D’autres ont vu leur adoption ajournée en raison de certaines incohérences que contient le document de propositions élaboré par les partenaires sociaux. Au vu de cette situation, depuis avril 2008, ce sont des statuts transitoires qui ont cours dans la plupart des administrations publiques. La régularisation n’interviendra qu’après l’adoption des statuts particuliers des secteurs concernés. En avançant dans son itinéraire procédural, ce dossier prenait au fur à mesure les allures d’un sujet explosif. Étant, depuis le milieu des années 1990, soumis au “droit de regard’’ (pour ne pas dire plus) du Fonds monétaire international (FMI) par l’intermédiaire duquel l’Algérie procéda au rééchelonnement de sa dette extérieure, ce volet important de l’administration et de l’économie du pays a eu une histoire chaotique qui avait installé, avant l’instauration de l’autonomie des entreprises publiques en 1988 et le divorce structurel de l’État d’avec le parti unique du FLN, une confusion totale et durable entre les structures administratives de l’État, symbole de sa souveraineté et instruments de la puissance publique, et le reste de la sphère économique et idéologique. En d’autres termes, les permanents du parti émargeaient au budget de la fonction publique et les entreprises publiques recevaient des subventions du Trésor public. Ce parcours imposé par la grâce de l’économie administrée n’a subi l’évolution dictée par les nécessités du monde actuel qu’au prix de déchirements qui ont déteint sur la marche des entreprises et de l’administration elle-même.
Après ce découplage qui préfigurait d’autres formes d’évolutions tendant à assurer à l’administration son autonomie et à lui conférer les attributs de puissance publique, la fonction publique se heurtera à moult écueils charriés par la libéralisation de l’économie, la nécessité de stabiliser les indicateurs macroéconomiques et l’impérative adaptation aux différents changements qui ont affecté le paysage économique et social du pays.
1,5 million d’employés
Avec plus d’un million et demi de fonctionnaires civils, paramilitaires et militaires, payés sur le budget de fonctionnement de l’État, et avec des milliards de dinars destinés chaque année à l’alimentation du budget d’équipement piloté par cette même administration, plusieurs thèses se sont entrechoquées pour appeler à des dégraissages massifs dans ce corps ou bien encore au maintien de l’emploi, mais sans une analyse approfondie des véritables missions dévolues aux structures de l’État dans l’étape historique qu’il traverse. Une chose est sûre : avec un tel nombre d’employés, l’État demeure le premier employeur du pays. Cependant, une vision purement statistique ne risque pas de toucher aux véritables problèmes qui couvent dans la Fonction publique. Pire, elle risque même de les voiler face aux enjeux de l’ouverture économique et des défis de la mondialisation. C’est pour dépasser cette approche tronquée que le président Bouteflika avait confié, au début de son premier mandat, le travail d’investigation sur ce secteur vital de la vie de la Nation à une commission présidée par une éminence en la matière, Missoum S’bih, actuel ambassdeur d’Algérie à Paris.
Le diagnostic de l’administration algérienne s’était figé un certain moment sur certains symptômes extérieurs : inflation du personnel, bureaucratie et archaïsme des méthodes de travail. La commission est allée plus loin dans ses investigations en faisant état de la médiocrité de l’encadrement, de l’inefficacité des méthodes de travail, du manque d’adéquation entre la formation scolaire et universitaire avec les véritables missions de service public et de puissance publique et, enfin, des incohérences et travers générés par l’hypercentralisation des pouvoirs de décision aggravés par une division déséquilibré du territoire. C’est apparemment au compte-goutte que le gouvernement ‘’glane’’ dans ce fameux rapport pour annoncer, par intermittence, des mesures qui sont encore loin de répondre aux besoins des défis qui se posent à l’administration algérienne. Et pourtant, cela est connu à travers tous les pays du monde, aucune réforme économique n’est susceptible de s’imposer ni, a fortiori, d’avoir le souffle long sans une administration compétente, efficace, décentralisée et ouverte sur les méthodes modernes de gestion.
Les enjeux de la ressource humaine
Tout en étant appréhendés dans toute leur ampleur, les salaires ne sont qu’un ‘’reflet monétaire’’ de la gestion des ressources humaines y exerçant. Ils ne doivent pas avoir pour vocation de cacher les travers de l’administration publique.
Des centaines de commentaires et autres observations ont accompagné les projets et les mesures que les pouvoirs publics ont commencé à sortir du tiroir depuis presque trois ans en direction de la Fonction publique sans que le sujet soit épuisé, et surtout sans qu’une quelconque lumière ait pu éclairer d’un jour nouveau un secteur qui emploie un million et demi de travailleurs. Les déclarations, en 2007, du ministre du Travail et de la Sécurité sociale, Tayeb Louh, relatives au début d’application de la nouvelle grille des salaires, dont le décret a été signé par le président Bouteflika au début de l’année 2008, n’ont apporté pratiquement rien de nouveau d’autant plus que ce sont là des mesures transitoires censées prendre fin dès la finalisation des statuts particuliers de chaque corps de métier.Jusqu’à la fin de l’année dernière, sur 43 statuts particuliers devant être adoptés par le gouvernement, seuls une vingtaine a reçu l’aval de la direction de la Fonction publique. Après l’adoption des statuts des secteurs manquants, on procédera aux correctifs et autres calculs d’apothicaire pour un domaine d’activité qui, sous d’autres cieux, est considéré comme l’armature de l’État moderne et la cheville ouvrière de la démocratisation de la société. Ahmed Ouyahia considère qu’en 2009, tous les secteurs émargeant au budget de l’État, autrement dit relevant de la Fonction publique, verront réglées les questions relatives aux primes, chapitre important constituant la quatrième phase des négociations entamées depuis 2006 avec les partenaires sociaux. Cet avancement dans le règlement de la question salariale était supposé pouvoir contribuer au relèvement du niveau de vie des fonctionnaires. Bien qu’en chiffres absolus, des augmentations conséquentes aient été consenties pour les agents de l’État depuis 2006, force est de reconnaître que, face à l’inflation générale des prix de première nécessité et face aux conséquence de la crise financière mondiale, ces relèvements salariaux sont loin d’induire les effets désirés. L’administration ne vit pas en vase clos. La régression du pouvoir d’achat ne peut être amortie ou jugulée que par plus d’investissements, plus d’emplois et plus de production. Les rappels du président de la République, à partir de Ghardaïa, vont dans le sens de plus d’austérité dans le train de vie de l’État, donc des Algériens aussi, en se référant aux risques que court notre pays dans le contexte de la crise financière mondiale ayant entraîné une baisse drastique de la consommation énergétique, ce qui se traduit pas une chute des prix des recettes pétrolières malgré les mesures de réduction de la production prises à la fin de l’année 2008 à Oran. Même si la question salariale relève d’une incontestable légitimité au vu de l’infernale dégradation du pouvoir d’achat de tous les travailleurs algériens, y compris les agents de l’État, réduire les problèmes de la Fonction publique à cette seule question serait une grave erreur stratégique et un signe d’une myopie managériale.
Articulation territoriale
Outre le personnel administratif par lequel s’exercent la force et la souveraineté de l’État, et par lequel également la Collectivité nationale se donne les moyens pour assurer le service public et la solidarité nationale, l’administration présente une dimension spatiale tournée vers la gestion des territoires. L’enjeu est de taille. À l’heure bénie où la population, les organisations de la société civile et les opérateurs économiques misent sur une décentralisation accrue des structures de l’État pour libérer les initiatives locales, instaurer un équilibre régional en matière de développement économique et harmoniser la gestion des territoires, l’impression qui se dégage dans la pratique quotidienne au cours des dernières semaines ne plaide apparemment pas pour une telle vision présentée, un certain moment, comme la solution idéale pour une gestion rationnelle des ressources et pour une véritable intégration nationale basée sur les spécificités régionales et la complémentarité dans l’ensemble national. Pourtant, suite à l’impasse historique du modèle jacobin et à une demande citoyenne exprimée parfois dans la violence, des lueurs d’espoir commençaient à poindre lorsque, au début des années 2000, les programmes sectoriels de développement ont été déconcentrés et confiés à la gestion des wilayas. De même, les dernières bribes d’information – situées entre la rumeur et la déclaration officieuse – relatives au nouveau découpage du territoire ont insufflé de légitimes espoirs chez les populations et les autorités locales pour se débarrasser d’une gestion par procuration où les centres de décision sont non seulement éloignés mais souvent nébuleux et dilués.
Dans une telle situation de chaînon manquant dans la machine administrative de l’État, personne ne trouve son compte si on excepte les cercles de la “tchippa’’qui, partout dans le monde, tirent avantage de la concentration des pouvoirs et de l’opacité de gestion qui lui est intimement liée. L’on se pose également la question de savoir où sont passés les projets de révision des codes communal et de wilaya chaque fois annoncés par le ministère de l’Intérieur et autant de fois relégués aux calendes grecques. Le Premier ministre a même soutenu, au cours de son passage devant l’APN en décembre dernier, que ces codes – en l’absence d’élections locales rapprochées – ne constituent pas une priorité. Une révision positive de ces codes constitue pour de larges secteurs de l’opinion et des partis politiques la pierre de touche de la volonté politique du gouvernement à établir la bonne gouvernance locale et à aller vers plus de décentralisation dans les structures de l’État et la gestion des territoires.
Moderniser la gestion municipale
Tel que présenté il y deux ans par Dahou Ould Kablia, ministre délégué aux Collectivité locales, le projet de Code communal ne se limite pas au mode d’organisation ou de désignation de l’exécutif communal à l’occasion d’une élection. Il comporte aussi une nouvelle vision dans la prochaine version du Code communale, vision qui réserve une place de choix à l’institution municipale à laquelle il compte conférer de nouvelles prérogatives telles que les possibilités des emprunts bancaires destinés à réaliser des investissements qui rapportent de l’argent (marché, centre commercial, abattoir,…). Comme, il donne la possibilité à l’APC de déléguer la gestion de certains services publics à des organismes privés. Le domaine de compétence du secrétaire général de mairie sera également redéfini étant entendu que, contrairement à l’élu, celui-là signifie la pérennité et la permanence de l’institution.
Pour rendre plus efficaces et moderniser les services de l’administration, le président de la République a fait état, en septembre 2008, à l’occasion de l’audition du ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, de la nécessité d’un nouvel encadrement technique pour les communes de façon à ce qu’elles puissent faire face aux différentes tâches de développement local et de gestion du territoire. Sur ce plan, de nouveaux postes budgétaires ont été accordés par l’administration de la Fonction publique aux mairies. Ces dernières ont commencé à recruter dans les corps de différents métiers des diplômés censés suivre, contrôler et réceptionner les projets de développement communaux. Les finances locales sont appelées, elles aussi, à une refonte aussi bien sur le plan de la fiscalité locale que de l’utilisation des deniers de la collectivité.
A la même occasion, l’on apprend que l’administration algérienne va renforcer le mouvement d’informatisation de façon à toucher l’ensemble des prestations de l’état civil. De même que le passeport et la carte d’identité nationale seront, selon les directives du président de la République, soumis au calcul biométrique (dimensions des différentes parties du corps humain de l’intéressé), ce qui a pour objectif de réduire les cas de falsification de documents officiels.
Amar Naït Messaoud