La légalité, contre la légitimité

Partager

“Demander” des grèves légales à des syndicats illégaux a quelque chose de cocasse, mais le nouveau ministre de la Santé, à la suite de ses prédécesseurs ne va pas se gêner pour si peu. Il n’y a aucune raison de se priver d’un moyen qui a toujours fonctionné avec efficacité et ce qui ne gâte rien, permet de se donner bonne conscience. Depuis qu’ils ont découvert le recours à la justice pour “trancher” la légalité ou non de contestations socio-professionnelles, nos responsables “ y vont” franchement et systématiquement. Le procédé est grossier mais il justifie l’illusion. Par la perversion d’abord. En faisant de la légalité un instrument d’occultation de la légitimité alors qu’elle est censée être un élément de complémentarité, les dirigeants ne tendent pas à régler les conflits mais à les noyer. Par le défi ensuite : On ne veut pas être juste, allons donc devant la justice ! Cette dernière qui n’a, jusqu’à aujourd’hui, jamais “déclaré” une grève “ légale” a donc de quoi rassurer ceux qui la saisissent, ses états jurisprudentiels faisant foi. Par l’irresponsabilité enfin. L’usage de la répression n’était jamais exclu de la tête des responsables, il faut bien qu’ils mettent “ quelque chose de leur côté.” Si-par miracle-ils sont appelés à s’en expliquer le tout bien sûr est de ne pas avoir à parler de l’essentiel. Ramener “ le débat” à la légalité ou plutôt l’illégalité d’une grève est bien plus commode que d’aborder ses motivations. Ça a l’avantage d’exempter de la responsabilité, de dispenser de l’effort de réflexion sur les solutions et de mettre à l’abri des rares mais toujours possibles retombées sur les carrières. M. Barkat a, comme il fallait s’y attendre, saisi la justice d’abord, avant d’annoncer, dans la foulée du verdict de la chambre administrative près la cour d’Alger que la grève des personnels de la santé publique a connu un taux de suivi de moins de 5 % !

Et puisque la justice a encore déclaré la grève illégale et ordonné la reprise du travail, pourquoi le ministre de la Santé s’inquiéterait de la situation des hôpitaux, du salaire, des médecins et de la qualité des soins prodigués aux Algériens, le verdict de la justice censé ne sanctionner que le respect ou non de la procédure déborde sournoisement sur le fond. Il fait “ oublier” qu’avant d’appeler à la grève, les syndicats ont multiplié sans résultats les demandes d’audience auprès du ministre de la Santé, que les médecins ont un salaire de misère, nos hôpitaux sont des mouroirs et que la non reconnaissance des syndicats autonomes est une violation flagrante de la liberté syndicale consacrée par la Constitution. Reste bien sûr l’embarras des personnels de la santé et de leurs représentants devant l’impopularité de leur débrayage souvent évidente dans ce secteur, si sensible. Mais le chantage par le pourrissement ne paiera pas éternellement. Surtout que tout le monde, ou presque sait qui en est vraiment responsable.

S.L.

laouarisliman@gmail.com

Partager