De temps à autre, lorsque le génie est mis à contribution, la chanson kabyle nous fait oublier les Flixi-yas âchra laf, Ass-d ar ghur-i et autres chansonnettes qui survivent rarement aux timeghriwin.
Ces rares moments de dons, de générosités chantés nous renvoient, sur fond d’un « akka ! » nostalgique, aux années soixante-dix, lorsque les textes kabyles mis en musique se greffaient harmonieusement à l’universel sans rien perdre de leur authenticité. Et en témoigne A vava inu va, qui, au-delà d’avoir été interprétée dans différentes langues, a réussi à faire connaître un fragment de la culture kabyle au reste du monde. Comme aussi, il arrive que l’on fasse connaître des fragments de la culture du reste du monde au kabyle.
C’est ce qu’a fait Mucat en revisitant La Foule d’Edith Piaf ou encore Oulehlou en adaptant Hotel California de The Eagles et le Métèque de Moustaki.
Le propos n’est pas de remettre en cause « les goûts et les couleurs ». Il va de soi qu’il faille un peu de tout pour faire une culture. Autrement dit, la chansonnette n tmeghriwin a droit de cité. Idem pour ces “crooners électriques”, qui n’ont jamais entendu parler de Frank Sinatra et autre Rat Pack. Ces jazzeurs sans cuivres nous chantent le triste épilogue de leurs histoires d’amour que, systématiquement, noient dans un verre. C’est triste, mais il y a plus : « Ourdia n terris la moto, ad teghli, ad terrez ghef lgatu (Ouardia son mal est la moto, elle tombe et se casse la jambe sur les gâteaux ». No comment. D’aucuns diront : et alors, c’est le public qui fait le tri. Peut-être, mais pour ce faire, ce public doit être “former’’. Il doit être habitué, à travers différents supports, à d’autres sons de cloches. La beauté se cultive.
Les médias aussi participent d’une manière implicite à la valorisation de la médiocrité. La critique ne consiste pas seulement à encenser le chanteur. Elle est en droit de lui faire prendre conscience qu’il fait toujours dans le bruit sonore. Cela n’a jamais été fait pour la simple raison que le critique est un métier qui reste à inventer. En attendant que cela arrive, de belles choses se font sans bruits et augurent…
T. Ould Amar
