Les livres et le fisc

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J’ai foiré. La phrase n’est évidement pas ce que Barack Obama a trouvé de mieux au cours de sa carrière mais l’histoire des Etats-Unis la retiendra à coup sûr. Pour deux raisons au moins, cet aveu pas très doux restera dans les annales. La première est directement liée à son sujet, un fait assez rare : coup sur coup, deux ministres choisis par le président américain à l’orée de son arrivée à la Maison Blanche sont contraints de rendre le tablier avant même de prendre leurs fonctions. La raison ? Leurs rapports pas très nets avec le fisc, ce qui, aux Etats-Unis, ne pardonne pas. Ils ont régularisé leurs arrièrés d’impôts, mais cela est insuffisant pour faire partie de l’administration du président de la rupture historique. A méditer.

La deuxième raison qui a fait que la petite phrase ait eu autant de retentissement est sa spontanéité. “J’ai fait une bourde, pardonnez-moi. Maintenant on passe à autre chose.” Les Américains savent maintenant à qu’ils ont affaire sur le terrain. Un président qui peut se tromper et le reconnaître. Sur le terrain justement, Barack Obama a quelques difficultés. Le Sénat qui tient à sa réputation de contre-pouvoir tenace et qui ne se laisse pas aller dans la direction du vent. Le plan de relance de huit cents milliards de dollars proposé par Obama fait figure de première décision majeure et sera un vrai test pour lui. L’enjeu est de taille pour une superpuissance frappée de plein fouet par une crise mondiale dont elle est l’épicentre. Le Sénat tarde donc à donner son quitus pour un plan pourtant incontournable. Paradoxalement, ce ne sont pas les Républicains de cette institution qui posent le plus de problèmes à l’adoption du plan de relance, mais les sénateurs de sa propre famille politique qui multiplient les amendements au point de pousser Obama au langage de la fermeté. Et à mobiliser sa propre… épouse, Michelle, qui, parait-il, a une force de persuasion peu commune, pour amadouer des sénateurs trop exigeants. En France, Nicolas Sarkozy ne sait pas encore s’il a fait une bourde en nommant Bernard Kouchner aux affaires étrangères et il n’a pas dit “j’ai foiré”, mais “je ne vais pas renoncer à un homme qui a toute ma confiance à cause d’un livre qui l’accuse sans preuve.” Mis en cause dans un livre du journaliste Philippe Pean pour des affaires de consulting qu’il aurait traitées avec des dictateurs africains en utilisant son statut de ministre, le “French Doctor” s’est défendu comme il a pu, mais l’affaire est loin d’être close, même si l’auteur lui-même précise qu’il n’y a là rien d’illégal. En attendant la suite, Bernard Kouchner s’est envolé à Washington où son homologue Hillary Clinton qui venait de découvrir les déboires de son invité dans le Washington Post l’a tout de suite mis à l’aise : “C’est le premier livre qui te met en cause ? Ne-t’en fais pas, pour moi, il y en a eu vingt-cinq !” Avant de “passer aux choses sérieuses.” Pendant que les deux ministres se concertaient sur la Palestine, Obama continuait à convaincre le Sénat sur son plan de relance et Sarkozy à faire face à un front social particulièrement bouillonnant Les livres, ce n’est jamais très sérieux, le fisc si.

S. L.

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