Ah les Dom Tom !

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Le malaise est sûrement plus profond que ce que veut bien laisser voir une colère sociale. Dans cette révolte des départements d’outre-mer français comme dans toutes les colères passées, il est difficilement imaginable que l’histoire de ces contrées, si lointaines et si différentes de la Métropole, ne remonte pas à la surface. “ L’intégration” est peut-être irréversible, l’indépendance sans partisans sérieux. Mais on ne vient pas aussi facilement et aussi rapidement à bout d’un rejet colonial, médiocre dans sa conception, injuste et violent dans sa mise en place. La volonté politique des deux côtés de “ tourner la page” est sûrement évidente et il n’y a plus grand-monde à envisager d’autres rapports que ceux consacrés par le temps et ses mutations. Tout n’est pas réglé pour autant dans cet apaisement consensuel. La Guadeloupe et la Martinique n’étant pas tout à fait la France, elles ne se sont pas développées au même rythme. Si la représentation politique est essentiellement d’origine autochtone, le pouvoir économique vient du Continent et les espaces de prospérité sont loin d’être intégres. Si ces territoires peuvent “ s’enorgueillir” de vivre par prolongement les mêmes problèmes que ceux de la France continentale, elles ne peuvent pas par contre prétendre aux mêmes privilèges sociaux. Ce n’est peut-être pas un hasard si la crise des “Dom Tom” intervient simultanément avec un front social français en ébulition. L’Hexagone généralise bien ses difficultés, même quand elles résultent en partie de la crise mondiale mais peine encore à convaincre ses lointains citoyens qu’il leur porte la même attention en temps normal. Alors, les “dérapages politiques” en Guadeloupe n’auront finalement surpris que ceux qui veulent bien être surpris. La gauche, le parti socialiste particulièrement en quête de terrain ne s’est pas gêné de tirer les ficelles en poussant au pourrissement, mais les insulaires ne manquent pas par ailleurs de raisons de se révolter. En tous cas plus que les Français du Continent qui ne sont pourtant pas très contents de leur sort en ce moment. Ce n’est pas dans toutes les contestations sociales qu’on en arrive à 102 revendications, c’est pourtant ce qu’ont mis les représentants locaux sur la table des négociations avec Ives Jego, le secrétaire d’Etat chargé d’Outremer, dépêché sur place. Il y a sûrement de la surenchère quelque part mais près de 13 % de la population vivaient sous le seuil de pauvreté, 35 % de chômeurs chez les jeunes et 10% de “R’mistes”, ça ne s’invente pas. Ajouter à tout ça “ l’héritage d’une économie de comptoir”. C’est M. Jego lui-même qui le dit, et une crise “existentielle” et le cocktail est au point pour l’explosion. Besancenot le leader de l’extrême-gauche n’aura pas son Mai 68 mais la raison est beaucoup plus simple qu’il n’y parait : il est né en 1974 !

S. L

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