Glorieux village de la courageuse Chahla

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Mardi 26 juillet 2005, Tighilt Makhlouf 2e escale de l’équipe réalisatrice du documentaire historique. “De Fadhma n Summer aux femmes de Novembre, histoire d’un double combat”. Le documentaire est en “Tamazight. Le 1er du genre dans la région de la Vallée. Haouchine Belkacem, le réalisateur, était catégorique, la veille : “Il faut partir très tôt à la bourgade si l’on veut du bon travail”. Aussi tout le monde, était sur la place colonel Amirouche dès 7 h. L’APC d’Akbou assure le transport. “Elle a aussi pris en charge, l’hébergement de plusieurs membres de l’équipe du tournage. Le producteur du reportage est l’association Soummam pour la protection de l’histoire et des vestiges historiques”.Haouchine, assisté de sa femme Malika, est le réalisateur du produit. Il est aussi assisté par l’équipe de Thais, agence de communication et d’audiovisuel de Béjaïa qui assume le rôle de soutien en matériel. Un matériel haut de gamme, Thais a dépêché un reporter (Lalaoui Ghemina), un cameraman (Nourredine), et un 3e assistant.7 h et quelques minutes le mini-bus prend la route d’Ighram, commune dont relève le village Tighilt Makhlouf, la commune elle-même relève d’Akbou.Après l’ancien Arafou, on aborde un détour menant au village du chef-lieu Ighram. Un pan d’une montagne attire les regards par sa bizarrerie. Des écailles, des crevasses géantes profondément encastrées sur les hauteurs. Dans la région, on les appelle “Ifaguaguène n’taryel”, ou les roseaux de l’ogresse. Là, a été tournée une séquence du film la Montagne de Baya. Après le village Taslent, le véhicule prend une série de détours vertigineux. A vrai dire, toutes les pistes et routes sont des virages. Akbou est déjà loin. La ville semble sommeiller encore, tapie sur elle-même, en contrebas dans un repos réparateur. Dans un moment, elle reprendra son quotidien accéléré et bruyant. Soudain, Belkacem Haouchine fit un geste.Le fourgon s’arrête. “Il y a un plan à ne pas rater”, nous explique Mme Haouchine. Nous pensions que la beauté des paysages montagneux et boisés, avec en toile de fond la jolie vue de la ville d’Akbou étaient ce qui intéressait le réalisateur. Peut-être y a-t-il quelque chose là-dedans, mais la motivation venait plutôt de l’histoire du lieu comme nous ne tardâmes point à l’apprendre. On est à Tighilt Ldjamaâ. Une crête, un virage, mais un virage qui a son grand rôle dans l’histoire de la guerre de Libération de l’Algérie du joug colonial français. Oui, là et sur la crête en contrebas, s’était déroulée la bataille de mars 1959, nous dit Seddik Boukir, ancien membre de l’ALN, fondateur et président d’honneur de l’Association pour la sauvegarde de l’histoire et des vestiges historiques de la Vallée de la Soummam notamment. “Un grand point de garde ce virage”, ajoute un habitant de Tighilt Makhlouf. Celui-ci avec un autre groupe, viennent d’arriver et dans un crissement de pneus se sont garés à quelques pas de l’équipe. Plusieurs plans sont pris avec balayage de la colline d’Ath Zeggane, jusqu’en contrebas. Au loin, comme dans un écrin, le monument souvenir de la bataille d’Iguervane, 28/29 juin 1958. D’ici, la vue a un très large champ. “C’est le nombril de plusieurs tnddan. “Celui qui serait le premier arrivé en ce point gagnerait la bataille. On était certains alors. Aussi, nous y sommes parvenus les premiers. Et on avait infligé une défaite sans pareille aux Français qui ont perdu plus de 300, voire entre 350 et 400 des leurs”, nous dit M. Boukir, approuvé par les anciens moudjahidine qui l’entouraient.“36 batailles se sont déroulées ici”, ajoute Larbi Azzi Mohand fils de Amar Azzi. “Mon père était adjudant des moussebline, de 1955 à 58 puis adjudant de secteur jusqu’en 1959, le 29 mars 1959 date de sa mort. “C’était là aussi où les rançais, avaient utilisé pour la premier fois ici (wilaya 3) du gaz de faction”, précise Arab Takka.S’il est dur de communiquer, il est encore plus dur d’être écouté. Et pourtant ils sont écoutés par la foule agglutinée autour de l’équipe. Les souvenirs affluent. Ils sont ancrés dans les esprits.Assurément, cela ne s’oublie pas. “Quand nous sommes arrivés ici, l’un des nôtres est tombé”. Je me rappelle d’Ali ou Baba (nom de guerre). De la première rafale, qu’il avait tirée, il a abattu 9 de nos ennemis”, ajoute un autre. Ali ou Baba, nous apprend-on, était adjudant de la deuxième compagnie de choc. Il est mort à Iguer Gousvaâr, lors de la bataille du 29 juin, à 11h 30, continue-t-on. On rembarque. L’équipe déambule à travers les allées sinueuses de la bourgade prenant encore des images de qualité. Une vieille Djedjiga Azrou, épouse Takka Mohand Cherif, fit faire aux femmes du groupe une halte chez elle, et leur offre des rafraîchissements. Elle est l’exemple même de l’hospitalité. Elle nous montre un cadre et fièrement elle dit, “Ce sont mes frères, Makhlouf, H’mimi, Lahlou et Achour ( tombés dans la bataille de 1958. Le 49e mort alors précise-t-elle). Plus bas, à quelques encablures, d’un accès difficile, tout en ruine, la maisonnette de Chahla Takka, la défunte dame pour laquelle l’un des volets du documentaire se réalise. Elle est filmée sous tous les angles. A l’extrémité d’un détour y menant, un ancien moudjahid nous montre des pans de muraille de pierres. “C’était des abris. Celui-ci était l’abri de Ahmed Kadri (vous avez entendu parler de lui ? demande-t-il) et de cheïk ? Ouvoudaoud (Boudaoud en plus précis). Chahla est toujours vivante dans les esprits des gens de son village.Chahla Takla avait donné 4 martyrs, ses fils fauchés à la fleur de l’âge pour la libération de l’Algérie, sa patrie et est morte subissant la misère dans la solitude, l’isolement l’ignorance et l’oubli, après l’indépendance, pour s’éteindre dans l’anonymat le plus absolu. Le producteur du documentaire (l’Association ndlr), a tenu à sa réhabilitation de cette manière. Et c’est en marge du travail (recueillir des témoignages), la ciblant que ces autres témoignages, sur leurs propres personnes ont été racontés par les villageois qui ne se contrôlent pas, déviaient de l’objet de rencontre. Le groupe se retrouva chez la vieille Rezkia Guilef (72 ans). Emue jusqu’aux sanglots, celle-ci parlera de Chahla, la décrivant avec tous les éloges dignes d’une femme qui a tant souffert, d’une mère courageuse. Mais elle parle aussi d’elle, “Mon mari était en prison, on crevait de faim. Je me rendais à la SAP pour le bon de blé. Quand j’ai présenté le laisser-passer à des soldats, l’homme m’ayant sans doute reconnue, a envoyé d’une chiquenette brusque et sauvage la jambette de pantalon que je portais sur la tête. Il me perfora l’œil, suite à quoi je perd vue et me blessa (elle nous montre la cicatrice) au-dessous de la paupière inférieure”, Rezkia continue : “J’ai fait une fausse couche au 8e mois. Je perds alors mon garçon. C’était après que l’on m’ait frappée sauvagement me soulevant en l’air et me rabattant sur terre”. Elle raconte et raconte…“C’est avec cet outil de fer et dans cette chambrette que les frères (les moudjahidine) punissaient les traîtres. Une grimace, plutôt une moue de satisfaction, de vengeance). Ils le faisaient rougir dans la braise et le leur faisaient suer des parties du corps (cuisses, cou, joue,…)Yamina Hamou, elle a perdu le pouce de son fils (2 ans1/2) alors sur son dos, suite à des rafales qui l’avaient horriblement atteinte lors d’un encerclement du village. Blessée, elle sera transportée à l’hôpital où elle subira des interrogatoires par des gendarmes. “Quand je me suis remariée, reprise par mon beau-frère à la mort de mon mari, j’ai eu un garçon que mon 2e mari n’avait pas inscrit, car l’ayant laissé sur le nom de mon premier fils, du premier mari, mort durant la guerre. Quand je demande mes droits, et pour mon fils défunt, on me répond que “mon fils est mort 2 ans avant la guerre”. L’avant-dernière étape a été au refuge principal après que les autre refuges dont “Assakif nacheikh” ont été filmés. Le refuge principal stratégique avec plusieurs sorties dont l’une mène directement à l’extérieur limites de la bourgade. Quelque minutes et l’on se retrouve hors de Taddart. De plus, c’est un poste de grand surveillance balayant de vue toutes les autres bourgades. Son ex-propriétaire était Aït Ouméziane Salah, mort chahid. A vrai dire, le refuge est composé de 4 maisonnettes, de Djida Oussiali (ravitailleuse), Hocine Ath Ibrahim et Hadj Hocine. Actuellement, il est habité par une autre famille dont la vieille était longuement la cible du cameraman et du réalisateur. Après des témoignages à l’école du village école Takka, Saïd et frères, fils de Chahla), ce fut au cimetière d’accueillir l’équipe, celle-ci rentra sur Akbou avec comme concrétisation le lendemain du volet Mourir entre ciel et terre, Fadhma Ibalaidène, au village Ighil Oumced.

Taos Yettou

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