Casablanca, mariage mixtes et figues deBarbarie

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Le premier réflexe à avoir en arrivant à l’aéroport Mohamed VI de Casablanca, c’est celui de régler sa montre à l’heure marocaine. Il y a exactement une heure de différence entre les deux pays voisins. Dans l’avion d’Air Algérie, nous sommes surpris d’apprendre que la température dehors était de 25 degrés. En ce mardi 2 août, nous avons quitté un Alger suffocant sous la chaleur et suant à cause d’une humidité qui frôlait les 70 %. A Casablanca, on se croirait en automne. Un vent frais, poussé par les vagues de l’Atlantique, sert de climatiseur naturel à cette ville belle mais surtout propre. Certaines de ses artères ressemblent comme deux gouttes d’eau à des ruelles parisiennes. C’est le cas de la route perpendiculaire à la Rue Ibn Rochd. Dans cette dernière, se trouve un quartier habité par des juifs marocains, dont l’apparence physique ne diffère en rien de celle de leurs compatriotes. En traversant cette ruelle, nous apercevons une synagogue avec, au fronton, l’étoile de David et une transcription en hébreu ainsi qu’une école israélite où sont scolarisés les enfants des juifs du Maroc. A Dar El Beida, nous avons croisé une vieille de Larbaa Nath Irathen à laquelle nous avons tenté de demander un renseignement. Nous nous sommes adressés à elle en arabe et elle répondit en kabyle. Elle est à Casa où sa soeur, mariée depuis des décennies à un Marocain, doit marier sa fille jeudi prochain. C’est donc à une invitation pour des noces qu’elle répond. Elle nous dit que sa soeur avait connu son mari du temps où elle était étudiante à Alger pour devenir pharmacienne. La connaissance a fait place à l’idylle et depuis, les deux pharmaciens travaillent et vivent ensemble. Dans la même ville, nous prenons connaissance de beaucoup de cas de mariages mixtes entre Algérien(ne)s et Marocain(e)s. L’une d’elles, Marocaine habitant Tanger, était mariée à un Algérien. Elle a eu trois enfants avec lui. Son époux décéda suite à une maladie et la femme a regagné son pays natal avec ses enfants. Elle se rend tous les trois mois à Alger pour retirer la pension de son mari. D’autres cas ont été également croisés dans la ville de Casablanca. Chacun a sa propre histoire. Beaucoup de ces dernières ont eu pour coup d’envoi un coup de foudre. Mais les choses ne leur sont pas faciles. L’instabilité des relations entre les deux pays les pénalise. Ils n’entretiennent qu’un seul rêve. Que les choses se normalisent afin de pouvoir, au moins, circuler librement. La fermeture des frontières routières ne rend pas aisée la vie de ces familles issues de mariages mixtes. « Vous imaginez que si je veux rendre visite à ma mère au Maroc avec mes trois enfants, il me faut au moins 20 millions de centimes », s’indigne une marocaine mariée à un Algérien. Le prix du billet d’avion Alger-Casablanca est de 42000 DA. Faramineux! Si les frontières étaient ouvertes par voix terrestre, le déplacement aurait été beaucoup moins onéreux. L’une de nos interlocutrices dira: « Pourquoi ne pas les ouvrir au moins aux familles mixtes, c’est une question très sensible ». Toutes les personnes interrogées se montrent optimistes et pensent que dans un avenir proche, les frontières seront ouvertes. Dans la ville de Casablanca, nous abordons quelques personnes et en sachant que nous sommes journalistes algériens, ils ne manquent pas de déplorer la position de l’Algérie par rapport au Sahara Occidental. Quand nous leur disons que là n’était pas l’objet de notre reportage et qu’il s’agissait plutôt de parler de cette ville et de son cachet berbère, certains n’hésitent pas alors à s’adresser à nous en tamazight marocain. Ils nous citent les noms des villes où on parle berbère comme Nador, Agadir, Marrakech…La ville de Casablanca est bâtie sur un espace plat, ce qui rend sa visite à pied des plus agréables. Nous avons marché pendant cinq heures sans se lasser. Les citoyens sont ici connectés vers l’occident. Que ce soient les tenues vestimentaires ou la musique écoutée, on se croirait volontiers dans un quartier de Rome ou de Barcelone. Cette ambiance règne dans les grands boulevards de Dar El Beida. Après insistance, notre accompagnatrice accepte de nous conduire dans un grand quartier populaire. Il s’agit de Bab Marrakech, situé près du port de Casa et non loin du Saint Sidi Beliout. Il a suffi que nous mettions les pieds dans cet immense marché, où tout, absolument tout, se vend, pour que notre subconscient replonge dans les romans de Tahar Ben Jelloun. Nous nous souvenons des scènes décrites dans La nuit de l’erreur, l’un des meilleurs romans de cet écrivain, prix Goncourt en 1997. Il ne manque au décor, que nous découvrons pour la première fois de visu, que le fameux conteur qu’on retrouve dans les livres. Chez les vendeurs de bijoux, on retrouve des objets qui sont des « photocopies légalisées » des bijoux d’Ath Yenni. Il y a aussi des bijoux ressemblant à ceux des Touareg.Mais la chose qui nous a frappé le plus, c’est la présence de vendeurs de figues de Barbarie (el kermous) dans chaque coin de rue. Ici, elle est vendue, non pas au kilo mais à l’unité. Avec 1 dirham, on peut en acheter cinq. On nous informe que ce fruit, qui mûrit en Kabylie uniquement entre août et septembre, est présent pendant toute l’année à Casa. Ici, les figues de Barbarie ne sont pas un fruit saisonnier. C’est sans doute la raison pour laquelle il est vendu normalement, donc considéré comme tous les autres fruits. Ce n’est pas le cas en Kabylie où el kermous a un statut particulier.

Aomar Mohellebi

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