Le discours, le protocole et les coulisses

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Comme il fallait d’une façon ou d’une autre dépasser le caractère protocolaire de cette séance, un député FLN a trouvé l’astuce dans un geste qui a surpris un peu tout le monde. D’abord par son irrévérence. Envers le président de l’Assemblée nationale de sa propre majorité mais aussi envers un gouvernement que les militants et les députés de l’ex-parti unique n’ont pas l’habitude d’interpeller avec un ton aussi libre. Hier, ce député a quand même interrompu Ammar Saïdani dans un moment d’une rare solennité pour lui demander de différer l’ouverture de la session jusqu’à ce que le ministre de l’Energie présente des excuses publiques aux élus du peuple pour avoir déclaré que si les prix du mazout ont augmenté, c’était par la faute des députés.Dans les couloirs de l’Assemblée nationale, il y avait aussi Saïd Barkat, pour rappeler que ce mercredi matin n’était pas une formalité.Les terres agricoles, c’est un problème sérieux et il comptait le traiter avec toute la rigueur de la loi, tel que le souhaitait le président de la République. A quelques mètres de moquette du ministre de l’Agriculture Ammar Saïdani suggérait à demi-mot que les législatives anticipées sont incontournables. Pendant ce temps, Tayeb Louh développait le même enthousiasme légaliste pour fendre les syndicats autonomes et expliquer le refus de leur délivrer l’agrément.Tout le monde, décidément, s’accorde aujourd’hui à la loi. Pour tout dire et tout expliquer, ce n’est pas ce député d’El-Islah, abordé par les confrères, qui dérogera à la tendance générale.La crise interne que subit son parti doit se régler dans le cadre strict de ses statuts. Décidément, ça a l’air d’être réglé comme du papier à musique, même si cette synchronisation peut ne pas pas avoir été concertée. Et si le président de l’APN n’a pas exclu que cette session pourrait la dernière dans cette composante, cela ne l’a pas empêché dès les premières phrases de son discours de dire qu’elle est ’’le grand rendez-vous législatif du cinquième mandat’’.Et d’argumenter par le fait que cette session préfigure la consécration de quelques-unes parmi les plus grandes réformes engagées par le président de la République. En insistant sur la grandeur des réformes, le président de l’APN a fait un clin d’œil assez net aux quelques blocages dont la majorité porte l’entière responsabilité. Non seulement il suggère que les députés ne seront pas là pour longtemps à handicaper les réformes, mais il leur conseille tacitement de faire œuvre utile en associant leur nom à des réalisations historiques. Le reste enfin est de pure forme, puisque l’agenda de l’APN était entre les mains des députés avant le discours d’ouverture. Le code civil, l’organisation judiciaire, l’eau, l’accord euro-méditerranéen, la ville, le code de procédure civile, les sociétés de capitaux d’investissements, l’organisation de la commune et l’utilisation des terres agricoles sont sûrement autant de lois importantes sur les pupitres de l’Assemblée, mais hier l’attention était plutôt dans les coulisses où beaucoup de monde commence à prendre la liberté de dire. C’est peut-être aussi un autre signe que quelque chose d’important va se passer bientôt dans l’hémicycle.

Slimane Laouari

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