Entre fourneaux et talons aiguilles !

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Une partie reste consciente du rôle de ces femmes dans le développement économique et social, mais d’autres préfèrent les voir aux fourneaux quel que soit leur niveau d’instruction et nonobstant leurs propres aspirations et envies.

Ambition et envie de réussir d’un côté, le souhait de devenir riche d’un autre, telles sont les motivations principales des femmes qui se lancent dans des carrières.

L’indépendance financière fait partie des autres bonnes raisons qui poussent les femmes à faire de leur travail le souci numéro 1 de leur existence. Mais il reste le point commun entre ces femmes et celles qui ne travaillent que pour subvenir à leurs propres besoins ou ceux de leurs familles, sans pour autant s’inscrire dans une optique carriériste.

Celles-là même qui mettraient fin à leur vie professionnelle si leur situation financière venait à connaître une amélioration. Ce ne sont d’ailleurs pas ces dernières qui dérangeraient qui que ce soit, notamment les hommes et les sociétés dites conservatrices. En effet, les femmes carriéristes ont le chic de troubler un peu la gent masculine en particulier et les traditionalistes en général.

En Kabylie, les avis et réactions concernant ce mode de vie dépendent des régions, plus que du niveau d’instruction de ces messieurs. Les femmes aussi ont leur avis la dessus mais écoutons plutôt les hommes d’abord. « Ces femmes m’effrayent.

J’ai l’impression que rien ne les freine. Qu’elles n’ont peur de rien. Qu’elles sont surtout prêtes à tout sacrifier pour leur carrière, même leur vie de couple. Je n’ai franchement pas envie de passer après le travail de ma femme. Puis je ne veux surtout pas d’une femme qui ne me fera des enfants qu’une fois promue à un poste de responsabilité, ceci étant la finalité. Je préfère une femme d’une instruction moyenne mais capable de se consacrer à son foyer.

C’est simple », explique Ahmed, 32 ans, pharmacien de formation. Des femmes carriéristes notre ami Ahmed en voit et côtoie tous les jours que Dieu fait. Il est délégué médical. Il avoue qu’il ne voudrait en aucun cas que sa femme soit de la même profession que lui. « Je vois tout ce que demande ce travail à mes collègues femmes qui se démêlent à assurer leur travail au même titre que nous les hommes. Et j’avoue qu’elles assurent mieux que nous parfois. Mais je plains leurs maris.

Je ne voudrait pas être à leur place », ajoute Ahmed en évoquant l’indisponibilité que peut engendrer ce genre de métier, avouant timidement, au passage, sa jalousie excessive sur tout ce qui peut bouger à

5 km de sa femme !

Il n’y a pas qu’Ahmed qui évoque la jalousie. Seulement ce sentiment a d’autres origines chez certains hommes. C’est le cas de Chavane, 43 ans, vendeur chez un disquaire du centre-ville de Tizi-Ouzou. Chavane aussi est jaloux. Mais il n’est pas jaloux parce que sa femme, préposée au guichet dans une agence régionale d’une banque étatique, côtoie des hommes à longueur de journée, mais tout simplement parce qu’elle gagne plus que lui ! Même si la contribution de sa femme est plus qu’indispensable dans le budget de la famille, Chavane avoue qu’il a pensé à plusieurs reprises d’arrêter sa femme de travailler et de la « cloîtrer » à la maison. Elle qui ne manque jamais de lui rappeler sa « supériorité » lors de leurs innombrables disputes.

Ces dernières sont généralement enclenchées à cause du travail de sa tendre moitié à qui des ailes ont poussé depuis qu’elle s’est engagée dans une promotion immobilière avec ses propres économies. Dur d’être un homme de nos jour, non ?!

Des hommes de plus en plus effrayés par ces femmes qui veulent tout « contrôler » alors qu’ils veulent une femme qui vive dans leur ombre. « Je n’ai pas envie que les rôles soient renversés. Soit on porte le pantalon soit on se met aux jupes ! Le ménage ce n’est pas mon truc. Or, il faut bien que quelqu’un le fasse.

Et ce ne serait surtout pas moi. J’admire ces femmes qui font des études, qui se lancent dans des carrières, qui font de leur boulot une passion. Je les encourage de toutes mes forces. J’ai des amies qui ont cette vie-là et je suis le premier à les encourager. Mais ma femme je l’ai dissuadé le jour où elle m’a parlé de reprendre son travail. Elle a dû faire un break après la naissance de notre aîné. Le break a duré plus longtemps que prévu puisqu’un deuxième est venu sans prévenir. Je ne veux plus qu’elle s’occupe d’autre chose que notre foyer. Je ne veux pas que mes enfants soient négligés », nous confie Issad, 48 ans, architecte.

Sa femme était enseignante dans le secondaire. Elle n’a plus le « droit » de travailler sauf s’il s’agit de seconder son mari, pour quelques heures, dans son cabinet. C’est du moins la seule issue qu’Issad a ouvert pour sa femme arguant que leur situation financière ne requière pas une contribution de plus. Comme si l’argent est la seule motivation des femmes carriéristes. Ces dernières, si elles sont célibataires, ont plus de soucis que leurs « consœurs » engagées. Ayant la réputation d’être exigeantes en matière d’hommes, ont des problèmes à se dénicher un mari. Il n’est même pas utile de chercher un homme de son milieu et de son niveau. Ces derniers, quand ils veulent se marier frappent aux portes des jeunes et fraîches jeunes filles, généralement quel que soit leur niveau d’instruction. Hélas, les femmes dites carriéristes ne pensent généralement au mariage, que la quarantaine passée. Une fois les études finies et la carrière professionnelle bien lancée. Et là, le marché des hommes libres n’offre pas grand-chose. Enfin la « qualité » n’est toujours pas au rendez-vous sauf miracle. C’est ce que nous révèle Tassadit, 47 ans, biologiste et responsable du service qualité d’une entreprise agroalimentaire bien assise. « Je n’avais pas le choix. Après mes études, j’ai dû cravacher dur pour construire une vie professionnelle épanouie.

Cela m’a pris des années. J’ai dû changer d’employeurs plusieurs fois. Il fallait à chaque fois tout recommencer et prouver que l’on est capable et qu’on mérite la promotion que l’on espère. Au bout du compte on se dit que ça valait le coup de ne pas baisser les bras. mais au moment où l’on réussissait sa vie professionnelle, la vie privée reste un désert. Une fois prête à attaquer ce volet, on se dit qu’il aurait peut-être fallu y penser bien avant et diviser les efforts au bon moment. Pas des années après. Je ne regrette rien. Je préfère être seule qu’avec une personne qui ne me comprenne pas.

Mon seul regret est de ne jamais savoir ce qu’est la maternité. Je crois sincèrement que c’est le seul regret des femmes de ma tranche », raconte Tassadit. On voit bien qu’il est révolu le temps où les femmes étaient considérées comme des outils de reproduction. Actuellement nombreuses sont les femmes qui ne voient dans les hommes qu’un moyen d’arriver à la maternité, tout en gardant leurs grandes ambitions de femmes carriéristes. « Si ça ne lui plait pas, qu’il le dise. On trouvera bien une solution pour le soulager. Il en existe tellement », nous dit Farida, 36 ans, diplômée en sciences économiques et chargée des ventes dans une antenne d’une entreprise mixte spécialisée dans la commercialisation des matériaux de construction. « Si la situation pèse trop à mon mari, je suis prête à lui redonner sa liberté. Je garde mon enfant c’est tout.

Il consiste d’ailleurs l’essentiel des raisons qui m’ont poussé à me marier. Je ne voulais pas passer à côté de ce sentiment si fort et si agréable que nous procure la maternité. Même si je ne suis pas disponible à cause de mon travail, je me dis que cela vaut le coup étant donné que je fais cela en parti pour lui procurer une vie meilleure que celle qu’il aurait eu si l’on ne comptait que sur le salaire de papa. Un peu moins du quart que ce que je gagne, lui qui a aussi fait des études supérieures ! Je ne dénigre nullement son rôle dans notre couple. Et pour ne pas pénaliser notre enfant, nous avons décidé d’un commun accord que mon mari suspende sa carrière pour s’occuper de notre fils, nous ne faisons plus confiance aux nourrices après une douloureuse expérience que nous avons vécu récemment.

Il s’est porté volontaire de lui-même. Ceci dit, il n’avait pas trop le choix. De nous deux, je suis celle qui a le mieux réussi sa vie professionnelle. Il est assez correct pour le reconnaître ! », ajoute-elle.

Le monde à l’envers diraient les plus cools ! Mais ces derniers devraient réfléchir un peu avant de juger. Pour quelle raison est-ce qu’une femme doit tout laisser tomber au moment où elle dit oui à la demande en mariage de son Jules, se plaint Tassadit. Les rêves, les ambitions, ainsi que les possibilité de carrière qui se présentent, elle doit en même temps oublier les années de labeur et les innombrables sacrifices pour mener à terme ses études.

Au simple fait qu’on ait demandé sa main, la femme doit être frappée d’amnésie, sinon taxée d’insoumise et de révoltée. Le diable en personne parfois. Par contre l’homme affichant les mêmes ambitions est même encouragé et applaudi. C’est le constat qui contrarie la majorité des femmes que nous avons rencontrées. Elles sont scandalisées qu’on puisse être aussi injuste.

« Finalement, entre busness woman et épouse traditionnelle, les hommes s’ils avaient le choix, prendraient les deux », nous dirait Farida pour terminer. « Avec les misogynes, il ne faut pas se laisser faire.

Les hommes ne prennent que ce qu’on veut bien leur donner. Il ne faut pas céder. Ils veulent bien une reine des fourneaux doublée d’une femme émancipée, gagnant bien sa vie et si possible très belle et tirée à quatre épingles. Pourquoi l’on exigerait pas pareil d’eux ! « , conclut-elle. Comme quoi les combats féministes des dernières décennies n’ont pas été vains !

S. A-B.

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