Un plan d’urgence pour défendre les biens culturels

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Au contraire, elle essaye de sensibiliser l’opinion et surtout les autres partenaires de l’administration (services de sécurités, APC, wilayas,…) pour apporter leur contribution à la protection des pans entiers de la mémoire du peuple algérien et de ses valeurs culturelles ancestrales.

Dans un domaine aussi sensible de la vie de la Collectivité nationale, où la symbolique et le poids de l’Histoire jouent un rôle prépondérant, la sensibilisation permanente et à tous les niveaux des institutions du pays demeure incontestablement la meilleure arme pour protéger et promouvoir ce précieux legs de l’histoire nationale millénaire.

C’est assurément une légitime fierté pour le ministère de la Culture d’avoir pu récupérer, en 2007, la statue de Marc Aurèle, empereur et philosophe romain qui a marqué de son empreinte la Méditerranée au début de notre ère. Un mois du patrimoine, période pendant laquelle s’organisent journées d’études et campagnes de sensibilisation autour du précieux legs, matériel et immatériel, laissé par les générations qui nous ont précédés et dont l’âge peut remonter jusqu’à…l’âge de pierre, ne suffit guère pour vulgariser notre patrimoine culturel et sensibiliser les citoyens à son importance. A plusieurs reprises, des spécialistes, des médias et des responsables chargés du secteur ont tiré la sonnette d’alarme sur le sort réservé à certaines pièces culturelles ou historiques, mémoire supposée indélébile du peuple algérien. Le phénomène du vol de pièces archéologiques et de musée a pris une ampleur inquiétante au cours des quatre dernières années. Il ne se passe pas un mois sans que la presse ne fasse état de vol, pillage, vandalisme, concernant le patrimoine culturel et historique de notre pays.

Ce nouveau phénomène de vandalisme particulier nous jette à la figure l’étendue de notre impuissance et notre inconscience face à ce qui prend l’allure d’une forfaiture nationale commise à l’endroit de la mémoire et de l’histoire du peuple algérien.

Certes, nous avons cette fluette consolation d’être informés par la presse ; mais, c’est pour mieux culpabiliser, sans grand résultat, les autorités chargées de la protection d’un patrimoine deux fois millénaire éparpillé aux quatre coins du pays. Y a-t-il façon plus pernicieuse de tuer le sentiment d’appartenance à un pays, à une culture, à une civilisation ? Y a-t-il manière plus avilissante de jeter la jeunesse algérienne dans le giron du nihilisme et dans les bras de l’intégrisme en leur faisant perdre les repères les mieux établis historiquement? On viendra ensuite se plaindre du complexe des Algériens vis-à-vis de l’étranger et du sentiment de la haine de soi qui ont mené, conjointement avec le manque de perspectives professionnelles, au suicide et à la ‘’harga’’ !

Sécuriser les sites et mettre à contribution l’école

Même s’ils sont nécessaires, les efforts du ministère de la Culture de mettre à contribution les services de sécurité dans la protection du patrimoine historique et culturel ne sont manifestement pas suffisants. Il s’agit d’abord de sécuriser les structures (musées, parcs, écomusées,…) chargées de la préservation des pièces archéologiques par un système de vigilance permanente. Des inspections et des audits réguliers doivent accompagner la gestion du patrimoine. Sur les grandes aires où reposent des centaines, voire des milliers, de pièces archéologiques à ciel ouvert (Parc national du Hoggar-Tassili, site archéologique de Brizina, au sud d’El Bayadh, les Djeddars de Tiaret, les sites de Aïn Sefra,…) ou dans les villes antiques comme Timgad, Tipasa ou Djemila, l’action des pouvoirs publics est plus que sollicitée. Elle est le seul moyen qui puisse arrêter la saignée de la mémoire collective des Algériens et qui, hélas, commence à être bradée en lambeaux sur les marchés de brocante d’Europe ou dans les magasins des antiquités.

Reste la grande œuvre de faire sentir aux enfants d’Algérie le caractère quasi sacré du patrimoine historique du pays, qu’il soit matériel ou immatériel, et l’absolue nécessité de la sauvegarder et de le promouvoir. Cette dernière action suppose une autre ‘’industrie’’, une autre intelligence nationale qui a pour nom le tourisme. Les sites historiques et les pièces culturelles sont considérées, dans cette optique, la ‘’matière première’’ du secteur touristique. Sur ce plan aussi, notre pays accuse un immense retard pour mettre en valeur ces lieux, les rendre accessibles par l’installation des routes, de l’énergie et d’autres équipements spécifiques, et préserver l’équilibre et l’harmonie de l’environnement qui font l’authenticité et l’originalité de ces sites. Et c’est là qu’intervient aussi le souci du ministère de la Culture de faire participer les services de sécurité à la protection des pièces culturelles contre le vol et le pillage.

Le tonneau des Danaïdes

L’indignation, par ailleurs très médiatisée en son temps (2006), de Mme la ministre de la Culture face à ce qui se révéla être un massacre commis par les autorités locales sur le tombeau du roi Massinissa à Constantine est certainement allée droit au cœur de tous ceux qui sont attachés à l’histoire de la nation et particulièrement à la mémoire du premier fondateur de l’État algérien sous le nom de Numidie. Mais leur satisfaction devant une telle réaction et leur désir de réparation auraient été mieux servis si des sanctions avaient été prises contre les auteurs de tels actes.

Mme la ministre s’est toujours montrée d’un bel optimisme face aux divers projets managés par son ministère : restauration et mise en valeur du patrimoine culturel, création de d’annexes régionales pour la Bibliothèque nationale et mise en place de dizaines de bibliothèques, réalisation de théâtres, de musées et de maisons de la culture, y compris dans le programme des Hauts Plateaux, …etc. Dans un climat de désert culturel comme celui dans lequel évolue actuellement la jeunesse algérienne et dans l’ambiance stérile où baigne l’école publique- qui n’arrive à former ni de passionnés lecteurs ni d’invétérés mélomanes ni des mordus du cinéma et du théâtre-, on ne peut franchement se gargariser d’avoir un personnel formé pour diriger et animer ces grandes infrastructures ni un public averti et assidu au point d’en faire sa ‘’seconde résidence’’.

La relation dialectique entre la culture et l’éducation ne peut être éludée lorsqu’il s’agit d’investir dans un domaine aussi noble et aussi stratégique que la culture.  » Former le lectorat de demain avec l’ouverture des établissements scolaires sur le monde des bibliothèque « , comme le souhaitait, dans un passage à la radio, Mme Toumi, requiert d’immenses efforts à consentir dans les écoles-mêmes. Et c’est précisément le rôle du ministère de l’Éducation d’inculquer, par des programmes appropriés et une pédagogie moderne dégagée des scories idéologiques qui grèvent encore nos établissements, le goût de la lecture, le sens de l’esthétique, l’amour des beaux-arts, de l’histoire et de la musique. Tant que ce segment- maillon faible ou fort selon l’intérêt qu’on lui porte- n’est pas sérieusement pris en considération, tous les efforts du ministère de la culture et de ses démembrements risqueraient de demeurer vains.

Sur un autre plan, l’on ne peut que se réjouir des contributions et aides d’organisations internationales à la promotion et à la protection de nos sites culturels ou historiques, comme cette contribution dotée d’un montant de 10 millions de dollars et de huit véhicules tout-terrain apportée par le PNUD à la réhabilitation et au renforcement des structures des Parcs du Tassili et de l’Ahaggar. Classés patrimoine universel par l’UNESCO en 1982, et réserve de l’homme et de la biodiversité, ces deux musées à ciel ouvert témoignent d’une algérianité préhistorique, relayée et prolongée par l’État numide unifié par Massinissa deux siècles avant la naissance du Christ.

Amar Naït Messaoud

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