Des mécanismes économiques non encore huilés

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Sur les bordures des routes d’Aix-en-Provence et du Roussillon, j’ai rencontré les mêmes décors de vendeurs de l’huile d’olive que ceux qui officient sur les routes de Kabylie, abrités dans des huttes de fortune sous la chaleur de juin. Tenez-vous bien : ils vendent de l’huile provenant du Midi- Méditerranée (sud de la France et Corse) et même de l’huile d’olive de Kabylie estampillée d’une façon très approximative à Guenzet, Azazga ou M’Chedallah.

On ignore presque tout de la manière dont s’est effectuée la transaction pour que ce précieux liquide vienne des confins du Djurdjura pour atterrir sur la rive Nord de la Méditerranéenne. A-t-on enrôlé les Européens dans nos pratiques de l’économie informelle ? Il y a tout lieu de le penser. Ces bouteilles d’un vert luisant reposent sur des tables à claire-voie à côté des figues sèches et des dattes d’Algérie.

Une autre anecdote qui prend valeur de véritable phénomène économique est cette initiative d’un courtier tunisien qui, il y a trois ans, a acheté tout le surplus d’huile d’olive de la haute vallée de la Soummam (M’chedallah- Tazmalt) après la saison de pressage. On saura, par des voies non officielles, qu’il a distribué son produit (trophée?) à deux ou trois conditionneurs de la banlieue de Tunis pour en faire un produit propre à l’exportation. Il en fut ainsi et l’huile de la Soummam se trouvera en Italie, en France et même dans des pays lointains sous un label étranger. Qu’est-ce qui fait que les vrais producteurs algériens n’arrivent pas à se placer sur le marché européen ou américain avec les mêmes facilités ou atouts que certains négociants de pays voisins ?

Les ravages de l’économie rentière n’ont pas encore cessé de produire leurs travers dans les structures et les mentalités algériennes. L’état d’abandon dans lequel se trouvait l’agriculture jusqu’aux derniers sursauts des pouvoirs publics n’a d’égal que la situation d’assistanat dans lequel étaient englués les producteurs potentiels et les populations de façon générale, état qui réclamait du même coup docilité et soumission politique.

Les récentes augmentations des prix de plusieurs produits agricoles – dérèglements matérialisés par une hausse débridée du prix d’achat en gros et en détail – ne sont pas sans soulever moult interrogations sur la politique agricole du pays et sur la stratégie de développement rural mise en œuvre par les pouvoirs publics depuis quelques années. La dislocation de l’espace rural, qui compte 13 millions de personnes, avec son lot de misère et d’exode vers les villes, a été au menu de plusieurs réunions du gouvernement et des walis. Les dernier plan réservé à ce secteur stratégique est celui ayant l’intitulé ‘’Renouveau agricole et renouveau rural’’.

En 2006, le taux de soutien apporté à l’agriculture représentait 4% du PIB. Le taux maximum enregistré était de 9%. Mais, fait-on observer, au niveau des pays de l’OCDE, ce taux représente 45%. L’agriculture dans notre pays représente à l’heure actuelle quelque 9% du PIB et utilise 25% de la main-d’œuvre. Les statistiques de la production agricole indiquent que, pour certains produits, l’Algérie a atteint l’autosuffisance.. L’étape suivante que compte franchir le département de Rachid Benaïssa est la labellisation de certains produits pour lesquels l’Algérie a montré une certaine maîtrise. Ainsi, en est-il de l’huile d’olive, du miel et de la datte Deglet Nour. Cette maîtrise est toute relative, il faut l’avouer. Pour ce qui est spécialement de l’huile d’olive, le savoir-faire de nos ancêtres, le labeur de nos parents et la mythique passion que les populations vouent à cette culture n’ont malheureusement pas été suivis d’une gestion moderne qui suppose la prise en charge réelle du produit par des actions de marketing, d’emballage adéquat et de politique de soutien en direction des producteurs pour les orienter vers l’exportation.

L’on ne peut parler de l’exportation sans aborder le sujet crucial du marketing et du design. À ce propos, l’ancien ministre de l’Agriculture, Saïd Barkat, dira crûment : « Nous ne savons ni vendre ni acheter. Notre point faible se situe principalement dans le conditionnement et l’emballage. » Il fera aussi état de la responsabilité de nos ambassades et des chambres de l’agriculture dans le déficit de la promotion des produits algériens à l’étranger. Ce sont autant de mécanismes qu’il importe de huiler.

Amar Naït Messaoud

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