Ces fruits interdits de la mer

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En participant, au début des années 1980, à une thèse sur la pisciculture dans l’embouchure de la Tafna à Beni Saf, j’ai pris conscience du retard que notre pays a accumulé dans ce domaine précis d’élevage et de pêche de poissons en eau douce comme dans les eaux marines. Sur une période de trente ans après l’Indépendance, le pays a carrément tourné le dos à la mer. La valorisation des 1200 kilomètres de côtes n’a jamais été une préoccupation majeure des pouvoirs publics lorsque l’économie du pays était engluée dans les subventions et les soutiens permis par la rente. Moins de 200 000 tonnes/an de production de poissons pour un pays qui a des potentialités qui auraient pu le faire rivaliser avec même certains pays d’Europe ! Le fait est que nos techniciens en la matière ont pu prêter une précieuse assistance à la Mauritanie pendant des années, ce qui a relevé considérablement la production de ce pays membre de l’Union maghrébine. Les concessions que l’Algérie a offertes à certaines entreprises étrangères pour pêcher dans les eaux territoriales algériennes n’ont pas eu d’impact pratique sur le consommateur algérien qui reluque aujourd’hui la pauvre sardine à 250 ou même 300 dinars.

On ne sait comment apprécier les efforts du ministère de tutelle lesquels, pourtant, en termes financiers, sont importants. Les ressources halieutiques ont eu leurs élèves formés au Japon, un matériel d’exploration et d’exploitation dernier cri et des barques distribuées, dans le cadre du micro-crédit, aux petits pêcheurs. L’ironie du sort a voulu que certaines de ces petites unités aient servi d’esquifs aux ‘’harragas’’ qui ont su mettre les pieds à Lampedusa ou Almeria avec le ‘’soutien’’ de l’État. Les pouvoirs publics ont également validés ces derniers temps certains projets aquacoles qui pourraient, si les investissements ne sont pas bloqués par les classiques impondérables de la bureaucratie et des financements, apporter un plus à la production de poissons. Le problème de la production de poissons ne se limite pas à celui de l’exploitation en mer ou de l’élevage dans des sites artificiels. Il va au-delà et il se pose aussi en termes de transformation, de transport de conditionnement et de commercialisation ; toute une chaîne logistique à laquelle doit se conformer le produit de cette activité. En effet, en dehors des villes côtières traditionnellement connues dans l’activité poissonnière et de pêche, peu de villes disposent de moyens et d’infrastructures de vente et de stockage à tel point que de la sardine pourrie est cédée aux consommateurs sous la chaleur de juillet dans des coins reculés du pays (Naâma, Djelfa,…). Les dérèglements des prix –un doux euphémisme pour signifier une hausse vertigineuse– de certains produits agricoles depuis presque deux ans ont, un certain moment, fait braquer les regards des Algériens vers les fruits de mer. Ils sont tombés de Charybde en Scylla face à un marché du poisson que ne peuvent aborder que les familles aisées. Il est temps que, dans le cadre de la stratégie du gouvernement tendant à assurer la sécurité alimentaire des Algériens, le secteur de pêche –avec toutes ses variantes d’exploitation et/ou d’élevage– retrouve sa place dans l’économie du pays et que, de la même façon, la ration alimentaire de l’Algérien soit enrichie, variée et équilibrée.

On n’insistera jamais assez sur le secteur de l’agroalimentaire en tant qu’élément cardinal de toute politique de valorisation des produits de pêche. C’est d’après les performances de ce segment que peuvent être envisagées une politique hardie d’exportation et une régulation satisfaisante du marché local.

Amar Naït Messaoud

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