»Elmachina » ou promenade vers une modernisation théâtrale

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La troupe El gosto Théâtre a joué magistralement, les 16 et 17 février dernier, au Palais de la culture, dans sa pièce  » El Machina « , adaptée de « Zenouba », le 3e tableau des Dires (lagoual) d’Abdelkader Alloula. Le dramaturge Ziani Chérif Ayad a veillé pour que sa création ait une nouvelle représentation, après son succès obtenu en 2007, au sein du Théâtre national Mahieddine-Bachtarzi.

Le train de Ziani est celui qui voyage dans le temps, pendant plus d’une heure, il a fait revenir le public 15 ans en arrière, pour partager le voyage de Zenouba, la fille de douze ans, atteinte d’une maladie incurable, elle part pour passer ses vacances chez son oncle Djilali en niant sa maladie, c’est la fille de Bouziane le veilleur, qui tente de dédramatiser la situation de chaque passager, en tant que magicienne. Chaque voyageur dans le train, porte en lui son lot de misère, d’ailleurs leur seul point commun dans ce train est qu’ils sont tous des fugitifs d’une réalité blessante, le voyage était un enchaînement de petites histoires, il est guidé par la voix du meddah, sa voix s’entrecroise et s’emmêle au fil de la narration des trois comédiens. C’est ainsi que l’histoire d’une jeune fille est relaté, celle-ci abandonne ses études suite aux provocations de son enseignant qui l’oblige à mettre le foulard, ainsi que son frère qui l’a contrainte à épouser un homme dont elle n’en veut pas. Elle finit donc par fuir l’enfer qu’elle vit dans sa société… dont une autre femme parmi les passagers, se retrouve dans le même cas, son mari met un terme à leur relation pour avoir osé assister à la fête de sa voisine. Même un berger qui semble mener une vie tranquille s’est retrouvé en face des menaces terroristes qui lui enlèvent chaque mois les meilleurs moutons,comme manière de contribuer au « jihade » des islamistes,mais il préfère tout abandonné, dans l’espoir de retrouver une vie tranquille…,d’autres histoires sont abordées telle la triste histoire des crimes de Bentalha et d’autres crimes terroristes…

Ce sont toutes des petites histoires originales d’une décennie noire, elles dénoncent dans leur ensemble, une tragédie nationale qui a jeté tant de gens sur la route…, cette décennie était bien jalonnée en terme d’insécurité, de peur, et de tristesse…, il est à signaler que le metteur en scène a présenté le concept de tragédie dans sa dimension large, débutant par celle de la société et cheminant vers celle de crimes terroriste pendant la période d’une mauvaise gouvernance…

Le dramaturge Ziani à travers ses retouches sur le répertoire d’Abdelkader Alloula, a fait apparaître le côté esthétique de l’œuvre « Dires », lui-même était victime de cette tragédie qui interdisait les créations artistiques. Révolté, Ziani a enveloppé les « Dires » de Alloula d’une représentation moderne, « ce n’est pas un caprice, si j’ai choisi de mettre mes comédiens au milieu de public » avait-il affirmé, avant le début de sa pièce, c’est une nouvelle architecture pour la planche théâtrale”, Ziani a bien voulu répartir le public pour que ses comédiens soient bien entourés, dans la mesure où la création est libre, d’ailleurs, ce plan a donné une nouvelle saveur pour la pièce et nous a mis dans une atmosphère d’un lieu public …

« L’étoile et la comète » de Kateb Yacine est le prochain rendez-vous de Ziani Chérif Ayad :

La réflexion de Kateb Yacine et sa vision du monde seront également mis en exergue dans le nouveau projet de Ziani Chérif Ayad, qui nous donne rendez-vous pour les 2 et 3 juin prochains au Palais de la culture qui d’après lui l’Etoile et le comète est à la fois la troupe, l’auteur, et moi-même… « .

Yasmine Ayadi

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