Un essor salutaire pour encadrer le développement

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n Par Amar Naït Messaoud

De tous les chemins communaux de la wilaya de Bouira, la départementale 127, reliant Bouira à Sour El Ghozlane sur 32 km, est celle qui a subi la plus grande révolution en matière de trafic routier.

Traversant quatre communes (Sour El Ghozlane, El Hachimia, Oued El Berdi et Bouira) sur un couloir d’une vaste plaine agricole, cette route était une simple bretelle joignant la ville de Bouira à la RN.8 (Alger-Bousaâda) que fréquentaient les automobilistes locaux et surtout les tracteurs agricoles. L’aspect de la route commença à prendre une autre forme pendant les années chaudes du terrorisme sanguinaire lorsque la RN.8 était interdite à la circulation sur le tronçon de Tablat.

Le nombre de véhicules, lourds et légers, augmentait de jour en jour, particulièrement vers le Sud-est du pays (El Oued, Biskra, Touggourt, Hassi Messaoud).

Par la suite, ce sera la nouvelle conjoncture économique du pays qui allait donner à cette route une valeur d’axe stratégique. En effet, les carrières d’agrégat se sont multipliées ces dernières années dans les communes d’El Hachimia et Oued El Berdi à la faveur de l’explosion du secteur du bâtiment et des besoins en matériaux des chantiers de l’autoroute Est-Ouest.

Ce pôle minier a entraîné dans son sillage une immense flotte de camions gros tonnage qui a fini par compliquer davantage le flux de circulation. 24 heures sur 24, le CW.127 est soumis à un trafic insoutenable pour lequel la chaussée n’a pas été adaptée (aussi bien par sa largeur que par sa couche d’assise).

Les travaux d’aménagement dont ce tronçon a fait l’objet au cours de ces deux dernières années se limitent souvent à l’élargissement de la chaussée et à la réfection de la plate-forme bitumée, en plus de rares rectifications de tracés de certains virages dangereux.

Cependant, au vu du trafic continuel sur cette route départementale, qui est en train de ravir la vedette à la RN5, sa classification en route nationale s’avère une véritable urgence. Cela lui conférerait un statut à même de faire prendre en charge convenablement les contraintes et les pressions auxquelles elle fait face actuellement.

La présence de carrières d’agrégats dans le périmètre de la commune d’El Hachimia (dont les matériaux sont utilisés par les chantiers de l’autoroute Est-Ouest et le secteur du bâtiment) et l’approvisionnement en ciment à partir de l’ERCC de Sour El Ghozlane ont crée un mouvement frénétique de véhicules lourds H24.

La route, superficiellement revêtue, ne pouvait supporter un tonnage aussi important. C’est pourquoi, sur l’ensemble de la chaussée, de larges crevasses, des nids-de-poule, des morceaux complètement décapés parsemaient l’itinéraire de la route.

Ce chemin de wilaya, long de 32 km, a bénéficié de travaux d’aménagement de 2005 à 2007.

L’année dernière, l’APW a proposé d’élever le statut de certains chemins de wilaya en routes nationales- à savoir les CW n°127, 125 et 24. Ainsi, ce ‘’nerf’’ de l’économie locale et régionale que constitue le réseau routier commence sérieusement à être appréhendé en tant que véritable facteur de développement. Ce dernier, en s’insérant intelligemment dans la dynamique de l’économie nationale, apportera assurément une part non négligeable à la réhabilitation de certains territoires et contrées demeurés jusqu’ici enclavés ou, du moins, mal desservis.

Fluidifier la RN 5

Par ailleurs, les difficultés de circulation sur la route nationale n°5 sont devenues légendaires. Cet axe qui dessert tout l’Est algérien à partir d’Alger enregistrait jusqu’à la dernière réception, en août 2008, de certains morceaux d’autoroute, ses plus grands goulots d’étranglement au niveau de la wilaya de Bouira. En effet, les tronçons Aomar-Errich et El Esnam-Ahnif étaient devenus, par les encombrements qui les caractérisent et les accidents fréquents qui s’y produisent, la ‘’bête d’oire’’ des automobilistes, transporteurs publics et routiers. Le projet d’autoroute Est-Ouest destiné à régler définitivement cette situation est toujours à l’état de chantier d’une grande partie de son itinéraire (101 km sur le territoire de la wilaya). À la fin du mois d’août dernier, le tronçon sortie de Bouira-entrée de Bachloul a été ouvert à la circulation et inauguré par le ministre des Travaux publics. Mais, des tronçons très sensibles de ce grand ouvrage, conditionnant la fluidité de la circulation, demeurent toujours en chantier. C’est le cas de l’axe d’El Adjiba-Mansoura (wilaya de BBA) qui doit traverser le massif montagneux des Bibans. En attendant la livraison intégrale de l’autoroute, la RN 5 demeure le passage obligé des automobilistes et autres transporteurs. Excès de vitesse, dépassements dangereux et traversées d’agglomération sans précautions particulières sont les principales causes des accidents mortels par lesquels est devenue tristement célèbre cette route qui dessert presque la moitié du territoire national.

Pour échapper un tant soit peu à la situation intenable des embouteillages qui grèvent la région Est de Bouira, certains automobilistes empruntent, dès la sortie de Bechloul, le chemin de wilaya n°98 qui prend naissance à l’embranchement de Semmach, face à la digue du nouveau barrage de Tilesdit. Cette route, proposée à l’aménagement dans le cadre de la modernisation du réseau routier de la wilaya, longe l’Oued Sahel par la gauche et serpente, sur une quinzaine de kilomètres, à travers les oliveraies de la vallée relevant des communes d’El Adjiba et M’Chedallah. Cependant, l’état actuel de ce chemin ne le prédispose pas à accueillir un fort trafic ou, a fortiori, des véhicules lourds de gros tonnage. La largeur de la chaussée se révèle trop étroite pour ce genre d’activité, d’autant plus que sur plusieurs tronçons, la route est jonché de dos d’âne successifs.

Pour se rendre à M’Chedallah ou sur la route de la vallée de la Soummam (RN26), ce chemin de wilaya constitue un axe stratégique susceptible de soulager la RN5. Cette dernière serait alors utilisée principalement pour le trafic en direction des wilayas de l’Est (BBA, Sétif, Constantine). Pour jouer pleinement ce rôle- désengorger substantiellement la route nationale-, cette voie d’évitement requiert certains travaux comme l’élargissement de la chaussée, la réparation de certains nids-de-poule et autres excavations ainsi que la réduction du nombre de dos-d’âne qui devrait être contenu dans le strict minimum.

Outre les routes bitumées, le programme de désenclavement des zones rurales compte aussi des réseaux de pistes rurales inscrites dans les programmes sectoriels de la DSA et de la Conservation, dans le programme Hauts Plateaux, dans le cadre du Projet d’emploi rural (PER II) et dans le cadre des projets de proximité (PPDRI).

Un nouvel axe Nord-Sud

Il en est de même du CW 24 longtemps laissé à l’abandon et boudé par les automobilistes malgré son caractère stratégique. En effet, cet axe relie le nord et le sud de la wilaya sur son flanc Est. À partir de la RN5- et de la portion d’autoroute qui y prend place-, il joint Bachloul à Sidi Aïssa (wilaya de M’Sila) en passant par les communes d’Ath Laqsar, Ath Rached, Mesdour, Bordj Okhriss, Taguedite et Hadjra Zerga. Autant dire, il relie la vallée supérieure de la Soummam aux Hauts Plateaux du Centre. Vu l’importance régionale des marchés de Sidi Aïssa et Aïn Lahdjel et l’ouverture sur la nouvelle autoroute, la prise en charge de ce chemin de wilaya est d’une importance capitale. Les travaux d’aménagement ont atteint leur vitesse de croisière sur certains tronçons (comme celui de Taguedite) et ne sont pas encore entamés sur les autres tronçons. Son éventuelle classification en route nationale lui insufflera sans aucun doute une nouvelle dynamique bien nécessaire à l’économie locale et régionale.

Il y lieu de rappeler que le CW 20, reliant Mesdour à Dechmia sur environ 66 km, a subi des travaux d’aménagement au cours des deux dernières années sur le tronçon allant de Sour El Ghozlane à Bordj Okhriss. Un nouvel ouvrage d’art enjambant l’oued Ghomara a été aussi réalisé pour remplacer l’ancien pont trop exigu.

Le CW 125, reliant la RN5 à la plaine des Aribs (Aïn Bessem) est supposé, s’il arrive à être classé route nationale, à faire une intéressante jonction entre l’autoroute Est-Ouest et les deux routes nationales qui annoncent les Hauts Plateaux (RN 8 et RN 18) en passant par les monts de Métenane.

Le chemin de wilaya 97, reliant Aïn Bessem à Hammam Ksenna sur 34 km, fait lui aussi l’objet de travaux d’aménagement. Après les travaux de décapage et d’élargissement de la chaussée réalisés depuis plusieurs mois, l’opération de bitumage a commencé au cours de cette semaine. Cet ouvrage est d’une importance capitale lorsqu’on se rappelle le projet d’aménagement de la station thermale de Hammam Ksenna actuellement en phase de réalisation. Le CW 97 sera, sous peu, la route des touristes et visiteurs qui auront pour destination la station thermale, comme elle demeurera pour quelques années encore la route de débardage des matériaux issus des carrières d’agrégats implantés dans le périmètre de Hammam Ksenna.

Signalons, enfin, qu’une partie des aménagements de routes prévus au sud de la wilaya est financée sur le programme des Hauts Plateaux mis en branle à partir de l’année 2006. Ce même programme inclut les aménagements de pistes rurales et forestières sur une longueur de 300 km ainsi que l’ouverture de 30 km de nouvelles pistes ayant la même vocation.

Une ‘’révolution hydraulique’’ d’envergure régionale

Pour apprécier le degré de développement du secteur de l’hydraulique à Bouira, il y a lieu de prendre acte du volume d’eau mobilisée par les trois ouvrages de la wilaya, soit près de 840 millions de mètres cubes. Alors que, jusqu’en 2005, le territoire de la wilaya ne comptait qu’un seul petit barrage de 30 millions de m3 (barrage de l’Oued Lakhal à Aïn Bessem opérationnel depuis 1984), les réservoirs des barrages de Tilesdit et Koudiat Acerdoune élèvent désormais la wilaya de Bouira à la deuxième place en matière de mobilisation des eaux. Le vœu et les aspirations des populations et des agriculteurs de la wilaya de Bouira en matière de mobilisation des ressources en eau (en surface et en profondeur) trouvent ainsi leur prolongement sur le terrain. Réputée comme région à climat continental à la porte des Hauts Plateaux du centre du pays, la wilaya de Bouira est, effectivement, caractérisée par la semi-aridité qui affecte la majeure partie de son territoire. La moyenne des précipitations annuelles sur la dépression centrale tourne autour de 500 à 600 mm. Cependant, vu la vastitude du territoire et des bassins versants des cours d’eau, les volumes d’eau qui se déversent dans les talwegs sont considérables. Et c’est pourquoi, la nouvelle politique de construction de barrages et de retenues collinaires, mise en œuvre depuis la fin des années 90, vient à point nommé pour mobiliser toutes les potentialités hydriques qu’elles soient superficielles ou souterraines. Après des années, voire des décennies passées dans la pénurie du liquide précieux, les villes et villages de Bouira seront desservis, dans un proche avenir, d’une manière régulière, de même que de nouveaux périmètres irrigués verront le jour. Cela permettra au secteur agricole de se redéployer sur de nouvelles activités dans le cadre de la polyculture rendue possible par la présence de l’eau. Car, comme le reconnaissent ici les fellahs et des cadres agricoles, la vocation céréalière de la wilaya est mal assumée en raison de déficiences claires dans la gestion technique et en raison aussi des aléas et incertitudes qui pèsent sur le foncier agricole (les meilleures terres appartenant à des EAC où les nouveaux investissements sont maigres, pour ne pas dire nuls).

Les trois barrages hydrauliques situés sur le territoire de la wilaya -une fois réceptionné celui de Koudiat Acerdoune dans la daïra de Lakhdaria- cumuleront quelque 837 millions de mètres cubes, ce qui dépasse largement les besoins locaux. A cela, vont s’ajouter les volumes d’eau des retenues collinaires dont l’estimation donne 4,5 millions de mètres cubes.

Le plus grand barrage du Centre du pays, Koudiat Acerdoune, a une capacité de 640 millions de mètres cubes et ses travaux marquent un avancement appréciable. De par sa position géographique, dans le cœur du moyen Isser, cet ouvrage fournira de l’eau pour cinq wilayas : Bouira, Médéa, Alger, Boumerdès et Tizi Ouzou pour des besoins en eau potable et d’irrigation.

Le seul problème qui pourrait se poser pour de tels ouvrages est bien entendu leur entretien du fait que les risques d’envasement à moyen et à long terme ne sont pas exclus. Les bassins versants de ces barrages ont déjà fait l’objet d’une attention soutenue des services des forêts de la wilaya de Bouira puisque des travaux de stabilisation des terres y ont été initiés (corrections torrentielles, reboisements et autres plantations fruitières,…). Mieux, l’ANBT (Agence nationale des barrages et transferts) a commandé une étude, en voie de finalisation, auprès du bureau canadien TECSUT pour faire le diagnostic du terrain du bassin versant de Koudiat Acerdoune et dégager ainsi une méthodologie et des actions concrètes pour sa protection.

Pour des besoins localisés ciblant des bourgades ou communes rurales, une politique d’exploitation des ressources hydrauliques locales a été initiée ces dernières années.

Cela s’est traduit par la réalisation de forages, de puits de moyenne profondeur, de points d’eau issus de captages de sources, de diguettes le long des cours d’eau et de bassins d’accumulation approvisionnés à partir des forages. Une grande partie de ces ouvrages et équipements est prise en charge par des subventions et soutiens des fonds publics tels que les PSD, le FNRDA, le PSRE, PPDR et le PER II.

De nouveaux apports

Dans le cadre de la mobilisation des ressources hydriques de surface, la wilaya de Bouira vient de bénéficier également d’un programme de construction de cinq retenues collinaires sur le territoire du sud. En effet, le projet d’Emploi Rural (PER II), initié par la Conservation des Forêts depuis 2005, comporte dans sa nomenclature deux ouvrages de ce genre répartis sur les communes de Dirah (site de Lalouah) et Taguedite (site de Kherachiche). Le terrain d’assiette de ce dernier est en négociation avec les exploitants agricoles pour qu’ils cèdent leurs parcelles au profit de la retenue. Le programme des Hauts Plateaux compte lui aussi dans son portefeuille des actions la construction de trois retenues collinaires dans les communes de Ridane (site de oued Ridane), Maâmora (site de oued H’maïmia) et Dirah (site de oued Chieb) dont le maître de l’ouvrage est la direction de l’Hydraulique de la wilaya. Les cinq nouveaux ouvrages sont à la phase des études et leur réalisation débutera probablement vers la fin 2008 ou au début 2009. En tout cas, les cinq unités seront d’un apport important (plus de 400 000 m3) pour ces territoires naguère connus pour leur déficit en mobilisation de l’eau. L’utilisation de l’eau sera orientée aussi bien vers la consommation domestique que pour l’abreuvement du cheptel ovin- qui fait la notoriété de la région- et l’irrigation des nouvelles parcelles arboricoles créées dans le cadre des programmes de soutien aux zones rurales. Eu égard au caractère traditionnellement pastoral des habitants de la région sud de la wilaya de Bouira, l’abreuvement du cheptel ovin a toujours constitué un enjeu de taille dans le développement du secteur de l’élevage. C’est pourquoi, tous les ouvrages hydrauliques réalisés dans la région, de même que les équipements et infrastructures de dérivation et de mobilisation des eaux, concourent à cet objectif. Sur le plan géomorphologique, le relief de la zone, fait de douces collines et de vallons plus ou moins serrés, se prête aisément à ce genre d’ouvrages.

Actuellement, le seul bassin versant qui continue à répandre ses eaux dans la nature c’est le bassin du Hodna qui ceinture la wilaya de Bouira par le sud. Les eaux des monts Dirah, Taguedite, Meghnine, El Ktef se déversent dans une dépression au niveau de la banlieue sud de la ville de M’sila, le Chott El Hodna. Les populations et les autorités locales des communes concernées ont toujours souhaité une retenue collinaire à Kherachiche, sur le Haut Tarfa (Taguedite) et un barrage sur le M’Hezzem (à la frontière avec la wilaya de M’sila). Dans ces régions pré-steppiques, l’eau constitue un élément vital pour l’activité agro-pastorale bien ancrée dans les traditions économiques locales. La sédentarisation des populations semi-nomades en dépend amplement.

Amar Naït Messaoud

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