Une virée dans l’histoire

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Ce qui explique entre autre que la beauté de ces vêtements ne serait-qu’une communion de tous les métissages.

Il est de notoriété publique que Sour El Ghozlane recèle un patrimoine archéologique et historique d’une grande importance. Par conséquent, un intérêt populaire est porté à cet héritage précieux. Des manifestations culturelles sont, à chaque fois, tenues en guise de célébration de ce patrimoine. Les autorités concernées, dit on, ne cessent de promouvoir des programmes et des travaux de restauration afin de préserver les vestiges, et les sites en place, et requalifier le vieux bâti en mesure de se renouveler dans le temps. Nous avons entamé une randonnée à la découverte de cette ville, doyenne, antique.

Kaf Lazreg, vêtements traditionnels, théâtre romain… un voyage à l’histoire

En route vers Kaf Lazreg, à l’est de Sour El Ghozlane, en compagnie de Youcef et Ahmed, respectivement universitaires et natifs de cette localité. Ces derniers se disent «jaloux pour cet héritage national» de leur ville et veulent nous faire partager «un périple à travers son histoire».

Ce patrimoine mérite d’être protégé et revalorisé, malheureusement, «la plupart des associations n’y travaillent que pour leurs intérêts personnels», s’entendent à dire nos accompagnateurs d’entrée de jeu. Toutefois, certains ont ingénieusement entamé des recherches et élaboré des études retraçant l’histoire de la ville.

Un constat qui sans doute nous renseigne sur bien d’autres sites dans les quatre coins du pays où des vestiges énormes sont réduits au fil du temps à de simples souvenirs. Il est presque 10 h. Kaf Lazreg nous souhaite la bienvenue ! Ici, comme partout dans la ville, on porte un grand intérêt aux vêtements traditionnels. En effet, nous apprenons que l’habit local, résultat des passages de différentes civilisations à travers les siècles, fait souvent l’objet de festivités que ce soit locale, régionale ou nationale. Il est certes divers et varié, mais surtout unique en son genre. Visiblement, l’influence et l’interaction des civilisations successives ont laissé leurs empreintes sur cet habit local.

Youcef qui nous invite à s’approcher de l’un des commerçants, nous apprend que ce secteur connaît un relatif essor. Bien arrangés, Hamid, propriétaire de la boutique, nous montre chaleureusement ses produits exposés : ainsi, pour les hommes, notamment, des burnous et kouchabiya, de laine ovine, spécialité de la région.

Et pour la gent féminine on peut y trouver el hayak, ezzamala, el djaba, el fetla…etc. «la beauté de ces vêtements ne serait qu’une communion de tous les métissages», dira Hamid.

Et d’ajouter : «notre optique ainsi que le défi à relever est de promouvoir ces vêtements pour une reconnaissance à l’échelle nationale et pourquoi pas mondiale». Un peu plus loin les gens qu’on a croisés, à la sortie du marché hebdomadaire, nous confirment justement par les tenues qu’ils portaient leur attachement à leurs traditions.

Les gladiateurs… d’antan !

A côté du marché, se dresse un site archéologique qui remonte au début de la civilisation. Il s’agit du théâtre romain. En effet, aujourd’hui seuls les vestiges et décombres témoignent de sa présence majestueuse.

Devant l’abandon et l’absence du contrôle, voire une véritable prise en charge, le site ne garde que le nom. Des pilleurs ont accaparés des débris et les ont transféré ailleurs. D’autres habitants, au su et au vu des autorités, ont déjà construit leur maison sur le cimetière romain. C’est donc, encore une fois, un site réduit à… un simple souvenir. Cependant, les histoires qu’on transmettait d’une génération à une autre, d’une époque à l’autre nous en racontent fidèlement des mythes du fin fond de l’histoire. «C’est en cet endroit, le théâtre, que se déroulaient les plus légendaires combats des gladiateurs, des esclaves faisant face à l’atrocité des lions ont eu lieu. Les spectacles qui se tenaient sous les yeux bienveillants des centurions et chefs miliaires romains», nous raconte Abd El Moumen, enseignant qui s’intéresse, dit il, passionnément à l’histoire de sa ville.

Les rois berbères sont passés… par là

Appelée aussi Eltra Mermoz, Auzia, … Sour El Ghozlane, toute entière, fut un des berceaux de la civilisation berbère. Les rois berbères, qui y ont séjourné ou de passage, ont laissé leurs traces. Ainsi, par exemple, «le fameux chef militaire Takfarinas avait vécu ici», nous confirme Ahmed. En plus des manuscrits d’histoire, les rois Syphax, Massinissa…, les chefs romains Sizaria, Lilills Llimos… figuraient dans les histoires que garde la mémoire collective de ces habitants. Visitée en 1846 par le Duc d’Aumale, fils du roi français Louis Philippe, Sour El Ghozlane a depuis aussi pris le nom d’Aumale.

Comme on le raconte dans les manuels scolaires, l’émir Abd El Kader et El Mokrani ont séjourné aussi dans cette ville.

Med Boudiaf et Khider Med… torturés ici !

Sur une superficie de près de 7 hectares, soit la moitié de la ville, du côté sud, se trouve l’ex-caserne. Construite en 1850, ses vestiges témoignent aujourd’hui du passage du colonialisme français. Victime de l’abandon, ses portes et fenêtres ont été volées ; dans un état de dégradation regrettable, cette caserne a été lors de la guerre de Libération nationale, le lieu de torture des insurgés. Le feu président Boudiaf et l’autre figure emblématique de la révolution algérienne, Khider, furent torturés dans les cellules de cette caserne. A Said Hmidou, ex-Larmente, les autochtones avaient construit vers 1750, à l’époque ottomane, une mosquée sur une grande superficie. Transférée à la fin du 18 siècle comme écurie, elle fut réhabilitée après l’indépendance, cette mosquée est encore un témoin vivant de la succession, par cet endroit, de deux colonisateurs.

Le mur géant… un rempart face aux dangers

Sur une longueur de près de 3 km et une hauteur de 3 mètres, fut construit un énorme mur autour de la ville. Probablement, construit par les Romains et restauré par les Français, ce mur avait 2000 fenêtres et cinq portes. Bab Dzair au nord, Bab Boussaâda, Bab Sétif à l’est et Bab El Had, tandis que Bab Médéa de l’ouest s’est effondrée il y a belle lurette. Bien évidemment, «à l’instar de toutes les villes, ce mur avait été un rempart face aux multiples dangers», dira Youcef.

L’arrivée… à la cour Tiare

Jouxtant le siège de l’APC, la cour de l’Indépendance, ex-Tiare, est le carrefour des vieilles bâtisses de la ville. Distante de 30 km de Bordj khris, à 31 km de Médéa, à 31 km de Sidi Aïssa, à 30 km de Jouab, à 34 km à Bouira, et enfin à 31 km de Chella Adraoua, cette cour fut baptisée «Tiare».

A coté de la cour, transférée à la mosquée El Ansar, à l’issue de l’indépendance, c’est l’ex-église, érigée sous l’ordre du Gouverneur Général en Algérie à l’époque coloniale. Sur le chemin du retour, nous prenons conscience de ce patrimoine, de ce trésor culturel qui mériterait de connaître un autre sort que celui ci. La préservation de sites historiques et du patrimoine national est un sujet qui revient souvent lors des journées organisées sur la sauvegarde du patrimoine culturel, mais qui hélas, n’est pas réellement appliqué sur le terrain.

L. M.

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