Dépêche de Kabylie : Comment êtes-vous venue au football ?
Rezki Maghrici : J’ai pratiqué le football dans mon quartier dès mon jeune âge. Après, j’ai intégré la formation de Draâ Ben Khedda en tant que minime où j’ai fait toutes mes classes. Mon premier contact avec la JSK remonte à la fin de l’année 72. A cette époque, j’étais au lycée Amirouche de Tizi Ouzou et je faisais partie de l’équipe du lycée avec Makri et Iboud. Ce dernier m’a proposé de signer à la JSK, et entre-temps j’étais sélectionné dans l’équipe de wilaya sous la houlette du défunt Djaffar Harouni. Une fois on a joué une rencontre contre la JSK et on a fait un grand match, les dirigeants de la JSK m’ont alors approché pour intégrer le club, mais à l’époque il y avait la licence A et la licence B, et moi je n’ai pas voulu signer une licence B, après, le contact a été rompu. Mais, une année après soit, en 1974 Hannachi m’a relancé et j’ai signé ma première licence avec la JSK.
Racontez-nous vos débuts avec la JSK ?
Sincèrement, au début j’avais du mal à m’intégrer dans le club. Non pas parce que je n’ai pas trouvé le climat qu’il faut, mais plutôt, j’avais un tempérament timide. A l’époque, je pesais 52 kilos et je me retrouve avec de grands joueurs, à l’image de Dali, qui était, le meilleur avant-centre d’Afrique. Ensuite, le grand gardien Tahir. Donc, j’ai mis un peu de temps pour m’intégrer et pour vous dire, au début je ne pouvais même pas prendre le petit déjeuner avec mes co-équipiers. Je me lève tôt le matin pour le prendre tout seul et quant aux repas, il me fallait la présence de Hannachi ou Iboud que je ne connaissais pas avant, pour que je sois à l’aise ; mais par la suite, je me sentais comme un membre de la famille, et ce après avoir sympathisé avec tout le monde.
Vous étiez attaquant après vous vous êtes reconvertis en arrière-gauche : quelles en sont les raisons ?
Tout d’abord, durant la première saison, j’étais remplaçant et je ne jouais pas souvent. Mon premier match officiel avec la JSK, je l’ai joué comme ailier gauche. Je suis rentré au cours du jeu contre le RCK et j’ai marqué un but, j’ai continué toute la saison sur le banc, je faisais de temps à autre des apparitions, mais je n’étais pas titulaire. La saison d’après, Larbès étant blessé ( il avait, je crois, pour deux mois de plâtre), j’ai joué comme arrière-gauche, et j’ai fait des grands matchs et depuis je suis titulaire dans ce poste.
Bien que jouant en défense, vous avez plutôt une vocation offensive : quelles sont les réalisations qui vous restent en mémoire ?
J’ai marqué beaucoup de buts durant toute ma carrière, bien que jouant arrière-gauche. Je contribue aux attaques de mon équipe, ce qui m’a permis, bien entendu, d’inscrire des buts, parfois décisifs, tel celui que j’ai marqué face à l’AS Douala, en Super Coupe d’Afrique. Nous étionsmenés un but à zéro et j’ai réussi à remettre les pendules à l’heure. Ce qui nous a permis d’aller aux tirs au but et de gagner le trophée. Mais il y a eu aussi des buts qui m’ont marqué, comme celui que j’ai inscrit dans les bois de la DNC au stade du 1er Novembre d’El-Harrach : je me souviens que mon tir était tellement puissant qu’il a percé le filet et continué sa trajectoire; alors le gardien de l’équipe adverse a cherché le ballon et l’a posé au point des six mètres, et l’arbitre lui faisait un signe de la main pour ramener le ballon au centre, car il a validé le but. Il y avait aussi le but que j’ai inscrit face a l’ASO Chlef, c’était un tir canon à partir du milieu de terrain.
Durant votre carrière vous avez gagné beaucoup de titres avec les Jaune et Vert : quels sont ceux qui vous ont le plus marqué ?
Je pense que chaque titre gagné a une saveur particulière. Celui que je garde toujours en mémoire c’est la finale de la Coupe d’Algérie que nous avons remportée face au NAHD au stade du 5 Juillet. Je me souviens de cette rencontre minute par minute, tout d’abord aux vestiaires où nous sommes concentrés. Après notre apparition sur le terrain je ne vous cache pas, que j’avais la chair de poule. Vous imaginez un stade archi comble qui scandaient anwi wigi d-imazighen, devant le président Boumediene. Pour moi, c’est la première fois que j’entendais cette chanson, donc j’avais le trac, mais dés le coup d’envoi je suis rentré directement dans le vif du sujet et on a réussi à ramener avec nous la première Coupe d’Algérie à Tizi Ouzou
Après le match vous avez sûrement vécu des grands moments de joie, racontez-nous l’ambiance qui a régné au sein du groupe ?
Après avoir reçu le trophée, on s’est dirigés vers l’hôtel de Sidi Fredj où nous avions passé la nuit, et là, c’était un délire… Je me souviens, que pendant que le grand chanteur Lounis Aït Menguellet chantait et accompagné par un groupe de Tbel, on a dansé toute la nuit, on avait vraiment savouré ce grand titre qui restera historique.
En évoquant la relation avec les chanteurs de l’époque, vous avez une grande amitié avec le défunt Matoub Lounis ?
Effectivement, à l’époque c’était tout le monde qui était derrière le club. D’ailleurs mon maillot de la finale face au NAHD, je l’ai offert à Aït Manguellet, et pour le défunt Matoub Lounis, je vous dirais qu’il était un grand supporter de la JSK et toujours proche des joueurs pour nous encourager. Pour mon cas, on a tissés une grande amitié, il venait souvent chez moi et on a passé beaucoup de temps ensemble. C’était un monuments.
Vous avez effectué beaucoup de voyages en Afrique : quels sont ceux qui vous sont restés en mémoire ?
A l’époque, faire un voyage en Afrique relève de l’aventure, mais le voyage que je n’oublierai pas fut celui de Kinshassa pour le match retour de la finale de la Coupe d’Afrique. Tout d’abord, nous sommes partis sans frais de mission et en plus de ça nous avons encouru un grand risque quand nous avons survolé le Rwanda, qui était en guerre à l’époque. Lorsque nous sommes revenus, je me souviens que nous avons fait une escale à Rome, nous étions tellement épuisés qu’un douanier italien, n’a pas remarqué que nous étions des footballeurs.
Puisque vous parlez de la finale de la Coupe d’Afrique, racontez-nous les moments que vous avez vécus durant le match aller ?
A l’époque nous étions à Yakourène, et dès 9h du matin nous avons eu des échos que le stade était déjà complet, alors on ne pensait à rien sauf à rendre notre merveilleux public heureux et à lui offrir une belle victoire. D’ailleurs, notre premier souci, à l’époque, était notre cher public : on faisait tout pour le rendre heureux, on se mettait à La place du supporter qui fait des kilomètres pour nous soutenir, alors on faisait le maximum pour ne pas le décevoir.
A votre époque la JSK est connue par sa rigueur et sa discipline : quels en sont les secrets ?
Tout d’abord, il faut que vous sachiez qu’à notre époque on était très unis et très respectueux, que ce soit entre nous, ou vis-à-vis des dirigeants et des supporters.
D’ailleurs, un jour un serveur de l’hôtel nous a dit que vous êtes des militaires et pas des footballeurs, si tu cherches après un joueur, tu sais où le trouver.
On avait un programme strict que nous respections tous, et c’est ce qui a fait notre force.
Vous avez arrêté de jouer à l’âge de 32 ans malgré que vous pouviez continuer encore : quelles en sont les raisons ?
Sincèrement, j’ai mis fin à ma carrière pour cause de blessures. Je ne pouvais pas continuer : triple fracture au poignet gauche, double au poignet droit et quatre fractures à la tête ; certes, j’étais prêt à continuer pour deux ou trois saisons supplémentaires, mais mes absences répétées sur le terrain m’ont poussé à raccrocher. D’ailleurs, la JS Bordj Menaïl m’a approché pour la rejoindre la saison 84/85, alors je leur ai carrément dit : si je continue à pratiquer encore le football je reste à la JSK.
Vous avez entamé aussi une carrière d’entraîneur ?
Après mon départ de la JSK je me suis consacré à mon travail à l’Eniem, et en 1992 après ma retraite de cette entreprise j’ai entraîné plusieurs clubs de la région, à l’image de Fréha, JS Azazga et l’US Draâ Ben Khedda, et puis en 2001 j’ai réintégré la JSK dans les catégories jeunes, et ce jusqu’à 2004 ; actuellement, je suis à l’école de la Sonatrach avec Tchipalo et Mokbel.
Et si on vous dit quelle est la différence entre la JSK que vous avez connue et celle d’aujourd’hui ?
Je vous réponds par un proverbe kabyle qui dit : Siwa At Waxxam ig T-tharaba-n ghef waxxam. Ce qui veut dire que seuls les enfants de la JSK peuvent la défendre et je peux aller encore plus loin en vous disant que si quelqu’un n’aime pas vraiment ce club, il n’a même pas le droit de porter son maillot.
Que vous a apporté le football ?
C’est incontestablement l’amour du public, et pour moi c’est la chose la plus chère. On se respecte toujours et j’ai gardé la relation intacte, et bien entendu, c’est une reconnaissance pour moi après tant de sacrifices pour les couleurs du club.
Un mot pour conclure ?
Je passe un très grand bonjour à tous les supporters de la JSK et a tous ceux et celles qui aiment ce grand club. Je ne regrettera pas d’avoir joué a la JSK, qui reste mon club préféré.
Hamid Oukaci
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