Il a aussi suscité un intérêt parmi un public qui, jusque-là, ignore jusqu’à l’existence des publications en tamazight, un public pour qui le livre amazigh est une rumeur. Pour ainsi dire, la manifestation n’a pas “bivouaqué dans la coquetterie culturelle”. Elle est sortie de ce cercle restreint pour interpeller la “masse’’. Preuve, s’il en faut, que la culture de masse est du domaine du possible, pour peu que des manifestations tous azimuts d’une telle envergure et menées intelligemment s’inscrivent dans des périodicités rapprochées.
La cinquième édition du livre et du multimédia amazighs, désormais institutionnalisée à Bouira, a eu aussi la louable initiative de s’intéresser au patrimoine matériel et immatériel.
L’atelier ouvert pour réfléchir sur les mécanismes à mettre en œuvre pour la collecte de ce patrimoine est “parrainé” par le poète Benmohamed, une intégrité intellectuelle bien placée pour mener à bon port l’atelier. Madjid Bali, l’autre intégrité à présider l’atelier, rappellera au mouvement associatif associé à l’initiative la nécessité de consentir les efforts et de les focaliser sur une spécialisation. Espérons que cette idée de collecter le patrimoine ne s’arrêtera pas avec la clôture du salon.
A côté de cet atelier, la petite salle des conférences a été illuminée par des cafés littéraires et autre conférences thématiques. Mouzaoui, le réalisateur de Mimezran est le premier à y prendre la parole pour saluer la mémoire de Ali Zamoum dont la maison de la culture a pris le nom. Devant un public envahi d’une charge d’émotion, il parlera du moudjahid qu’il avait côtoyé. « Au lendemain de l’indépendance nous nous (Zamoum et Mouzaoui) sommes rendus au port d’Alger. Il fallait attendre notre tour pour y accéder. Je demande à Zamoum qu’un grand homme comme lui ne devait pas attendre son tour et qu’il devait décliner son identité. Zamoum me répond : je n’ai pas combattu pour que je devienne grand, j’ai combattu pour que ce ponton algérien devienne grand ».
Ce sera ensuite au tour de Omar Oulamara, l’auteur de Tullianum d’y présenter son œuvre.
L’homme, de formation scientifique et enseignant en France (rien, a priori ne le prédestinait aux lettres kabyles) est un exemple vivant d’une volonté décidée sans tapage à réinventer les “Ecritures en kabyle”. Pour rappel, l’auteur de Taggara n Yugurten est celui qui a fidèlement transcrit Iberdan n Tissas, une œuvre posthume de Messaoud Oulamar, la première à avoir prospecté en kabyle le créneau de l’histoire. Toujours à propos de l’histoire, la salle des conférences donnera la parole à Chérid Ould Hocine qui présentera à son tour Au cœur du combat traduit au kabyle pour devenir Deg wul n umenneugh.
L’univers de l’internet y sera aussi l’objet d’une rencontre entre auteurs et spécialistes.
C’est sur fond de chants et danses exécutés par la troupe du Ahellil que Youcef Merahi et Kamal Berkan, respectivement secrétaire général du HCA et chef de cabinet du wali, annoncent officiellement la clôture du salon. M. Berkane, le représentant du wali, saisira l’opportunité de la présence du conseiller du président de la République pour lui formuler le vœu de Bouira à accueillir la prochaine édition du Festival du cinéma amazigh.
Cette volonté exprimée par le premier responsable de la wilaya renseigne sur sa prédisposition et sa volonté à sortir la wilaya du ghetto.
La tutelle serait donc bien inspirée d’accompagner Ali Bouguerra dans sa vision qui fort heureusement pour les Bouiris (qui faut-il le souligner l’appellent affectueusement “Ali Poclain”) ne s’arrête pas seulement à la seule considération bétonnière.
Pour finir, (re)soulignons la réussite de ce salon, une réussite relevant de la conjugaison des efforts : ceux du HCA, bien évidemment, mais aussi l’implication de la Direction de la culture et celle des autorités locales. Aucun prétexte donc que dans une année la sixième édition ne fasse pas mieux.
T. Ould Amar
