Le liège : un passé glorieux, un avenir problématique

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Parmi les matières premières dont dispose l’Algérie, le liège est sans doute le plus fragile vu le contexte écologique, social et économique dans lequel il évolue. Depuis l’Indépendance, la courbe de la production de liège a subi un mouvement descendant au gré des possibilités d’exploitation, elles-mêmes dépendant de la disponibilité de la main-d’œuvre qualifiée, de l’état des peuplements et des potentialités des entreprises de transformations. Les réserves actuelles sur le terrain sont estimées à 300 000 quintaux/an, alors que les chiffres de l’exploitation effective sont très loin de ce potentiel. A titre d’exemple, seuls 18 543 quintaux ont été récoltés en 2005. En 2006, le volume récolté est de 19 870 quintaux. La production de 2004 était évaluée à 80 000 quintaux, alors qu’elle était de 400 000 quintaux en…1940. Il est vrai que la régression de la production a touché l’ensemble du bassin méditerranéen puisque celle-ci s’est stabilisée au cours des dernières années autour de 350 000qx. Le marché mondial de la production de liège représente 1,5 milliards de dollars dont les deux tiers reviennent à l’industrie des bouchons. Le reste étant constitué de matériaux d’isolation acoustique et thermique, de carrelage (revêtements muraux et décoratifs) et de pièces accessoires de certains dispositifs mécaniques. On estime le pourcentage du liège algérien éligible à l’exportation- du point de vue de la qualité- à 50% du total de la production.

La faible production de liège au cours de ces dernières années en Algérie est essentiellement due à la régression du couvert subéricole (incendies répétés sur les mêmes parcelles, défrichements délictueux, vieillissements de certains peuplements, attaques parasitaires,…), à une situation instable de la main-d’œuvre qualifiée (saisonniers qui s’adonnent à d’autres emplois informels au cours de l’année) et à la situation sécuritaire pendant la décennie 1994-2004.

Un autre problème avait sérieusement pesé sur les produits récoltés et parfois même sur le produit sur pied particulièrement au début des années 2 000. Ce sont les réseaux de vol constitués en mafia à la faveur du climat d’insécurité dans certains massifs forestiers. Cela est particulièrement vrai pour la campagne de récolte de l’année 2004 où la presse s’est fait l’écho du désastre qui eut lieu à Annaba (massif de l’Edough, près de Séraïdi). Ces réseaux sont même arrivés à exporter illégalement leur butin vers l’Europe, avec des complicités bien entendu. Comme tous les produits naturels à fort potentiel lucratif (sable des oueds ou de la plage, bois d’œuvre ou d’industrie,…), le liège est puissamment convoité et ciblé par les réseaux mafieux aussi bien à Annaba, qu’à Skikda et Jijel. Vendu sur site à 2000 DA le mètre cube, il passe en deuxième main à 8000 DA avant d’atterrir entre les mains des ‘’exportateurs’’.

Au vu de tous ces facteurs entravant la production et la commercialisation du liège, ce sont avant tout les entreprises de transformation (à l’exemple de l’ENL, entreprise publique) qui subissent les plus fâcheuses conséquences. A titre illustratif, ces entreprises qui comptaient naguère plus de 1400 employés se sont débarrassées de la moitié du personnel. Au sujet de leur éventuelle privatisation, M.Yalaoui Mohalmed Idriss, PDG du groupe Industrie Liège Algérie, dira en 2004 dans une déclaration à la presse : « Nous avons toute la disponibilité pour nous inscrire dans le cadre du programme du gouvernement et du désengagement de l’État sur les entreprises publiques. Les repreneurs existent, des investisseurs sont intéressés, mais il subsiste encore quelques contraintes administratives et procédurales qui freinent encore la mise en œuvre rapide des programmes de privatisation. Les conditions de vente ne sont pas clairement définies pour permettre la cession rapide des entreprises (…) Si nous n’engageons pas immédiatement un nouveau programme de maintien de l’activité, en parallèle la politique de désengagement, on risque de se retrouver avec des entreprises squelettiques en matière d’équipement avec un mode de fonctionnement dépassé en l’absence de formation de personnel. De ce fait, la cession risque de ne pas se produire en l’absence de repreneur qui choisirait de nouveaux investissements ».

Il est clair qu’une nouvelle stratégie de la production du liège s’impose en Algérie.

L’administration des forêts a tracé un programme de reconstitution de la suberaie depuis le début de la décennie avec production de plans dans une pépinière publique sur le site de Guerbès, wilaya de Skikda. Des superficies ont été déjà plantées dans plusieurs wilayas du nord à potentiel subéricole avéré.

En tant que matière première destinée à la transformation industrielle- et à laquelle est imposée une puissante concurrence à l’échelle du bassin producteur, à savoir la Méditerranée- et en tant que segment important de l’économie rurale de laquelle des milliers de familles tiraient naguère leurs revenus, le liège, dans sa stratégie de relance, a besoin de la synergie de tous les acteurs et partenaires.

A.N.M.

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