Clé de voûte de la préservation de la mémoire

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La collection exposée, qui est conservée au musée, a fait l’objet d’une restauration par les élèves de l’École régionale des Beaux-Arts d’Oran, formés dans ce domaine par des experts de l’Association espagnole ‘’Restaurateurs sans frontières’’ (A-RSF).

Cette manifestation, initiée en collaboration avec l’A-RSF, a pour objectif de mettre en valeur une période méconnue de l’histoire, située entre le 10e et le 3e siècle av. J-C., a souligné le directeur du musée Zabana, M. Hadj Meshoub.

N’est-ce pas que l’on peut remonter la pente des chemins de l’indifférence et de la médiocrité par des gestes qui paraîtraient d’une courante banalité pour des gens trop longtemps engoncés dans un inquiétant fatalisme ?! C’est en tout cas le sentiment qui nous hante face à l’amour et à la dévotion dont font montre tous les gens épris d’authenticité et de vraies valeurs culturelles qu’ils tentent, contre vents et marées, de faire partager aux autres par des actions simples mais ô combien rédemptrices.

La culture muséale dans notre pays n’a pas encore acquis ses véritables titres de noblesse pour qu’elle devienne le ‘’pain quotidien’’ de nos enfants à l’école et en dehors de l’enceinte scolaire. Le cas de l’ ‘’Association des amis du musée de Cirta’’ de Constantine est aussi à mettre en exergue particulièrement lorsqu’on sait qu’elle agit dans un environnement peu favorable à ce genre de ‘’luxe’’ ou d’ ‘’exotisme’’. Peut-être unique dans son genre sur le territoire national, elle mobilise souvent des adultes et des enfants autour de l’art muséal, de la préservation du patrimoine matériel et immatériel et, plus globalement, autour des valeurs de la culture, la vraie, et non celle du simple folklore et de l’apparat.

Cette association prend sur elle d’initier les élèves, dans le cadre de ce qui dénommé ‘’Ateliers juniors’’, à l’archéologie et aux moyens de préserver le patrimoine culturel national.

Elle organise pour eux des ateliers et des sorties sur des sites historiques de l’Est du pays, la région d’Algérie qui compte le plus de sites et de vestiges de l’histoire ancienne du pays (antiquité berbéro-romaine, dynastie hafside, vestiges ou pièces turcs, période coloniale).

Pour avoir visité à plusieurs reprises ce bel édifice planté en plein centre de la ville du Rummel, au milieu d’autres édifices publics du XIXe siècle, nous avons pris conscience de la valeur des pièces, outils, statues, mosaïques et autres objets qui y sont conservés depuis près d’un siècle. De Batna,Tébessa, Khenchela,…, des bustes, des mosaïques, des silex, des lampes, des dessins, ont été acheminés jusqu’ici pour ‘’rendre visible notre patrimoine’’, selon l’expression de sa directrice, Mme Benkhelil.

Mais, comment rendre visibles, faire percevoir le sens et la portée d’une telle accumulation et d’une telle succession d’étapes, d’efforts de l’homme et de civilisations qui ont eu pour théâtre la terre d’Algérie à des écoliers, collégiens et lycéens qui n’ont de l’histoire qu’une notion abstraite à l’aspect rébarbatif ? Comment contribuer par ces actions à former le citoyen de demain, fier de son passé riche et varié et s’intégrant sereinement dans la communauté nationale ? C’est le défi lancé par l’association constantinoise dans une ambiance non seulement d’indifférence, mais, parfois, d’adversité.

Où est la part de l’école ?

Des énergies bénévoles et des compétences passionnées viennent ainsi combler, du moins en partie, les déficiences et les ‘’omissions’’ de l’école algérienne.

Ces dernières sont malheureusement trop nombreuses pour qu’elles puissent être rattrapées par un simple travail de volontariat. Si seulement celui-ci pouvait bénéficier de l’aide et de l’assistance des pouvoirs publics. Pour les cours de botanique et de géologie, rares sont les établissements qui prévoient des sorties sur le terrain.

Sous d’autres cieux, la première connaissance géographique est celle relative au village et à la commune où résident les élèves.

En prenant connaissance des roches, de la nature du sol, des ruisseaux, des plantes et des bestioles qui composent le paysage local, l’écolier commence à se fixer dans un ‘’pays réel’’, une terre qu’il apprendra à aimer. C’est lui éviter, ainsi, la haine de soi et le complexe de l’étranger, paradis pathologiquement magnifié jusqu’au stade de l’esprit ‘’harraga’’. Or, pour peu que nos potentialités naturelles soient rationnellement exploitées et que nos gisements culturels intelligemment préservés et mis à la disposition de la communauté, le vrai paradis est bien ici, chez nous.

Il n’en demeure pas moins que, malgré les limites objectives dans lesquelles est circonscrit le travail d’une association, ce genre d’initiative va légitimement droit au cœur. Cela est d’autant plus vrai qu’une grande partie des associations – happées par la centrifugeuse des intérêts politiciens qui en font de ternes satellites – ne font qu’arborer ce titre pour des desseins autres que les nobles objectifs sous-tendant l’action de la société civile.

Sauver la mémoire nationale

En mars dernier, Mme Khalida Toumi, ministre de la Culture, a annoncé un plan d’urgence pour le renforcement de la protection du patrimoine culturel et de la lutte contre toutes formes d’atteinte aux bien culturels ou de tentatives de trafic de ces biens. Les informations sur les vols, la destruction et le trafic des biens culturels matériels (pièces de musée, tableaux de peinture, peintures rupestres,…) qui va jusqu’à l’exportation illégale vers les pays voisins ou vers l’Europe ne cessent de se multiplier et d’inquiéter l’élite éclairée du pays. Le membre du gouvernement a essayé de sensibiliser l’opinion et surtout les autres partenaires de l’administration (services de sécurités, APC, wilayas,…) pour apporter leur part de contribution à la protection des pans entiers de la mémoire du peuple algérien et de ses valeurs culturelles ancestrales. Dans un domaine aussi sensible de la vie de la collectivité nationale, où la symbolique et le poids de l’Histoire jouent un rôle prépondérant, la sensibilisation permanente et à tous les niveaux des institutions du pays demeure incontestablement la meilleure arme pour protéger et promouvoir ce précieux legs de l’histoire nationale millénaire. C’est assurément une légitime fierté pour le ministère de la Culture d’avoir pu récupérer, en 2007, la statue de Marc Aurèle, empereur et philosophe romain qui a marqué de son empreinte la Méditerranée au début de notre ère. Un mois du patrimoine, période pendant laquelle s’organisent journées d’étude et campagnes de sensibilisation autour du précieux legs, matériel et immatériel, laissé par les générations qui nous ont précédés et dont l’âge peut remonter jusqu’à… l’âge de pierres, ne suffit guère pour vulgariser notre patrimoine culturel et sensibiliser les citoyens à son importance. A plusieurs reprises, des spécialistes, des médias et des responsables chargés du secteur ont tiré la sonnette d’alarme sur le sort réservé à certaines pièces culturelles ou historiques, mémoire supposée indélébile du peuple algérien. Le phénomène du vol de pièces archéologiques et de musée a pris une ampleur inquiétante au cours des quatre dernières années. Il ne se passe pas un mois sans que la presse fasse état de vol, pillage, vandalisme, concernant le patrimoine culturel et historique de notre pays.

Ce nouveau phénomène de vandalisme particulier nous jette à la figure l’étendue de notre impuissance et la puissance de notre inconscience face à ce qui prend l’allure d’une forfaiture nationale commise à l’endroit de la mémoire et de l’histoire du peuple algérien.

Certes, nous avons cette fluette consolation d’être informés par la presse ; mais, c’est pour mieux culpabiliser, sans grand résultat, les autorités chargées de la protection d’un patrimoine deux fois millénaire éparpillé aux quatre coins du pays. Y a-t-il façon plus pernicieuse de tuer le sentiment d’appartenance à un pays, à une culture, à une civilisation ? Y a-t-il manière plus avilissante de jeter la jeunesse algérienne dans le giron du nihilisme et dans les bras de l’intégrisme en leur faisant perdre les repères les mieux établis historiquement? On viendra ensuite se plaindre du complexe des Algériens vis-à-vis de l’étranger et du sentiment de la haine de soi qui ont mené, conjointement avec le manque de perspectives professionnelles, au suicide et à la ‘’harga’’ !

Mettre fin au pillage

Même s’ils sont nécessaires, les efforts du ministère de la Culture de mettre à contribution les services de sécurité dans la protection du patrimoine historique et culturel ne sont manifestement pas suffisants. Il s’agit d’abord de sécuriser les structures (musées, parcs, écomusées,…) chargées de la préservation des pièces archéologiques par un système de vigilance permanente. Des inspections et des audits réguliers doivent accompagner la gestion du patrimoine. Sur les grandes aires où reposent des centaines, voire des milliers de pièces archéologiques à ciel ouvert (parc national du Hoggar-Tassili, site archéologique de Brizina, au sud d’El Bayadh, les Djeddars de Tiaret, les sites de Aïn Sefra,…) ou dans les villes antiques comme Timgad, Tipasa ou Djemila, l’action des pouvoirs publics est plus que sollicitée. Elle est le seul moyen qui puisse arrêter la saignée de la mémoire collective des Algériens et qui, hélas, commence à être bradée en lambeaux sur les marchés de brocante d’Europe ou dans les magasins des antiquités.

Reste la grande œuvre de faire sentir aux enfants d’Algérie le caractère quasi sacré du patrimoine historique du pays, qu’il soit matériel ou immatériel, et l’absolue nécessité de la sauvegarder et de le promouvoir. Cette dernière action suppose une autre ‘’industrie’’, une autre intelligence nationale qui a pour nom le tourisme. Les sites historiques et les pièces culturelles sont considérés, dans cette optique, la ‘’matière première’’ du secteur touristique. Sur ce plan aussi, notre pays accuse un immense retard pour mettre en valeur ces lieux, les rendre accessibles par l’installation des routes, de l’énergie et d’autres équipements spécifiques, et préserver l’équilibre aisni que l’harmonie de l’environnement qui font l’authenticité et l’originalité de ces sites. Et c’est là qu’intervient aussi le souci du ministère de la Culture de faire participer les services de sécurité à la protection des pièces culturelles contre le vol et le pillage.

Amar Naït Messaoud

iguerifri@yahoo.fr

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