Le sens d’un débat

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Les séminaires, colloques et symposiums, même quand on les doit à l’initiative d’une autorité dont on n’attend plus rien, nous surprennent souvent. Par la qualité scientifique ou technique des interventions, la justesse des constats et la pertinence des recommandations, les publications qui sanctionnent ces rencontres auraient dû connaître un prolongement plus heureux sur le terrain au lieu d’aller grossir inutilement quelques étagères poussiéreuses. La qualité des réflexions et propositions formulées dans ces espaces, on la doit d’abord à des compétences qui, souvent frustrées de ne pouvoir mettre en pratique leur savoir-faire dans leur champ d’intervention professionnel, se surpassent à l’occasion pour convaincre les détenteurs de la décision du potentiel technique ou scientifique qu’elles détiennent et de la nécessité de les écouter, à défaut de leur concéder quelques initiatives. L’un dans l’autre, on la doit aussi au fait que ces rencontres sont perçues comme des micro-espaces de liberté arrachés à un quotidien sclérosé par une communauté de cadres étouffée par une hiérarchie administrative inculte et instinctivement effarouchée par le savoir. Il est en effet beaucoup plus aisé et surtout moins périlleux de s’exprimer à l’occasion d’un séminaire où un spécialiste est invité à exprimer des idées que dans un organisme où on le paie justement pour ne pas en avoir ! Enfin, parce que ce genre de manifestations est aussi destiné à la promotion de quelques responsables locaux ou sectoriels, ces derniers s’efforcent d’y mettre les grands moyens, de “prendre les meilleurs” et de les mettre dans les plus confortables “conditions de travail”, ils obtiennent en retour un travail à la hauteur de “l’investissement”. Le reste, c’est-à-dire l’essentiel, ne compte pas. D’abord du fait qu’il n’y a aucune communauté de vue entre des compétences soucieuses d’aller puiser dans les programmes les plus avancés en la matière et des autorités en pleine phase de bricolage. Ensuite du fait que les intérêts ne sont jamais les mêmes. Difficile à fructifier des travaux élaborés pour améliorer le quotidien de la communauté nationale quand ils ne sont commandés que pour entretenir une image et booster des carrières. Tout le monde se rappelle le remarquable travail de l’université d’Oran qui était, deux décennies durant, un pôle d’animation continue en termes de débats. d’idées, de confrontations scientifiques et d’ouverture sur le monde. Et parce que cet espace qui a fait illusion n’était pas l’émanation d’une volonté politique de l’Etat, mais le fait d’un mouvement d’enseignants qui a fini par s’essouffler, il n’en reste que le souvenir et quelques velléitaires soubresauts. Ce débat scientifique dans notre pays est ainsi coincé : quand il est pris en charge par l’Etat, il ne servira pas à grand-chose sauf à couver le statu quo, et quand il est l’initiative d’ilôts de résistance, il ne… résiste pas longtemps parce qu’il finit toujours par manquer de perspective.

S. L.

Laouarisliman@gmaïl.com

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