n Par M. O. B.
Pourtant, la canicule sévit toujours en Kabylie. La région d’Ath Djennoud, soit la région la plus proche d’Azzefoun, est particulièrement chaude. Elle est connue pour cela. Ce fut d’ailleurs le cas ce vendredi au niveau de sa capitale, Fréha. Il était à peine 9h et l’on a déjà commenté à se cacher sous l’ombre des quelques murs existants, histoire de fuir le soleil qui se faisait sentir. Ayant fait le plein, un bus venait juste de quitter l’arrêt à notre arrivée à la station des fourgons desservant la ligne Fréha – Azzefoun.
La station jouxtant celle de la desserte Fréha – Tizi-Ouzou est ouverte aux quatre vents, à l’instar d’ailleurs de la station voisine et de toutes celles que compte la localité de Fréha. A peine le bus démarra qu’un autre fourgon stationna, à son tour pour charger. On ne se bouscule pas devant celui-ci. Tout de même, il se remplit au bout de quelques petites minutes. Le voyage est plutôt calme et pour ainsi dire sans histoire, peut-être que le dernier tube de Yasmina diffusé par le chauffeur a imposé ce silence. Tout le monde semblait avoir la tête ailleurs. Lorsqu’un “à l’arrêt” fut lancé du siège arrière du fourgon, un Pregio, on était déjà à la hauteur de Agouni Oucharki. A partir de là, la fraîcheur se faisait de plus en plus sentir. L’état de la route est impeccable. Il faut dire que tout le chemin que nous avons parcouru était vêtu du fameux B. B. (béton bétumineux). La différence c’est que d’Aggouni Oucharki, la route devient plus serpentée, les virages sont incessants. Tous ces tournants ont imposé au chauffeur de baisser le régime. L’un d’eux a hérité du nom de “le virage Idhebalen”. L’anecdote que tout le monde connaît dans la région raconte que lors d’un cortège d’une fête de mariage un véhicule a dérapé et a basculé dans le long ravin. La voiture en question transportait un groupe Idhebalen qui aurait péri dans l’accident, d’où cette appellation.
En effet, la circulation est difficile le long de ce tronçon jusqu’à l’arrivée au rond-point reliant cette route à celle menant vers Tigzirt d’un côté et à Azeffoun de l’autre. On n’était plus qu’à 12 km de notre destination. La grande bleue était visible après avoir parcouru seulement quelques kilomètres. Les 12 km séparant le rond-point de la localité d’Azzefoun était plat, ce qui a permis au conducteur d’augmenter sa vitesse, on roulait en parallèle de la mer. Celle-ci paraissait un peu agitée. La plage Caroubier que nous dépassâmes était vide.
Azzefoun-ville : le calme plat
Il était 10h passées lorsque nous arrivâmes à Azeffoun, le voyage n’a nullement été pénible. Azzefoun a pris des couleurs, c’est la première impression que la ville dégage : des vendeurs de bouées de tous genre, de paraboles, de bermudas. Bref, toutes les petites choses relatives à la plage sont installées le long du boulevard traversant la localité. Difficile de dire si Azzefoun ne s’est pas encore réveillée, ou si elle s’offre une sieste, se sentant lasse. En tout cas, l’ambiance était morne tant au niveau de la ville que du côté de la plage. On parle ici de la plage du centre, situé juste au bas de la ville, une plage qui a connu quelques aménagements. Elle est à titre d’exemple dotée d’une esplanade. “On ne peut pas dire que l’animation a atteint sa vitesse de croisière. Il faut peut-être attendre quelques jours encore pour voir Azeffoun des grandes affluences, nous dit Boudjemâa, une connaissance habitant la région rencontrée donc sur place, accompagnée de deux de ses amis. C’est durant le mois d’août que ça explose ici, en juillet Azzefoun connaît des hauts et des bas.” Boudjemaâ nous apprendra aussi que les deux plages que compte la localité d’Azzefoun ont été cédées cette saison à des privés. “Caroubier a été cédée pour 250 millions de centimes et la plage du centre est louée pour 50 millions de centimes”, a-t-il affirmé. En regardant la plage du centre près du siège de la daïra devant lequel on se trouvait tout comme l’autre plage, on ne s’est pas empêché de se demander — tellement elles étaient affreusement vides — comment leurs locataires pourront-ils récupérer au moins l’argent investi. Cela notre ami semblait le comprendre puisqu’il explique aussitôt que les deux plages sont dotées de deux parkings payants à 100 DA la place. “Vous pouvez peut-être faire vos calculs, ça peut vous donner une idée”, confia-t-il. C’est à ce moment-là qu’un groupe d’une quarantaine d’enfants, mené par deux jeunes personnes, une fille et un garçon, passa à côté de nous. Il s’agissait d’une colonie de vacances se dirigeant vers la plage.
Les deux plages cédées au privé
Bientôt 11h et l’ambiance n’a pas changé d’un iota. Les agents de l’ordre postés çà et là le long de cet emprisonnant boulevard considéré comme la principale allée d’Azeffoun ne trouvaient aucune peine à réguler la circulation, une circulation qu’on qualifiera de fluide. Les voitures qui y passaient sont pour la quasi-majorité immatriculées à la wilaya de Tizi-Ouzou. Cela dit, il y avait quand même des véhicules d’autres wilayas, comme cette Golf dernière génération venue d’Oran et garée devant le portail du complexe touristique le Marin bis. Des véhicules immatriculés à Béjaïa, Boumerdès et surtout à Alger passaient également de temps à autre, mais celles-ci se faisaient bien rares, autre indice qu’Azzefoun n’attire pas encore beaucoup d’estivants. “C’est surtout pendant les week-ends que l’animation devient grandiose, des énormes bouchons se forment tout au long de ce boulevard. Les plages font vraiment le plein, contrairement aux jours de semaine où l’ambiance n’est guère particulière”, expliquait Madjid, un jeune homme rencontré au niveau de l’auberge Jeunesse d’Azzefoun. Nous avons déjà pris congé de Boudjemâa et de ses deux compagnons. L’auberge est située de l’autre côté de la ville, à proximité du stade communal. L’établissement qui accueille actuellement une activité de l’association les Amis de la route, est très prisé durant la saison estivale. D’une capacité de 60 lits, il affiche souvent complet. C’est que les tarifs pratiqués sont à la portée de tout le monde. “Vous savez, l’une des choses qui font fuir les touristes de la localité c’est les tarifs de location qu’on propose ici et qui sont inabordables. Des particuliers proposent leurs maisons à la location”, affirme un autre habitant d’Azeffoun rencontré sur les lieux. Ce dernier a mis l’accent sur les prix des produits de consommation, les fruits et légumes notamment qui flambent à l’occasion de la saison estivale. En effet, la vie est très chère à Azeffoun, la pomme de terre qui était cédé dans les différentes localités de la wilaya de Tizi-Ouzou à 20 DA le kg en moyenne, était affichée ce mercredi à 37 DA, voire 40DA/kg dans certains endroits. Les autres produits étaient également intouchables au grand dam de la population locale qui ne sait plus à quel saint se vouer. Le vacancier lui peut se le permettre. “Ce n’est pas de notre faute, nous nous approvisionnons du marché de gros de Tala Athmane généralement, c’est loin et nous devons inclure le transport en faisant nos calculs”, explique l’un de ces commerçants. Ce n’est pas de l’avis des habitants d’Azeffoun qui estiment que ces vendeurs essayent de profiter au maximum de la saison estivale. “Ce sont les citoyens d’Azeffoun qui en font les frais”, dira un autre citoyen. Pour les habitants d’Azeffoun, la saison estivale est synonyme d’une période de sacrifice et d’une saignée.
Des estivants au compte-gouttes
Midi passée, et Azeffoun “ne sort toujours pas de ses gens”. L’air était bien frais, une forte brise soufflait sur la plage. Sur celle du centre où on s’est rendu, la brise était plus forte ; d’ailleurs, le drapeau était rouge. Autrement dit, la baignade était interdite. En tout cas il n’y avait pas grand-monde pour se faire du souci. Le drapeau, un morceau de tissu usé, était accroché au haut de la petite bâtisse servant de poste pour la Protection civile. Un agent debout devant la petite porte de la construction, veillait au grain. “Il faut toujours être vigilant, d’ailleurs nous sommes intervenus plusieurs fois depuis le lancement de la saison estivale. Dieu merci, aucun décès n’a été enregistré jusqu’à aujourd’hui, j’espère qu’on maintiendra la cadence”, nous dira ce sapeur-pompier, questionné sur le mouvement que suscite la saison à Azzefoun. Ce dernier confirme que l’ambiance n’est pas encore au rendez-vous. La plage du centre est une petite plage qui s’étale sur quelques centaines de mètres à peine. Il était presque 13h, et celle-ci était encore vide.
Nous quittons le sapeur-pompier. Un couple s’apprêter à s’installer lorsque nous l’interpellons. “Nous venons d’arriver, je ne peux pas me prononcer donc”, nous dira l’homme, la cinquantaine dépassée. “C’est dégoûtant et répugnant, il y a de la saleté partout… sincèrement je suis déçue”, lança toutefois sa campagne qui avait visiblement du mal à se retenir. Le couple venait d’Alger, c’est certainement la première fois que la femme vient à Azeffoun. Qu’aurait-elle dit si elle avait su que l’eau usée venant des égouts se jetait dans la mer, il y a à peine quelques années, par exemple. Elle ne serait certainement pas resté un seul instant dans les parages. Cet égout qui reste tout de même visible, mais presque à sec, a été stoppé cette année.
La police des mers veille au grain
13h tapantes. Nous quittons la plage du centre, direction le Caroubier, près de deux kilomètres séparent les deux, nous en profitons pour faire la marche sut le sable. Le chemin est fait d’un mélange de sable, de cailloux, des rochers… plus qu’un virage et nous serons au Caroubier.
De loin, celle-ci paraissait également clairsemée. Effectivement cette plage longue de près d’un kilomètre n’a pas fait le plein. Les tentes implantées tout le le long étaient loin d’être toutes prises. 400 DA est le prix de location, un parasol vaut 200 DA. Il y avait quand même de nombreuses familles, dans la mer, il y avait plus d’enfants que d’adultes. Les chérubins se baignaient sous l’œil attentif de leurs parents et celui vigilant des sapeurs-pompiers, seuls quelques endroits étaient autorisés à la baignade. “Il y a du courant par endroits, c’est pour cela qu’on les interdits aux adultes et enfants”, nous explique un sapeur-pompier qui fait, avec ses collègues, d’incessants va-et-vient. De temps à autre, on entend un coup de sifflet rappelant à l’ordre certains qui s’amusaient à dépasser le paramètre autorisé. Nous continuons notre tournée, lorsque nous rencontrons une de nos connaissances. Idir est venu de Fréha. “J’ai parcouru toute la plage et je n’ai trouvé aucun ami”, nous dit-il. Idir était seul un sachet à la main, il cherchait quelqu’un avec qui il pouvait passer la journée. Il était frappé par l’état des lieux. “C’est la première que je viens ici cette année, je trouve la plage beaucoup plus propre que les saisons précédentes”, enchaîna-t-il. Pas de sachet noir, et autres détruitus. C’est que la plage est nettoyée chaque matin. L’autre nouveauté frappante elle aussi ce sont ces policiers affectés sur les lieux. Le Caroubier est dotée de ce qu’on peut appeler la police des mers. En uniforme blanc flanqué du signe de la police, ils circulent en groupes de deux. Ils assurent, bien entendu la sécurité des estivants. «C’est une bonne chose, on se sent plus sécurité”, nous dit une femme. Moins d’embêtements donc. “C’est de cela que manquaient nos plages auparavant”, estime de son côté, notre ami Idir avec qui nous campons. Entre-temps, le drapeau a changé de couleur, il est orange, la grande bleue est actuellement moins agitée, la plage est également mieux garnie. “15h, c’est le moment de la plage”, dit encore notre compagnon. Il est vrai que l’eau est devenue plus chaude, d’ailleurs, celle-ci attirait beaucoup de monde, il y avait plus d’adultes qui se baignaient, les enfants fatigués, se reposaient sous les tentes.
Les prix concurrencent la température
Un jeune homme en tenue civile armé d’un kalachnicov qu’il tient “fièrement” à la main et d’un pistolet accroché à son pantalon, traverse la plage, suscistant la curiosité des présents. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce “cowboy” appartenant certainement aux services de sécurité, n’est pas passé inaperçu, ce qui est évident.
“C’est inadmissible, il y a des enfants ici. La moindre des choses, c’est qu’il cache son klasch” dire Idir qui revenait d’une des gargotes installées presque le long de la plage avec un sandwichet une bouteille d’au minérale à la main. “Tous les prix ont grimpé ici par rapport à la saison passée, le moindre sandwich coûte 100 DA, la bouteille d’eau est cédée à 50 DA”, affirme-t-il.“Il faut bien que ces vendeurs arrondissent leurs fins de mois” avons-nous rétorqué. “Nous achetons tous les produits chers”, nous répond l’un de ces restaurateurs que nous avons questionnés sur le sujet quelques instants plus tard. La journée tiré déjà à sa fin. 17h passées. La plage qui n’a jamais fait le plein durant toute la journée, commence à se vider. Il fallait bien penser au chemin du retour, on allait l’oublier. A signaler que les deux plages d’Azeffoun sont dotées de douches. Idir a d’ailleurs songé à se doucher sur place avant de changer d’avis. Il y avait un long chemin à parcourir pour se rendre à l’arrêt des fourgons. Un bus était stationné, il ne restait que quelques places vides. Nous montons et au bout de quelques instants il démarre. Le soleil commence à se cacher derrière les montagnes qui entourent la coquette ville d’Azeffoun. Une ville qui se couche également tôt, disent ses habitants.
M. O. B.