Le boycott, seule solution pour limiter le phénomène

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Le commerce des CD piratés, pratiqué en plein jour, ne semble également pas ennuyer outre mesure les autorités concernées, notamment dans la ville des Genêts.

La marchandise étalée à ciel ouvert est liquidée sous les yeux des citoyens, qui d’ailleurs encouragent ce commerce, ainsi que des autorités concernées censées limiter ce genre de pratiques, les pouvoirs publics étant engagés, notamment devant l’organisation mondiale du commerce, pour la limitation de la contrefaçon et du marché informel pou ne citer que ces deux volets.

C’est d’ailleurs sur ce dernier que ce genre de marchandises trouve acheteur. La ruée sur ce genre de produits n’est justifiée que par l’habituel argument du coût. Celui là même qui cautionne l’ensemble des trafics et des duperies. « Je gère une vidéothèque. Un projet qui m’a coûté les yeux de la tête. Je ne parle pas des années de travail qu’il m’a fallues pour économiser mon investissement.

J’aurai aimé acheter des CD et DVD originaux. Mais ces derniers coûtent relativement chers si l’on compte le nombre d’acquisitions que j’effectue chaque semaine.

Et puis avec les risques de détérioration que court ma marchandise, je préfère dépenser moins cher. Je ne trouve mon compte que chez ces marchands », fait allusion Saïd, 25 ans, à la table dressée en plein air dans un grand boulevard de la ville. Les « professionnels » trouvent, en effet, leur compte dans les CD piratés pour les profits qu’ils présentent en termes d’économies. Le simple consommateur semble également bien servi dans ces étals et y trouver l’objet rare. Des CD audio aux vidéos et autres DVD et Jeux, tout y est. Une palette variée d’MP3 d’une liste très longue de chanteurs connus et moins connus, aux compilations et autres recueils tout style confondus, aux sorties les plus récentes en termes de DVD aux jeux les plus sophistiqués avec toutes les versions possibles, le tout pour un prix qui défie toute concurrence. Les prix varient entre 50 et 100 dinars, selon le type de CD acheté alors que pour le même produit le consommateur peut payer le double, voire le triple chez les disquaires et autres commerce de matériel informatique et de jeux. Les taxes ne sont pas les seuls responsables de cette marge, ô combien flagrante. Il est également question de qualité et de garantie. On a certainement pas la même qualité de son sur un produit sorti d’une maison de disques et de diffusion que celui d’un produit tout simplement copié et gravé sur des CD vierges.

Il est bien entendu qu’aucune garantie n’est assurée pour ce dernier. « Que voulez-vous que je dise au client qui me ramène un CD acheté et qui me dit qu’il est insatisfait de sa qualité. Pour le prix qu’il paye il ne faut pas trop rêver de la perfection. Je dis à tout le monde que je ne rembourse pas et que je ne fais pas d’échange. Si le CD est défectueux, ce n’est pas de ma faute. Moi aussi je l’ai payé. Des fois je fais des exceptions. Mais pas souvent », nous raconte Mahmoud, la trentaine, marchand de CD sur un trottoir limitrophe à une galerie du centre-ville où les disquaires se mordent les doigts face aux ventes et recettes quotidiennes de Mahmoud. Celui-ci ne se contente pas de vendre de la musique et des films, il est également « spécialisé » dans la vente de CD et logiciels informatiques, toutes versions confondues.

Des logiciels tirés droit d’Internet. Un graveur suffit pour en faire le nombre de copies possible. C’est le même procédé d’ailleurs qui est utilisé pour les films et autres CD audio. Avec un CD original, on peut remplir les étals de copies. Une imprimante finit souvent par confectionner l’emballage et les jaquettes des produits. Aucun artifice ni magie mais le gain est garanti contrairement à la qualité. Car avec ces produits on n’a pas que du bon.

On a parlé des avantages qui se résument au coût réduit, mais on devine bien que les inconvénients ne sont pas à négliger. La détérioration des lecteurs utilisés en est l’essentiel. Nombreux sont les consommateurs qui se plaignent de ce fait. Les CD piratés coincent souvent dans les lecteurs DVD et se rayent plus facilement que les produits d’origine.

« Mon lecteur DVD a avalé plus d’un CD depuis que j’y introduit n’importe quel produit. J’ai un lecteur supersophistiqué que j’ai ramené avec moi, au même titre que d’autres appareils et joujoux, d’Europe où je résidais. Je tiens à mes appareils comme à la prunelle de mes yeux. Si au départ je contrôlais tout ce qui se visualisait sur mon lecteur, j’ai fini par baisser la garde au bout d’un moment.

Le reste de la famille qui utilise mon lecteur n’a, au départ, pas compris pourquoi je ne voulais pas que le CD de Fellag loué dans la vidéothèque du quartier ne devait pas « effleurer » mon lecteur. C’est à cause du même CD que mon lecteur a dû être ouvert par le technicien du quartier. Il a fallu démonter le lecteur pour retirer le fameux CD que j’ai cassé en deux et que j’ai dû payer », nous raconte Yacine, 38 ans, commerçant. Les incidents de ce genre sont multiples avec les CD piratés et les plaintes sont multiples sans pour autant que le boycott de ces produits ne soit décrété. Dans le chapitre inconvénients, on évoque également les virus qui bourrent les CD, en raison du matériel utilisé pour le gravement des CD. Les produits téléchargés d’Internet sont les premiers responsables des virus. Les logiciels téléchargés du net sont également généralement de mauvaises versions. Dès qu’on les installe sur son PC, un message signale souvent à l’utilisateur qu’il a été victime d’une contrefaçon logicielle et que la copie installée ne peut être validée. Le consommateur, par avarie ou simple esprit d’économie, met en péril un matériel chèrement acquis pour une question de quelques dinars de moins. Les CD étant des supports de stockage, peuvent transporter des virus d’un PC à un autre, notamment si la protection est faible dans le PC du consommateur.

« J’ai acheté un CD pour installer une version de Windows. L’installation faite, j’ai été surpris de trouver un message me disant que la version est contrefaite et que Microsoft ne peut valider ma nouvelle version. La meilleure c’est que j’ai évité tout téléchargement d’Internet pour éviter de me faire prendre. J’ai préféré acheter la version au lieu de la télécharger. J’aurai finalement dû le faire tout seul.

Ça m’aurait économisé le coût du CD. J’ai juré que c’est la dernière fois qu’on m’y prendra. J’avoue qu’étant adepte des jeux, je suis un client fidèle des produits piratés, toujours pour leur coût, mais depuis que mon PC a payé de mon avarice, j’ai décidé de faire mes emplettes de CD moins souvent mais j’ai opté pour plus sûr. C’est-à-dire des fournisseurs légaux et déclarés », nous raconte Karim, fonctionnaire, 45 ans.

Les disquaires que l’on doit imaginer inquiets ne se sentent pas aussi menacés que ça, depuis quelque temps. Le consommateur, même si le moindre coût l’intéresse plus que tout, tient à garder le produit de son « investissement » le plus longtemps possible. On calcule rentabilité du côté des consommateurs, dorénavant.

« Si j’achète un CD à 50 dinars aujourd’hui et je dois en acheter le même dans quelques semaines ou mois en raison de sa mauvaise qualité, je préfère m’en procurer un à 100 ou 200 dinars et le garder le plus longtemps possible. Aussi, j’ai remarqué que la qualité de son et d’image n’est pas la même sur les deux produits », nous explique Salah, 43 ans, gardien de nuit dans une entreprise privée.

On ne dupe pas le consommateur à chaque fois que cela nous chante. Quand il a été pris une fois, il est souvent difficile qu’on l’y trouve encore. Mais les dupes il s’en trouve tous les jours de nouveaux. Les marchands malhonnêtes n’arrêteront de tromper les consommateurs crédules que sous la contrainte des sanctions. Les pouvoirs publics doivent se bouger un peu et arrêter ce phénomène tant qu’il est à ses premiers pas à Tizi-Ouzou.

Le nombre de marchands de CD piratés peut encore se compter sur les doigts de la main pour l’instant. Ce qui n’est pas évident à l’avenir si l’on ne se décide pas de stopper ce commerce. Ce ne sont pas les discours, ni la bonne volonté des citoyens conscients de la nécessité de boycotter les produits contrefaits qui arrêtera ce phénomène. Seuls des faits, notamment des sanctions, des saisies et un contrôle plus rigoureux attesteront de la bonne volonté des autorités concernées et parviendront à supprimer cette pratique ne serait-ce au niveau local.

Samia A-B.

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