Soolidarité continentale et stratégie nationale

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Un ans et demi après la clôture de la manifestation culturelle intitulée “Alger, capitale de la culture arabe’’- laquelle, soit dit en passant, a requis un budget de 5,5 milliards de dinars-, et quarante ans après le premier Festival panafricain de 1969, l’Algérie vibre, depuis le début de la semaine passée, aux rythmes des voix, des mélodies et des airs africains dans le cadre du deuxième Panaf. Au moment où, à travers le monde, les repères culturels s’embrouillent et les valeurs de l’authenticité s’émoussent, la rencontre africaine d’Alger rappelle la nécessité de faire valoir, de réhabiliter et de promouvoir les cultures nationales non seulement du continent africain, mais aussi de toutes les contrées du monde où le développement technologique et industriel n’a pas permis une insertion harmonieuse et équilibrée des ces cultures dans le concert des productions culturelles du monde. Si des élites économiques ou idéologiques occidentales se gargarisent de la mondialisation des échanges, le tort ou les dommages collatéraux faits à la diversité culturelle ne sont ressentis et vécus comme tels que par les peuples dont le capitalisme mondial triomphant a voulu scotomiser la mémoire et réduire à néant leur contribution spirituelle et civilisationnelle à l’Humanité. Le pharisaïsme de ces élites prend beaucoup plus de relief lorsqu’il s’agit de défendre les cultures nationales d’Europe face à ce qu’ils n’hésitent pas à nommer l’ ‘’invasion culturelle’’ américaine. On a bien noté cette forme d’ “insurrection’’ patriotique au début des années 1990 lors des négociations de l’Uruguay–Round entrant dans le cadre du GATT (devenu par la suite Organisation mondiale du commerce, OMC). Les pouvoirs publics du Vieux continent qui ont négocié la libre circulation des marchandises et des personnes ont opposé des restrictions drastiques, voire un niet, contre la liberté du commerce des produits culturels. On inventa sur-le-champ le fameux concept d’ “exception culturelle’’ qui va d’une simple statuette ou banal silex jusqu’à la production cinématographique ?

À la puissance culturelle américaine, les Européens des années 1990 n’ont vu comme possibilité de résistance qu’un archaïque protectionnisme. L’avenir ne leur pas donné raison, puisque la technologie numérique, et particulièrement l’Internet, porteuse des nouvelles valeurs culturelles, n’a pu être contenue par aucune balise administrative ou douanière.

En recevant chez elle le Festival panafricain, l’Algérie montre, certes, qu’elle a la volonté politique de travailler pour l’africanité en temps que concept politique et culturel, comme elle se montre capable de prendre en charge financièrement une telle manifestation d’envergure. Cependant, les Algériens voudraient voir cet effort continental se prolonger dans le temps et s’approfondir dans le contenu ici même dans notre pays. Autrement dit, imaginer et mettre en œuvre une stratégie culturelle permanente qui dépasse les simples conjonctures. On souhaité que, au moins, la même énergie et les mêmes dépenses consacrés à ce genre de manifestation- sinon plus, pourquoi pas- soient aussi consentis au réveil culturel de tout genre sur les douze mois de l’année. Entre l’authenticité de l’acte culturel et la fugacité d’un entracte, fût-il continental, les termes du choix ne sont pas, en fait, nombreux.

Amar Naït Messaoud

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