l « Je crois que tous les artistes, tous les créateurs doivent être habités par le doute. Ils doivent toujours se demander s’ils ont bien fait, s’ils ont bien fini leur travail ; s’ils ont été jusqu’au bout de ce qu’ils ont écrit. D’où la tentation chez moi, perpétuelle, de toujours refaire ce que j’ai fait. Par exemple, n’importe qu’elle page, même si elle me semble très belle, je l’écris maintenant, puis je la relis six mois plus tard.
Il me vient d’autres idées, j’y reviens, je démarre sur autre chose et puis j’y reviens une troisième fois. Tout s’embrouille, s’emmêle. Si je garde la dernière version, je la publie et je suis délivré pendant un certain temps, mais si elle revient sous ma main, je réécris encore. »
In entretien avec Hafid
Gafaïti-Laphomic-1986
l Le choix de ne pas utiliser l’arabe classique au théâtre : » Ce sont des limites volontaires. Je ne veux pas connaître l’arabe classique. Si on prend la langue française par exemple, ce sont des poètes comme François Villon qui l’ont créée en la dégageant du latin. Qu’est-ce qui est resté de tout le fatras des écrivains de la Sorbonne qui écrivaient en latin ? Rien ! Ce sont plutôt des voyous comme Villon et Rabelais qui ont fait la littérature française, la langue française même. Ce n’est pas une question de méconnaissance de la langue.
Aurais-je été Rimbaud, aurais-je fait des vers latins, comme il l’a fait lui, que je n’en aurais pas moins adopté la forme moderne qu’il a adoptée. Parce que ça ne va pas avec notre temps, c’est tout. (…) Je préfère les langues de la vie, parce que la littérature, pour moi, c’est la vie. (…) A l’heure actuelle, la langue que le peuple algérien parle et entend n’est pas l’arabe littéraire. Il a sa langue à lui, celle qu’il a faite. Il s’y reconnaît mieux et son génie y passe. Il est ridicule des fois quand il se met à parler l’arabe littéraire (…) Pour un art vivant, il faut une langue vivante. Ce n’est pas encore le cas de l’arabe littéraire. Il faudra que celui-ci se modernise et fasse la jonction avec la langue du peuple, au lieu d’être celle des perroquets et des pédants « .
Ibidem
l « L’Algérie arabo-islamique, c’est une Algérie contre elle-même, une Algérie étrangère à elle-même. C’est une Algérie imposée par les armes parce que l’Islam ne se fait pas avec des bonbons et des roses. Il s’est fait dans les armes et le sang ; il s’est fait par l’écrasement, par la violence, par le mépris, par la haine, par les pires abjections que puisse supporter un peuple. On voit le résultat (…) C’est Africain qu’il faut se dire. Nous sommes africains ; tamazight, c’est une langue africaine : la cuisine, l’artisanat, la danse, la chanson, le mode de vie, tout nous montre que sommes africains.
Le Maghreb arabe et tout ça, c’est des inventions de l’idéologie, et c’est fait pour nous détourner de l’Afrique. A tel point qu’il y a maintenant une forme de racisme. Un jour, j’ai entendu la musique malienne, j’étais bouleversé d’ignorer ça. C’est honteux. Et pourtant, avec le Mali, nous sommes sur le même palier. Là aussi on voit l’arabo-islamisme sous sa forme maghrébine nous occulter l’Afrique, occulter notre dimension réelle, profonde.”
In entretien avec
Tassadit Yacine-1987
Réalisé à Ben Aknoun
Publié dans ‘’Awal’’- Cahier d’études berbères-1992
