En effet, la mauvaise prise en charge des secteurs de la transformation a fait que, au début des années 2000, de la tomate industrielle à El Tarf, des abricots à N’Gaous et du lait de vache à Guelma ont été déversés dans les rivières faute d’ateliers de transformation. Des images dramatiques qui incitent tous les acteurs agricoles à une réflexion sérieuse et profonde sur le sujet. Depuis le lancement du PNDA en 1999, le département de l’agriculture a fait de la politique de reconversion (céréales/arboriculture) son credo pour sortir, soutenait-on, de la fatalité de l’agriculture pluviale. Cette orientation, renforcée par une politique audacieuse de mobilisation des ressources hydriques menée par le ministère des Ressources en eau (barrages, forages, retenues collinaires, captage de sources), a eu quelques résultats dans des périmètres circonscrits à l’échelle de certaines wilayas. Localement, il y a même des zones où on a enregistré des surproductions dans certaines cultures fruitières (poires, pommes, abricots) et oléicoles. Cependant, les voies pour la prise en charge de ces excédents par le secteur de l’agroalimentaire et par une politique imaginative et hardie d’exportation n’ont pas été clairement tracées.
Au début du mois en cours, la réunion entre le ministre de tutelle et le secrétaire général de l’UNPA destinée à donner le coup de starter à la campagne labours-semailles, a été aussi l’occasion pour ses deux parties de se pencher sur les nouvelles conditions du marché des produits agricoles. Ce marché a, depuis maintenant deux ans, subi de profondes transformations et a pu mettre à nu les dysfonctionnements liés au secteur agricole algérien comme il a jeté une lumière crue sur les menaces de la sécurité alimentaire qui affectent une grande partie de la planète.
Les dérèglements des prix des produits alimentaires (produits agricoles frais, conservés ou manufacturés) et la rareté ayant touché une partie d’entre eux ne sont pas sans soulever moult interrogations sur la politique agricole du pays et sur la stratégie de développement rural mise en œuvre par les pouvoirs publics depuis quelques années d’autant plus que cette crise trouve en Algérie une dramatique expression par la fragilisation de plus en plus accrue de larges franges de la population, catégories déjà malmenées par le chômage chronique, la faiblesse des revenus et même un état de patente pauvreté. Les tensions répétitives sur le lait, le surenchérissement du prix des huiles végétales (palme, soja, olive,…) et la cote historique atteinte par la pomme de terre à partir du milieu de l’année 2007 ont donné un franc avant-goût aux Algériens de ce qui les attend pour les mois et probablement les années à venir. Le problème ne se pose plus en termes de simples performances d’un secteur qu’il y aurait lieu de rehausser et de perfectionner. Il s’agit tout crûment de la sécurité alimentaire de tout un pays. Jamais sans doute un concept fort répandu et même galvaudé pendant les années soixante-dix et quatre-vingt du siècle dernier n’a joui d’un usage aussi actualisé et d’un lifting conceptuel aussi unanime. La sécurité alimentaire revient en effet sur la table des politiques, dans les graphes des économistes, dans les laboratoires des généticiens et dans les analyses et discussions des médias. À côté de ce concept de sécurité alimentaire, un autre thème qui lui était très proche avait pour nom ‘’autosuffisance alimentaire’’. Une chose est sûre : ces deux concepts, aussi nuancés soient-ils et aussi ‘’généreux’’ que puisse paraître leur auteurs, étaient souvent utilisés par des gestionnaires politiciens pour des motifs de simple propagande où se mêlaient velléités collectivistes, pratiques bureaucratiques et mentalité rentière. Le thème n’a pas manqué non plus de hanter les couloirs du siège de la FAO à Rome et ses démembrements à travers le monde. Des politiques publiques de développement agricole ont été expérimentées avec plus ou moins de bonheur en Asie du Sud-Est et en Afrique sur initiative de cet organisme international, mais aussi avec des subventions du FIDA. Cependant, la situation ne semble pas avoir subi une extraordinaire évolution. Pire, au vu des menaces qui pèsent sur l’alimentation de millions d’êtres humains à travers la planète, il s’agit plutôt d’une régression.
Les nouvelles tendances du budget familial
Après des signes avant-coureurs aperçus au cours de l’année 2007 (mauvaises récoltes, augmentation excessive des prix des carburants et d’autres intrants à l’exemple des engrais et pesticides, dérèglements climatiques,…), le renchérissement des produits alimentaires est un phénomène qui a pris depuis le début de l’année 2008 une ampleur mondiale. Cela est vérifiable aussi bien dans les pays pauvres ou en voie de développement-sur lesquels s’exerce ainsi une nouvelle charge qui obère les chances d’une relance de la croissance- que dans les pays développés qui découvrent, après de glorieuses décennies d’‘’insouciance’’, que le budget familial peut subir, lorsque les conditions de niveau de vie le commandent, un déséquilibre qui fait pencher la balance des dépenses du côté de l’alimentation (dépenses incompressibles) après être longtemps restée figée dans la rubrique des ‘’accessoires’’ ou du non vital (cosmétiques, vacances, spectacles,…). En faisant jonction avec la chute de places financières et d’établissements bancaires à travers plusieurs pays du monde, la tension sur les produits alimentaires prend plus d’accent et exprime un aspect de gravité démultiplié du problème. Le bilan des performances de l’année 2007 donne une croissance du secteur de l’agriculture de 6%. Il est vrai que, par rapport à 2005 où ladite croissance était de 1,9 %, des progrès substantiels ont été réalisés. Les exportations hors hydrocarbures demeurent, quant à elles, toujours faibles puisqu’elles dépassent à peine un milliard de dollars, alors que les ambitions du gouvernement depuis 1998 étaient de 2 milliards de dollars. Les spécialistes et les pouvoirs publics ont depuis longtemps identifié certaines contraintes majeures qui obèrent l’essor de l’agriculture algérienne, mais la volonté politique semble biaisée ou soumise à des contingences dont l’opinion ignore la nature.
Le problème du foncier fait que le statut des terres publiques est considéré comme un frein aux investissements d’autant plus que les usufruitiers nourrissent une méfiance légendaire à l’égard de l’administration et, dans certaines régions, se rendent complices de l’avancée du béton sur les terres agricoles. La nouvelle loi sur l’orientation agricole et la nouvelle mouture de la gestion des concessions agricoles sont, en principe, destinées à mieux asseoir la relation entre l’administration et les exploitants agricoles et à protéger avec plus d’efficacité les terres agricoles des détournements et autres formes de dilapidations. En tous cas, ce sont là les conditions minimales sans lesquelles toute forme de sécurité alimentaire ne saurait être envisagée.
Des révisions déchirantes pour les pays du Sud
Des organismes financiers internationaux, et même des ONG humanitaires, ont tenté de cerner le problème dans son essence et sa globalité pour pouvoir donner des explications à ce qui s’apparente à une dangereuse tendance qui met en péril la santé et même la vie de plusieurs centaines de millions de personnes à travers le monde.
Plusieurs raisons, aussi valables les unes que les autres, pour expliquer cette folie des prix à l’échelle planétaire, ont été également avancées par les spécialistes parmi lesquels des économistes et des courtiers. Les responsables de la l’Organisation mondiale de l’alimentation et de l’agriculture (FAO) ont à leur tour tenté de donner des justifications qui se sont retournées contre eux. On se souvient de la dimension médiatique prise par les propos acerbes de Abdoulay Wade, président de la République du Sénégal, décochés contre les responsables de la FAO. Le président sénégalais dénonce ‘’la bureaucratie et l’inaction’’ dans laquelle baignerait cette organisation mondiale censée contribuer à la réhabilitation de l’agriculture dans les pays pauvres et contrecarrer les risques de famine et de disette qui pèsent sur leurs peuples.
Par ailleurs, pour la première fois, un concept technique timidement évoqué au début de la décennie en cours, impose sa présence pour expliquer au moins une partie de la rareté des produits alimentaires sur les marchés mondiaux. Il s’agit des biocarburants. Même si leur part dans l’envolée des prix reste très faible pour le moment, cela nous renseigne sur la nouvelle donne avec laquelle il faut compter désormais dans le monde de l’agriculture et de l’agroalimentaire. D’autres raisons plus ‘’classiques’’, mais qui méritent une attention et vigilance des plus aiguës de la part des responsables politiques des pays concernés, ont, elles aussi, tiré vers le haut les prix des produits alimentaires. Mauvaises récoltes dues souvent à des conditions climatiques inattendues, rehaussement des intrants (engrais, produits phytosanitaires,…) et, surtout, envolée des produits pétroliers qui pénalisent les agriculteurs occidentaux. On voit, depuis le mois de mai dernier, les spectacles de protestation dans plusieurs pays européens où des routes et autoroutes sont coupées par les agriculteurs qui demandent à leurs gouvernements la détaxation du fuel pour pouvoir faire face aux dépenses liées aux travaux mécaniques à haute consommation d’énergie. Ce dernier cas de figure constitue un bel exemple du paradoxe dans lequel baignent certains pays exportateurs de pétrole, à l’image de l’Algérie, pour lesquels, au-delà d’un certain seuil raisonnable, le prix de l’or noir devient un cauchemar de plus, voire une malédiction, puisqu’il contribue inévitablement au rehaussement de leur facture alimentaire. A cela s’ajoute une autre infortune qui pénalise les pays importateurs de produits alimentaires: la décote que subit depuis des années la monnaie américaine par rapport à la monnaie européenne ; la première constitue la quasi-totalité des recettes algériennes et la seconde forme la quasi-totalité de ses dépenses. Il est vrai que, avec la remontée de la pente du dollar, une tendance inverse a été amorcée depuis deux semaines, mais elle reste lente et trop peu significative pour renverser la vapeur. En tout cas, pour les pays dont l’agriculture n’est pas sérieusement prise en charge, le contexte mondial actuel n’accorde ni répit ni faveur. C’est un défi dont le relèvement ne dépend d’aucune magie ou entourloupette. Il sollicite, au contraire, toute l’intelligence et la rationalité des techniciens, des élites et des responsables politiques. On en arrive au constat que ce qui relevait naguère des ‘’acquis’’ irréversibles en matière de sécurité alimentaire- par la grâce de la seule disponibilité de devises générées par la mono-exportation-, appelle des révisions déchirantes dans la stratégie agricole et dans l’industrie agroalimentaire, considérée jusqu’à présent comme le parent pauvre du secteur de l’avis même des hauts responsables du pays.
Pour un meilleur ciblage des politiques publiques
Le soutien apporté à l’agriculture n’est pas circonscrit à la période de crise. Cependant, dans des circonstances particulières de tension, l’intervention des pouvoirs publics non seulement est grandement souhaitée, mais elle est surtout appelée à ciblage judicieux et rationnel qui évite la précipitation. L’inflation ayant touché la presque totalité des produits alimentaires- hormis certains fruits et légumes de saison- a conduit l’ancien gouvernement Belkhadem à recourir à la politique du soutien des prix dès la fin 2007. C’est une solution d’urgence que les économistes verraient d’un mauvais œil si par malheur elle venait à se substituer à une véritable politique de croissance agricole qui toucherait toutes les filières (élevage, céréaliculture, arboriculture,…) et qui déboucherait sur une chaîne agroalimentaire solide et solidaire. Cela voudrait dire qu’il y a lieu de valoriser et de prolonger les efforts consentis depuis le début des années 2000 par le ministère de tutelle en corrigeant le tir quand cela s’avère nécessaire.
Le propre de la politique agricole suivie depuis le début de la décennie en cours, est de s’attaquer frontalement aux deux grands axes qui constituent ce secteur d’une façon simultanée : l’agriculture professionnelle qui se donne des critères spécifiques pour cibler son domaine d’intervention (à savoir les exploitations titrées des régions de plaine, les EAC-EAI, les segments du secteur agroalimentaire,…) et le développement rural devant intervenir dans les zones reculées de la montagne ou de la steppe touchées par des problèmes spécifiques. Parallèlement au soutien apporté à l’agriculture professionnelle suivant les filières (lait, céréales, légumes secs, chambres froides), et ce, à travers le FNDIA (Fonds national du développement et de l’investissement agricoles), les espaces ruraux situés dans les zones de montagne ou dans la steppe font l’objet d’une nouvelle attention des pouvoirs publics. Car, ces espaces se trouvent fragilisés par plusieurs facteurs auxquels échappe l’agriculture professionnelle : enclavement, morcellement de la propriété, érosion des sols, absence de titres de propriété, déficit en infrastructures et équipement publics (écoles, centres de santé et de loisirs, électricité, ouvrages hydrauliques et de desserte,…etc). En outre, ces zones ont gravement souffert de la période d’insécurité entre 1993 et 2002, ce qui a entraîné un exode forcé de plusieurs centaines de milliers d’habitants vers les villes après avoir bradé leurs cheptels et leurs meubles.
Un arrière-pays déchiré et en continuel dépeuplement
Une image pour illustrer l’apport du monde rural européen au bilan général de l’agriculture. La simple activité de jardinage dans des micro-propriétés donnant des produits pour l’autoconsommation des ménages couvre environ entre 20 et 30 % des besoins de consommation en produits maraîchers dans un pays comme la France. Le reste étant produit par l’agriculture professionnelle dans les grandes exploitation des plaines où sont installés les systèmes d’irrigation.
Chez nous, le monde rural est entrain de subir de profonds bouleversements qui le mettent de plus en plus à la marge de l’économie. Le dernier Recensement de la population et de l’habitat (RGPH) effectué en avril 2008 donne en tout cas des chiffres assommants en matière d’occupation de l’espace algérien. Plus des deux tiers des Algériens habitent les zones urbaines. Les statistiques du ministère de l’Agriculture datant de 2006 parlent de 13 millions d’habitants en milieu rural. La dislocation de cet espace rural, avec son lot de misère et d’exode vers les villes, a été passée au peigne fin par les experts lors de la réunion walis-gouvernement présidée par le président de la République en décembre 2006. Un nouveau programme dénommé ‘’Plan de soutien au renouveau rural’’ (PSSR) y a été présenté par le ministre délégué au développement rural,
Rachid Benaïssa, qui a été désigné, dans le nouveau gouvernement Ouyahia, ministre de l’Agriculture et du développement rural. Ce programme s’articule autour des Projets de proximité de développement rural intégré (PPDRI) censés être conduits par l’ensemble des secteurs des wilayas et les collectivités locales. Leur mise en œuvre étant à peine entamée, l’on ne peut préjuger de leur réussite, même si, dès le départ, un problème de coordination entre les secteurs intervenants se pose avec acuité.
Il se trouve que dans les chamboulements économiques et sociaux vécus par la campagne algérienne, la notion même de ruralité est sujette à controverse. En effet, dans une situation où les métiers ruraux,-et principalement l’artisanat- se meurent, où le salariat et l’économie informelle prédominent chez la population occupée, où le chômage est la situation la mieux partagée et où les activités agricoles sont réduites à la portion congrue, il y a lieu de redéfinir la notion de monde rural et de lui imaginer les modèles de développement qui prennent en compte toutes ces contraintes.
Adaptation problématique au contexte mondial
L’Algérie n’a d’autre choix que de s’adapter au nouveau contexte mondial en matière de production agricole, de jonction entre celle-ci et le monde agro-industriel et d’initiation d’une politique d’exportation agricole offensive pour diversifier l’origine des recettes budgétaires.
Certes, des efforts ont été déployés en direction du secteur de l’agriculture par les soutiens aux producteurs, la mise à niveau des exploitations agricoles et l’extension de la surface agricole utile (concessions, mise en valeur par l’accession à la propriété foncière,…).
Cependant, le déficit de prise en charge du secteur de la transformation (agroalimentaire) a fait que des fruits, des légumes et du lait se trouvant, il y a quelques années, en situation de surproduction, ont été jetés dans la nature. La chaîne agroalimentaire permettant d’absorber le surplus de production a rarement suivi. Il en est de même des possibilités d’exportation d’une partie des produits.
Outre la qualité des produits, l’un des plus sérieux handicaps pour se lancer dans cette dernière activité étant le conditionnement, l’emballage et le design. Cette opération exige une qualité phytosanitaire impeccable des produits et un conditionnement qui réponde aux normes internationales. Le problème soulevé par la production viticole, particulièrement le raisin de cuve, est encore plus corsé dans les wilayas où il y a eu, depuis le début de la décennie en cours, de vastes programmes de réhabilitation de cette production. Les capacités des anciennes caves sont saturées.
En outre, sur le plan du marché mondial des vins où l’Algérie occupait jadis une place de choix, il y a eu une évolution fulgurante qui a fait que, au cours des 30 dernières années-où l’Algérie s’occupait de l’arrachage de la vigne pour que les gouvernants de l’époque entrent dans les bonnes grâces des islamo-conservateurs, ce qui a fortement endommagé les sols de Mostaganem, Beni Saf, Mascara, et les a fait exposer à une dangereuse érosion-, les goûts et les choix gastronomiques ont imposé de nouvelles variétés de vins issus de cépages que l’Algérie n’a pas eu l’occasion de tester, de produire et d’acclimater. Résultat des courses : l’angoisse et le stress sont le lot des viticulteurs et, ce, même si l’on sait que la majorité d’entre eux ont signé des conventions avec l’ONCV de façon à ceux qu’ils produisent pour son compte.
Equilibre nutritionnel et paix sociale : les nouveaux enjeux à affronter
Entre une politique volontariste et ‘’productiviste’’ et son prolongement dans une stratégie générale du secteur, il y a comme un hiatus engendré par de tenaces réflexes dont il difficile de se départir. Demeure aussi l’épineuse question de la formation et de la vulgarisation de nouvelles techniques pour l’amélioration des systèmes de production.
Tous ces aléas risquent de remettre en cause les efforts fournis dans les autres segments de ce secteur névralgique de l’économie nationale et, partant, de prolonger la dépendance du pays et de fragiliser davantage la sécurité alimentaire des Algériens. Dans ce contexte où les problèmes de l’agriculture algérienne (faible niveau de technicité, imbroglio grevant le foncier, ciblage problématique des soutiens, circuits de commercialisation non maîtrisés, manque de cohérence et de solidité de la chaîne agroalimentaire, déficit de stratégie d’exportation) semblent ‘’imperméables’’ à l’augmentation des ressources financières qui lui sont injectées, la nouvelle stratégie des pouvoirs publics en la matière devrait pouvoir consentir des trésors d’imagination d’autant plus que, d’une part, les clauses de l’accord d’association avec l’Union européenne, entré en vigueur voilà maintenant trois ans, vont être ressenties d’une façon plus sévère dans les toutes prochaines années en raison des démantèlements tarifaires progressifs qui vont arriver à ‘’maturité’’, et que, d’autres part, l’entrée probable de l’Algérie à l’OMC enlèvera la majorité des protections ou privilèges dont bénéficie la production nationale jusqu’à présent En tout état de cause, la question alimentaire fait partie des grands défis qui se posent, avec plus d’aplomb qu’au cours des décennies précédentes, pour les pays pauvres et les pays en développement charriant ainsi avec elle la problématique de la sous-alimentation et de la mal-nutrition qui se traduisent en termes de santé publique (maladies infectieuses, maladies carentielles) et de paix sociale (jacqueries, atteinte à l’ordre public,…). Le phénomène de la mendicité, qui a pris ces dernières années une ampleur sans précédent dans les rues et les quartiers, la recherche de la nourriture dans les poubelles, la déscolarisation volontaire d’enfants dans l’arrière-pays parce que leurs parents ne peuvent plus leur assurer fournitures scolaires et transport, le phénomène des enfants mineurs qui travaillent dans des ateliers clandestins,…etc. font partie de cette série de conséquences issues de la neutralisation de la campagne algérienne en tant que foyer de vie, de production et de croissance. La fragilisation extrême de pans entiers de la société y a conduit des enfants à verser dans les circuits de la drogue, de la prostitution et du banditisme.
Le sentiment de frustration et d’injustice est inévitablement amplifié par les richesses ostentatoires de nouveaux ‘’parvenus’’ dont certains auraient même profité de la décennie rouge du terrorisme pour lancer leurs ‘’affaires’’. L’action de la solidarité nationale, tout en s’accroissant chaque année par de nouvelles formules aussi alléchantes les une que les autres, est relativisée nécessairement par au moins deux données essentielles : le caractère éphémère et précaire des dispositifs mis en place et le manque d’équité générée par une bureaucratie tatillonne et toujours clientéliste. C’est pourquoi, aucun gouvernement ne peut fermer les yeux sur ce qui constitue non seulement un facteur de stabilité politique pour le pays, mais aussi un facteur d’indépendance, de croissance et de développement économique. Les rôles et les missions que devraient assumer les organisations syndicales, les organisations professionnelles définies par filière (lait, céréales, maraîchage, arboriculture fruitière, viticulture, aviculture, apiculture, …), la Chambre d’agriculture, les centres de vulgarisation, les écoles spécialisées en agronomie et les instituts de recherche seront de plus en plus à la fois complexes et précieux. Ces structures, constituant l’ensemble des acteurs agricoles, sont censées créer les mécanismes et les synergies nécessaires entre tous les intervenant dans ce secteur pour le rehausser au diapason des défis de la sécurité alimentaire du pays.
Amar Naït Messaoud