luxueux (climatisation, réfrigérateur, télévision,…), deux salles de relaxation, 3 piscines pour adultes, une piscine pour enfants et un café-restaurant. Des centaines de visiteurs y affluent pendant tous les jours de la semaine et particulièrement le week-end où des dizaines de véhicules et de mini bus stationnent le long de la RN5. Dans ce décor féerique qui fait associer la montagne, la forêt de pins d’Alep et les vallées profondes, des jeunes couples, des vieux goutteux et des âmes à la recherche de la quiétude tant malmenée dans nos villes se baladent sur l’accotement de la Route nationale, s’assoient en tailleur sous un gros pin pour pique-niquer en famille et se retrouvent tous dans les bassins vaporeux où l’odeur du soufre se joint au glouglou du liquide miraculeux.

La renaissance de Hammam Ksenna

Les habitants de Hammam Ksenna et des régions avoisinantes arrivent à peine à croire que ce qui avait fini par prendre l’aspect d’un projet mythique voit enfin ses premières réalisations concrétisées sur le terrain.. Ce projet dont on parle- dans les bureaux de l’administration et des collectivités locales comme dans le plus ténébreux foyer- depuis au moins une douzaine d’année va changer radicalement le paysage économique local et même le décor quotidien de ces espaces. Les travaux, entamés en 2004 et interrompus pendant temps pour des raisons obscurs, visent la réhabilitation de l’ancienne station thermale sise dans la commune d’El Hachimia et qui a nourri les espoirs des populations locales en tant que lieu d’investissement créateur de plusieurs activités génératrices d’emplois directs et indirects. Ce rêve a aussi habité depuis longtemps tous ceux qui, à un moment ou un autre de leur vie, ont eu à mettre à l’épreuve les vertus thérapeutiques des eaux sulfureuses d’El Hammam.

Les premiers bassins thermaux issus du projet de réhabilitation de l’antique source de Hammam Ksenna seront ouverts au public dans les tous prochains jours apprend-on d’une source locale. Depuis que les chantiers ont été installés, il y a maintenant plus de trois ans, l’activité thermale a été de facto arrêtée. Cependant, face aux chantiers, de rudimentaires bassins ont été érigés provisoirement pour ceux qui ne sont pas assez ‘’regardants’’ sur la qualité du service. A coup sûr, l’inauguration des premières vasques abritées dans des chambres en dur, nous donne un avant-goût de ce que sera le complexe à sa phase d’achèvement, soit une structure touristique et médicale de premier plan à l’échelle régionale.

Même avec les infrastructures délabrées des années 1990, les gens venaient de toutes les wilayas du Centre pour prendre les bains de souffre de cette source afin de se débarrasser d’une tenace maladie dermique ou d’une autre pathologie pour laquelle sont recommandées les eaux soufrées.

Des témoignages relatent la guérison d’autres pathologies dermiques ou rhumatismales par les eaux du Hammam.

Le destin de la station du Ksenna est celui de toute cette région boisée située au cœur des Bibans où, à la vie austère et pauvre de ses populations rurales, est venu se joindre la terreur de la décennie rouge qui avait annihilé tous les espoirs d’une reprise économique ou sociale.

Située à 17 km du chef-lieu de la commune d’El Hachimia, la station de Hammam Ksenna prend naissance sur la façade du mont Guebr El Djahel, à environ 650 m d’altitude. Captée à cet endroit du temps de la colonisation, l’eau chaude chemine à travers un tunnel arqué et se dépose dans un premier bassin situé devant la bouche du tunnel ; à partir de là, des conduites en PVC acheminent l’eau jusqu’au plateau des berges de l’oued El Hammam où elle se déversait dans des bassins de réception.

Jusqu’à un passé récent, ces bassins étaient abrités dans des constructions rudimentaires qui ne présentaient aucune commodité. Les dégradations qu’elles ont subies suite au départ de la population en 1995 pour des raisons de sécurité les ont rendues complètement inopérantes. Pourtant, avant l’avènement du terrorisme, et malgré l’inexistence de services et d’infrastructures (restaurant, hôtel, transport, magasins,…) dont avaient besoin les visiteurs, ces derniers affluaient de toutes les wilayas du centre du pays (Tizi Ouzou, M’sila, Médéa, Boumerdès), et les berges sableuses du cours d’El Hammam faisait fonction de parking étroit mais gratuit.

Les raisons du déplacement des visiteurs ne manquaient pas : au milieu d’une vaste pinède sans fin, se mêlent les paysages féeriques des falaises rocheuses et les eaux silencieuses du grand cours d’eau qui est la confluence de Oued El Hammam et Oued Ghomara. La fragrance de la résine de pin se mêle magiquement à l’odeur de souffre que dégagent les eaux vaporeuses des thermes. Et ultime geste en apothéose, les eaux chaudes vous transmettent vigueur et surcroît de santé.

Le projet de réhabilitation de la station thermale de Hammam Ksenna est confié à la SARL ‘’Faraksen’’ représentée par des promoteurs en nombre de trois : un géologue, un architecte et un médecin. Dans le document du projet élaboré par cette équipe dès les premiers diagnostics, il est signalé que ‘’avec son importante émergence hydrothermale aux vertus thérapeutiques prouvées, la région offre l’une des premières opportunités touristiques de la wilaya de Bouira, car réunissant des atouts nombreux et différents (…) Richesse naturelle d’intérêt évident, la source thermale de Hammam Ksenna constitue, de par sa localisation et ses particularités de débit, température et composition, un patrimoine à même de favoriser l’émergence d’un pôle d’activité multidisciplinaire à impact certain sur les plans de l’intérêt général et du développement local.”

L’exploitation optimale de la source et de son environnement sylvestre se fera, affirment les promoteurs, ‘’en accord avec les objectifs cités et la tradition populaire. Le projet s’inscrit dans le strict respect des principes directeurs fixés à partir des particularités inhérentes au thermalisme défini comme la première forme de villégiature familiale dans la société rurale.”

Les missions dévolues au projet sont sériées en trois objectifs : une mission médicale avec le matériel et l’équipement adaptés aux traitement d’un certain type d’affections telles que certaines dermatoses, rhumatismes, asthme, neuropathies, myopathies, séquelles de brûlures, varices, certaines affections psychiatriques,…etc. Une mission touristique supposant offre de conditions de repos et de détente (saunas individuels et collectifs, salle de gymnastique, espace de relaxation, circuits pour randonnées, piscine et aires de jeux) ; et, enfin, une mission culturelle qui sera assurée par une structure polyvalente destinée aux activités culturelles nécessaires à l’agrément des pensionnaires du complexe et aux rencontres, séminaires et journées d’études à caractère scientifique.

Le montant du projet est estimé à 320 millions de dinars, coût comprenant les études, les frais d’acquisition du terrain, la réalisation des infrastructures et les différents équipements (mobilier hôtellerie et équipement médical). Il prévoit une capacité d’accueil de 1.200 personnes par jour, des soins médicaux pour 120 personnes par jour, la restauration pour 600 couverts/jour et des fast-foods assurant un service pour 1 000 personnes/jour. Les capacités d’hébergement prévues sont de 860 lits par jour (bloc médical, 60 ; hammam, 120 ; hôtel, 80 et bungalows, 600).

En tout cas, pour la population de Hammam Ksenna, ce projet de réhabilitation de la station thermale, dont la réalisation sur le terrain est bien avancée, constituera, à n’en pas douter, une révolution dans leur paysage socioéconomique et culturel. Les habitants sont, pour la plupart d’entre eux, toujours exilés dans les centres urbains parfois très éloignés depuis le grand exode de 1995 où toute la population a abandonné la bourgade. Après le retour de la sécurité, moins de vingt familles ont rejoint leurs foyers. Les réticences des autres sont dues aux conditions de vie dans ce hameau perdu, proche et lointain à la fois, où il manque du travail, du transport, les services administratifs et sociaux,…etc. Pour Hadj Abdelkader, ce projet ressemble à un conte de fée ; ‘’Je n’arrive pas à croire qu’un tel projet puisse avoir lieu; on nous a tellement nourris de chimères par le passé qu’aujourd’hui nous sommes tout simplement sidérés.”

Amar Naït Messaoud

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