Amager n Tefsut

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Le rite de la célébration n Tefsut- le printemps, varie d’une région à une autre. A part quelques endroits, la tradition de la célébration de la saison des fleurs qui marque une nouvelle étape dans le cycle naturel, se perd malheureusement peu à peu. Tôt le matin, les enfants de tous âges, sortent le premier jour du printemps, dans la nature en guise de bienvenue pour se rouler bruyamment et gaiement dans l’herbe fraîche et chanter en chœur à la gloire des divinités de la nature : ad nmager tafsut, ad neglilez tafsut… (Bienvenue printemps, nous roulons dans l’herbe pour toi printemps !) Leurs parents les avaient soigneusement préparés pour la circonstance, un petit panier bien rempli de friandises : œufs durs, gâteaux… pour chaque enfant. Une fois ce rite observé, tous les enfants se partagent leurs friandises et se régalent joyeusement sous le regard attentif et amusé des parents. Certaines familles ne ratent pas l’occasion pour sortir dans les prés et les champs verdoyants pour improviser des pique-niques.

Cette tradition se pratique depuis toujours pour consolider et renforcer la communion qui existe entre l’homme et la nature. C’est une pratique qui serait venue des temps lointains où les Imazighens pratiquaient encore le paganisme. Aujourd’hui, force est de constater, à regret, que cette pratique perd peu à peu son sens dans de nombreuses régions de la Berbérie sous les coups de boutoir des nouveaux prophètes qui ont ouvertement déclaré la guerre à toutes nos valeurs et traditions qui composent notre identité millénaire.

Imazighens célèbrent ce jour en guise de bienvenue à la saison douce. Avec l’entrée du printemps, la nature, l’homme et les bêtes sortent des rigueurs et des affres de l’hiver pour ouvrir la vie sur un nouveau cycle, plus clément et plus accueillant. C’est aussi la fin de la cueillette des olives dans plusieurs régions de Kabylie. Certains végétaux éclosent déjà à nouveau ; la terre se couvre d’un tapis floral bariolé, la chaleur du soleil féconde les graines cachées dans le sous-sol gorgé d’eau, les sources coulent à plein régime et les nappes phréatiques sont renouvelées. Bref, tout est mis en place par Dame Nature pour affronter dans la sérénité la saison chaude, celle qui est redoutée par tous. Il est de notoriété publique que le printemps est la saison des joies et des (re)naissances. Aussi, célèbre-t-on ce premier jour de façon festive. Le soir même, chaque famille se rassemble autour d’un dîner particulier, appelé communément Imensi n tefsut. C’est un moment de retrouvaille, de joie, de communion et de convivialité qui permet aux membres d’une ou de plusieurs familles de se réconcilier, de renforcer les liens de parenté et de solidarité. Les villageois sacrifient, à l’occasion des coqs fermiers, des poulardes pour agrémenter l’incontournable couscous aux fèves (Seksu n ubiser). Dans la région de Bgayet jusqu’à Ighil Ali, dans les Bibans où la tradition est encore très vivace, le couscous du printemps est particulier. A Béjaia, il est fait à base d’une plante sauvage appelée aderyes, de sept (07- chiffre mythique) légumes et de la viande séchée (acedluh). D’ailleurs, une fois ce repas est consommé, on chante : seksu d uderyes, aman ur ntess – Ne pas boire après le manger ! Pour une bonne digestion, il n’est pas recommandé de boire juste après ce repas à la saveur unique même s’il n’a pas de caractère rituel.

Djamal Arezki

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