La balle est dans notre camp

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La Kabylie marque la 29e halte printanière et dans le sillage, s’incline devant la mémoire des victimes du printemps noir. Le plus souvent, cette halte ne prend pas le temps de digérer les acquis et de réfléchir l’occupation intelligente des espaces de libertés arrachés au prix fort.

La souvenance de Tafsut est à chaque fois chahutée par des interférences politiques empêchant la lisibilité de  »Tamazight ass-a » et, d’une manière générale, la lisibilité du devenir  »identitaire ».

Le propos n’est pas de déposséder, le politique de son appréciation, de cette dimension, identité intrinsèquement liée au projet de société qu’il retient sur sa feuille de route. Il lui est juste demandé de ne pas empiéter sur le terrain de ces “umusnawen” qui, au quotidien, sans bruit et sans badges, s’échine à lancer des chantiers à même d’assurer l’éternité à tamazight retenue, faut-il le rappeler, par l’Unesco, parmi les langues minoritaires condamnées à disparaître. L’Unesco sait de quoi elle parle. Et sa prémonition ne relève pas de la voyance et autre maraboutisme mystiques : elle est justifiée par une étude sérieuse.

C’est tout de même paradoxal que l’on prédit un avenir moribond au kabyle (la langue), alors que depuis une bonne dizaine d’années des espaces de liberté lui ont été ouverts !?

Bien sûr que l’on, s’empressera de charger “adabu” (le pouvoir) et de trouver en lui les justificatifs de notre inertie. Mais le fait est que ce même pouvoir que l’on prend d’assaut toutes les fois que l’on est en panne d’arguments a cédé devant la détermination et la générosité du printemps : il n’avait aucun autre choix que d’ouvrir l’école et d’autres espaces à tamazight. Du coup, nous nous retrouvons face à… nous-mêmes. La balle est désormais dans notre camp. Il nous fallait tout juste donner libre cours à notre  »soif de tamazight ». Chose qui passe par la création, seul garant de la pérennité de la culture. Parce que, au final, seul le génie créatif impose la langue, cette activité sociale. Quelle que soit l’ouverture d’esprit d’une constitution et des institutions de l’Etat, le sort de tamazight dépend foncièrement du génie de ses locuteurs. Sauf que, ces derniers sont occupés à se « chercher les poux dans le cuivre chevelu » et à fabriquer des formules chocs qui, comme disait l’Amusnaw, « parlent bien et ne disent rien ». Encore plus grave: le cerveau de l’individu kabyle est démesurément annihilé par le akabar. Dès lors, on est rattrapé par le réflexe des kasmas des années de plomb et ce faisant, on se trompait forcément de combat, la nature du combat à mener. On se complait dans la stérilité du ghetto et de ad nerrez wala ad neknu alors que, et on ne le répétera jamais assez, « ass-a d lkaghed ». Il est plus malin, et c’est dans l’intérêt de tamazight, que l’on mette en veilleuse le akabar, le temps d’apporter sa pierre, aussi  »petite » soit-elle, au chantiers langue et culture. À défaut, ne perturbons pas le travail des hommes de bonnes volontés.

Ces hommes, ils existent et c’est d’ailleurs grâce à eux que tamazight a franchi les frontières du ghetto.

T. Ould Amar

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