Ce qui n’était, il y a quelques années, qu’un rêve ou une simple pensée, est devenu à l’ère du tout-numérique et de l’internet, qui ne reconnaissent aucune frontière ni convention, une réalité réjouissante pour certains, mais une plaisanterie de mauvais goût ou tout simplement un cauchemar pour d’autres. A Sidi Aïch où jadis la salle du cinéma Yousef-Alliouche pouvait nous offrir le privilège de regarder un chef-d’œuvre hollywoodien, algérien ou autres bollywoodiens, sans qu’ils aient subi les affres des ciseaux, les choses ont changé à présent, car c’est tout Hollywood qui débarque dans les rues de la ville. En effet, ces derniers mois, presque toutes les rues sont envahies par des petits marchands d’un nouveau genre, des jeunes qui vous proposent des produits audio et vidéo à des prix défiant toute concurrence. Si, dans les capitales occidentales d’où sont originaires la plupart de ces produits, il vous faut beaucoup de patience et d’argent pour s’offrir les nouveautés, comme par exemple faire la queue des heures durant pour avoir enfin le ticket vous permettant de regarder Harry Potter ou passer la nuit devant les magazins spécialisés pour acheter ses produits dérivés, chez nous vous pouvez dormir jusqu’à midi et vous l’offrir en exclusivité à un prix dérisoire. A Sidi Aïch, vous pouvez vous offrir toute la vie d’un acteur, toute la créativité d’un réalisateur et tout le génie d’un artiste pour quelques dinars seulement. Quelqu’un peut-il prétendre le contraire ? Quand on sait que les CD audio qui contiennent pour certains le labeur et la galère de plusieurs années dans la vie d’un artiste sont cédés à 50 DA l’unité, des DVD contenant toute une collection de blockbusters et autres films arabes, parfois plus de dix à 100 DA. Une aubaine pour les cinéphiles et ces petits marchands de circonstance, diront certains qui ne voient cela que d’un seul angle, celui du profit bien sûr. Mais la réalité est autre, puisque ces pratiques constituent une atteinte flagrante aux droits d’auteur, à la propriété intellectuelle et artistique, en somme un vrai désastre pour les artistes, le septième art et son industrie qui perd chaque année des milliards de dollars. En parallèle des pirates sans génie ou plutôt des vrais génies du mal amassent des fortunes colossales. La longue et baladeuse main du piratage ne s’arrête pas là ! Puisque les produits informatiques ne sont pas épargnés, sinon comment expliquer que des collections entières de logiciels et applications en tous genres et domaines, avec licences et clés d’activation en main, des produits qui ont mobilisé les ingénieurs et autres cerveaux de Microsoft des années durant, se retrouvent dans les boutiques et entre les mains de certains pour qui Bill Gates passe pour une marque de biscuit et de surcroît à des prix bradés.
Arezki Toufouti