La légende du rouge gorge

Partager

Se moquer de l’infortune des autres n’est pas recommandé, c’est ce qu’a appris à ses dépens, le rouge-gorge (Aâz’ouane) d’après cette légende du terroir.

A l’époque où les animaux avaient le don de la parole, il fut un temps où les rouges-gorges (Iâz’ounène) s’étaient autoproclamés rois de la gente ailée, grâce à la taille gigantesque dont la nature les a dotés. Leur imposante stature inspire crainte et respect. Gare à celui qui ose les défier, il sera vite étripé.

Fort de ses appuis, le roi des rouges-gorges veut instaurer une discipline de fer pour tous ses sujets. A l’époque, les oiseaux construisaient leurs nids en toutes saisons. L’anarchie était totale et il fallait y remédier. C’est ainsi, qu’un jour, après avoir mûrement réfléchi, le roi des rouges-gorges, convoque tous les oiseaux de la création et leur dit ceci :- Seg assagi d’-assaoueneLaâ chouch nagh athmène venouD’i theg’resth matchi d’eg nevd’ou !

A compter de ce jour, je décrète que nos nids seront construits en hiver et non en été comme cela se faisait !). Celui qui a des réserves a émettre peut les faire maintenant devant moi et devant vous. Une fois l’assemblée levée, je ne permettrai à quiconque d’enfreindre ce qui a été décidé aujourd’hui !

« Certains chuchotent entre eux et se disent qu’en hiver il fait froid mais personne n’élève la voix pour contester quoi que ce soit. Pour donner l’exemple à tous ses sujets, le roi des rouges-gorges fait lui-même construire son nid, dans une grotte naturelle, se trouvant en haut d’une falaise de craie, à l’abri des intempéries. Ne voulant pas l’imiter, beaucoup d’oiseaux, par coquetterie, construisent leurs nids dans les arbres les buissons voire à même le sol, et pondent leurs œufs. Mais comme c’est l’hiver la pluie et la grêle se mettent de la partie.

Un jour, en pleine journée « Avrouri » (le grêle) se met à tomber. Les grêlons aussi gros que des œufs détruisent tous les nids. Les oiseaux impuissants, assistent médusés à la catastrophe provoquée par la grêle. Aucun nid ne fut épargné, les œufs cassés, certains oisillons morts-nés, les parents sont dépités et mortifiés.

De tous les nids, il n’y a que celui du roi rouge-gorges qui n’a pas subi de dégâts, car bien caché à l’intérieur de la grotte. Au lieu que le roi compatisse avec ses sujets pour le malheur qui les a frappés, il se met à rire à gorge déployée pour se moquer d’eux. Ne comprenant pas son attitude à leur égard, certains oiseaux vont le voir pour le prier de cesser de rire de leur malheur.

Mais au lieu de se taire, il rit encore plus fort et leur dit méprisant : « Vous n’êtes pas intelligents, si vous l’étiez comme moi, vos nids auraient été épargnés. Voyez mes œufs ils sont bien au chaud. Bientôt ils vont éclore et vont donner des oisillons qui vont grandir contrairement aux vôtres que la grêle a fait mourir ».

Devant tant de cynisme et d’outrecuidance de la part de leur roi, les oiseaux meurtris dans leurs chairs, se mettent en colère et d’un commun accord, décident de l’attaquer pour lui montrer, qu’on ne peut pas se moquer impunément de la gent ailée. Ils l’assiègent dans son nid et s’acharnent sur lui, avec leurs becs et leurs serres, jusqu’à le rapetisser. De sa statue de géant et de ses imposantes ailes, il ne reste plus rien, de même que son titre de roi.

Les blessures qui lui sont infligées au niveau du cou ont fait couler son sang, qui tâche son duvet. Rapetissé, le cou ensanglanté, on le surnomme désormais à cause de son sang versé sur son duvet rouge-gorge. Suite à cet incident qui a failli lui faire perdre la vie, il est devenu l’un des plus petits oiseaux de nos contrées. « Our kefount eth’houdjay i nou our kefoun ird’en tsemz’ine. As m-elâid’ ametch ak’soum ts h’em’zine ama ng’a thiouanz’iz’ine. »

(Mes contes ne se terminent, comme ne se terminent le blé et l’orge. Le jour de l’aïd, nous mangerons de la viande avec des pâtes, jusqu’à avoir des pommettes rouges et saillantes).

Benrejdal Lounes

Partager