Réel pari ou gageure ?

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n Par Ahmed Kessi

Pendant que les PME/PMI existantes pataugent dans un environnement des plus contraignants, les pouvoirs publics annoncent la création de 200 000 PME/PMI lors du prochain quinquennat. Ce qui est un projet titanesque voire un défi majeur à relever. Par ailleurs, entre 15 000 et 18 000 entreprises ont baissé rideau entre 2004 et 2009.

Que d’espoir suscité par la mise en place, au début des années 90, des dispositifs ANSEJ, ANGEM et CNAC ! Les objectifs escomptés par les pouvoirs publics étaient, entre autre, de résorber le taux de chômage qui prenait, de plus en plus, des proportions inquiétantes, et d’asseoir progressivement les assises d’une économie productive…Des années plus tard, un constat des moins reluisant est tombé telle une sentence sans appel ; il a été clairement établi qu’ »il est beaucoup plus problématique de maintenir en vie les entreprises créées que d’en créer d’autres. Nonobstant, leur nombre n’a cessé d’augmenter. En 1999, on ne comptait que 175 000 PME à travers le pays. »

« La plupart sont des TPE, très petites entreprises, de type familial ou artisanal. Bien qu’il y’ait une mortalité des PME, due essentiellement à l’environnement, on compte de nos jours pas moins de 321000 », avouera M. Moussaoui, directeur de l’Agence nationale du développement de la PME, lors d’une récente rencontre, à Oran, au tour du programme de mise à niveau des PME/PMI.

Le crédit… de la Herga

Dés le début des années quatre-vingt-dix, Une décennie caractérisé par une intense quête de quiétude et de liberté, de nombreux jeunes, marginalisés, rongés par la mal-vie et le chômage. La tragédie nationale ayant sérieusement entamé la cohésion et la stabilité de la société. Ces derniers, croyant que la rive Nord de la méditerranée est un Eldorado, un paradis terrestre, certains ont tenté le diable et se sont donné à toutes les acrobaties ; pourvu qu’ils réalisent leur rêve tant caressé. « C’est vrai, ceux qui ont l’intention de s’investir pleinement dans leur projet, avec le temps, ils arrivent tout de même à des résultats probants. D’autres, se croyant plus malins, postulent à la réalisation d’un projet, sans toutefois s’y investir, le cœur n’y est pas vraiment. Du fait qu’ils ont des desseins autres. Une fois le crédit empoché, ils ont filé à l’anglaise vers l’étranger, J’en connais quelques cas », nous confie Dahmane. Ce gentleman à la mine joviale et à l’allure managériale était venu déposer à l’ANSEJ son dossier pour l’extension de son entreprise de réparation et d’installation en chaud et froid, créee en 2002. Pour lui, tout va pour le mieux, ayant su faire preuve de patience durant prés de sept ans.

Des lacunes et lenteurs administratives et de la bureaucratie

« Vous savez ! L’ANSEJ, l’ANGEM et la CNAC pour moi, c’est un flot de paperasserie procédurière et une bonne toile de connaissance… Celui qui n’est pas bien côté et épaulé aura à prendre, et pour longtemps, son mal en patience et caresser durant de longs mois l’espoir de voir son dossier aboutir », nous dit M’henni, un jeune universitaire en fin de cycle…

La totalité des jeunes postulant au lancement d’un projet que nous avons approchés ; que ce soit à travers l’ANSEJ, CNAC ou l’ANGEM, démarrent souvent avec un scepticisme et ne croient pas vraiment à l’aboutissement de leurs projets. A synthétiser leurs dires, cela est dû à plusieurs facteurs ; cela va du manque d’entrain et d’enthousiasme chez les promoteurs, dû au lien étriqué existant entre les jeunes et l’administration, à l’absence et au manque d’information et de savoir-faire. A cela, se greffe l’inexistence d’un véritable environnement économique proprement assaini. Ce qui, avec les améliorations apportées à plusieurs niveaux, depuis juillet 2008 ; création des commissions locales de suivi, encadrement par des séances d’information, individualisées si nécessaire, contraint les services et commissions des différents organismes à rejeter plusieurs dossiers et à convoquer, si nécessaire les postulants, pour de plus amples conseils. « Les choses ne sont pas aussi simples qu’on le croit souvent. Les jeunes ne s’informent pas suffisamment avant de se lancer dans les différentes démarches successives à entreprendre », nous dira M. Lamouri, directeur de l’antenne ANSEJ de Tizi-Ouzou. Et d’ajouter : « C’est pour cela qu’il a été procédé à l’instauration de certaines mesures visant à informer les jeunes porteurs de projets : séances d’information collectives et individualisées, notions managériales, accompagnement technique, juridique et de financement. En somme, un accompagnement de l’élaboration à la réalisation et l’obtention des résultats ».

Selon, M. Lamourri, depuis 1997, 7086 projets ont été crées à travers l’ANSEJ. Ce qui a généré 19600 postes d’emplois permanents. Et, depuis juillet 2008, 1950 demandes ont été traitées, dont 1463 ont reçu un avis favorable ; ainsi que la formation de 804 promoteurs. Ce qui place la wilaya de Tizi-Ouzou en deuxième position à l’échelle nationale après Alger. Sollicité à nous livrer son commentaire sur l’idée communément répandue, à savoir la lenteur administrative, il nous dira : « C’est vrai, peut-être le suivi de prés des différentes phases donne l’impression que c’est lent, mais rien ne peut se faire qu’au temps voulu. »

Les quatre premiers mois de l’année en cours ont, selon M. Lamouri, vu la création de 274 projets à travers l’ANSEJ de Tizi-Ouzou, qui ont généré 450 emplois permanents.

Entre le constat et le diagnostic, le contraste

La Petite et Moyenne entreprise (PME) n’a pas l’accès facile aux marchés publics. Elle n’obtient pas, selon les entrepreneurs, des marchés de manière suffisante. Pourtant, une instruction du chef du gouvernement exhortait les membres du gouvernement, les walis, les PDG des SGP et des entreprises publiques à promouvoir la production nationale. Au-delà des dédales administratifs auxquels les promoteurs font face pour créer leurs entreprises, ils butent aux réalités de l’environnement, qui, faut-il le souligner, n’est pas pour encourager leur intégration. « Je connais des gens qui se sont perdu dans les dédales de l’administration et de la bureaucratie…leur projet est demeuré en veilleuse, avant le renoncement pur et simple », nous confie Dahmane. « La PME est souvent victime d’une injustice et d’inégalité », constat unanime établi par les associations d’entrepreneurs présentes le 11 mai dernier au forum d’El-Moudjahid. Dans le souci de promouvoir les PME, les pouvoirs publics ont mis en place un nouveau dispositif d’aide et de soutien au courant de l’année 2008. « La mise à niveau des entreprises est une exigence du marché », confiera le ministre en charge du secteur,

M. Benbada, à un confrère.

A cet effet, les pouvoirs publics ont pris une batterie de mesures de façon à permettre la fluidité du processus d’intégration et de stimulation de l’environnement des PME, tant interne qu’externe. Mais au demeurant, le processus nécessitant une échéance déterminée, les résultats escomptés ne sont pas effectifs. Interrogé sur les mesures à prendre pour éviter la mortalité des entreprises créées, M. Bara, directeur de la PME/PMI de la wilaya de Tizi-Ouzou nous affirme : « Pour garantir une pérennité des entreprises du secteur, il faudra s’occuper, déjà, de celles existantes et les aider à surpasser les écueils auxquelles elles font face. A cet effet, l’achèvement du processus de mise à niveau s’avère une nécessité impérieuse, pour arriver à la certification, et ce d’une manière totale ; à commencer par l’environnement administratif, le système bancaire à moderniser…Un chef d’entreprise est un partenaire à part entière. »

Certains chefs d’entreprise ont clairement affiché leur révulsion quant au processus de mise à niveau. « Aidez- nous à vaincre l’informel, les lenteurs administratives et les pratiques bureaucratiques, la mise à niveau ne nous intéresse pas. On s’en sortira tous seuls », ont-ils affirmé au directeur de la PME de Tizi-Ouzou.

Tous nos interlocuteurs, promoteurs et responsables des différents organismes concordent dire que les PME/ PMI peuvent constituer une dynamique de relance de l’économie ; elles sont susceptibles à même de créer de la richesse et de l’emploi ; mais à condition d’agir sur l’environnement administratif et que le système bancaire suive le développement, ainsi que l’assainissement de l’environnement économique.

Création de 200 000 PME de 2009/2014 : un défi titanesque

Le président a annoncé, lors du discours de son investiture, la création de 200 000 PME/PMI durant les cinq prochaines années. Projet fort ambitieux, titanesque voire même un défi majeur. Environ 120 000 PME/PMI ont vu le jour durant les cinq dernières années. Parralélement, des sources affirment que 3 000 à 6 000 PME (selon la source) se sont éclipsées annuellement.

Soit 15 000 à 18 000 PME à avoir baissé rideau. Selon le président du forum des chefs d’entreprises (FCE), Rédha Hamiani, alors que 30 000 PME sont créee chaque année, 6 000 disparaissent également, ce qui fait un taux de 20% : taux assez considérable !

L’espoir est tout de même permis, mais à comparer le projet à la réalité du terrain, il faut dire que si toute une batterie de mesures, promptement appliquées sur le terrain, ne viennent pas lever les multiples entraves qui jonchent le quotidien de celles déjà existantes, le projet paraitra telle une mission presque impossible à réaliser.

Pour booster le projet de la création de 200 000 PME et lui donner une impulsion dynamique à même de hisser l’économie du pays à un meilleur niveau de production, il faudra que les pouvoirs publics s’attellent, au préalable, à résoudre l’écueil du foncier, à faire sauter les verrous des lourdeurs administratives et des pratiques bureaucratiques.

La rampe de lancement du projet étant « le financement », qui est l’atout majeur de l’Etat. Aussi, il faudra s’investir dans l’assainissement de l’environnement pour garantir l’épanouissement et l’intégration des PME sur le marché. Auquel cas, l’entreprenariat demeurera un concept vidé de son essence.

Enquête réalisée par Ahmed Kessi

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