L’impasse intellectuelle des “mandarins’’

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Les agitateurs de tous bords semblent, du moins pour une grande partie d’entre eux, mus par une lecture hâtive de ce qui s’apparenterait à des tergiversations de la part du pouvoir politique dans le domaine des valeurs idéologiques et symboliques.

En effet, un certain flottement dans la mise en exécution du nouveau week-end a poussé certains cercles à s’enhardir de façon à vouloir remettre en cause une décision du gouvernement ou, du moins, à la vider de sa substance. Il en est ainsi du secteur de l’Éducation qui semble s’acheminer sérieusement vers l’élimination de la matinée du vendredi dans son calendrier scolaire. Personne parmi les pédagogues ou les responsables sensés ne croit à la solution décidée par le ministère de tutelle consistant à allonger l’année scolaire jusqu’au 4 juillet.

Sur un autre plan, les sorties de certains gérontocrates de salon, nourris depuis toujours à la mamelle de la rente, ne sauraient détourner l’attention des nouvelles générations sur la véritable histoire du pays, celle qui crée d’heureuses et fécondes passerelles entre le 1er novembre, le congrès de la Soummam et la construction d’un État et d’une société modernes.

L’histoire est une autre fois convoquée par ces enfants gâtés de la République pour qu’elle soit injuriée, molestée, froissée et humiliée.

Dans le quotidien El Khabar du 14 août dernier, Athmane Saâdi, président de l’«association de défense de la langue arabe», se fend d’une chronique qui n’a rien d’humoristique ni de savant.

Il est simplement si effarouché par la statue de la Kahina, érigée pendant les années 1990, à Baghaï (Khenchela), qu’il déclare cet acte comme “kofr” (renégat, apostasie). «La Kahena est morte en combattant l’Islam et les Musulmans. Elle a combattu l’entrée de l’Islam dans les Aurès», écrit-il. Au moment où les nations avancent vers le dialogue des civilisations, des cultures et des religions-avec une contribution d’une élite éclairée de notre pays- la frange la plus revancharde et la plus haineuse, parce que la plus inculte aussi, d’une pseudo-élite panarabiste et intégriste voudrait nous faire vivre des moments d’inquisition qui n’ont eu lieu ni en Égypte qui célèbre ses Pharaons, ni en Irak où l’on glorifie Hammourabi, ni en Syrie où l’on est fier de Palmyre. Il faut dire que ces actes et gestes de provocation se multiplient au fur et à mesure que la frange conservatrice et les cercles intégristes sont acculés par les avancées d’une Algérie qui se reconnaît dans une modernité assumée au même titre que ses valeurs d’authenticité. Le reflux des arabo-baâthistes pendant ces dernières années a été une simple tactique dictée par une conjoncture nationale et internationale qui ne leur était pas favorable. La prise de conscience de la communauté internationale du danger terroriste et l’ouverture de l’Algérie sur la culture et l’économie mondiales n’agréent visiblement pas aux porteurs d’idées figées et étriquées qui se recrutent dans les franges les plus conservatrices et les plus rentières d’une classe qui s’est autoproclamée “intellectuelle’’ et qui se veut le tuteur indétrônable du peuple. Ils sont sans doute plus à plaindre qu’à être blâmés tant ils baignent dans un onirisme qui a pour substrat la sève délétère du parti unique issue de l’ère de la “glaciation’’. Dans une Algérie où des individus se proclament écrivains, intellectuels et même penseurs sans crainte d’être dérangés ou confondus par de véritables valeurs sûres exerçant dans ces domaines, les efforts à déployer pour rattraper nos retards sur le plan de l’éducation et de la culture sont tout simplement titanesques. Que l’on continue à croire en 2009- avec tout le sérieux affiché par l’auteur de la fetwa contre la statue de la Kahina- que la culture algérienne et l’identité nationale devraient être protégées par des oukases ou des édits, et cela dans un esprit d’exclusion de toute diversité, qu’elle soit nationale ou universelle, voilà un syndrome d’une impasse historique et d’une aporie indépassable qui condamnent ces exaltés et illuminés à un profond et définitif anonymat.

Amar Naït Messaoud

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