Tighilt-Oukerrouche renoue avec ses traditions

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“On l’appelait Tighilt Oukerrouche parce que c’est un village entouré de chênes. Ce bois a disparu mais le nom est resté”. C’est ainsi que débute le dernier roman “Les Bavures” de feu Mohamed Amokrane Haddadi. Il a conservé non seulement ses arbres mais également ses traditions d’antan. En effet, la colline, en quelques années, est redevenue verdoyante avec une belle forêt de chênes liège tout le long de la piste qui mène au village à partir du CW 107, les villageois ont été même obligés de couper certains arbres qui menaçaient les fils électriques.

“Notre village possède une très longue histoire qui est demeurée inconnue alors qu’elle était écrite. Cependant, nous allons attendre une année ou deux pour la dévoiler, le temps de récupérer certaines archives qui sont en France”, nous déclare le vice-président de l’association du village en nous accueillant alors que beaucoup d’enfants accoururent pour assouvir leur curiosité. Au demeurant, pour cette fête de l’Aïd, presque tous les villageois ont rallié après la prière de lieu convenu pour le sacrifice des moutons. “C’est la première fois depuis vingt ans exactement que nous nous retrouvons ici, en ce lieu qu’on appelle “Thaslent N’Alvir”, tous ensemble pour célébrer la fin du mois sacré de Ramadhan pour renouer avec nos traditions”, nous confie un autre membre de l’association alors que le trésorier avait fort à faire pour ramasser l’argent.

“Thaslent”, le grand frêne millénaire qui a gardé tout son feuillage en absence du cheptel, déploie un grand ombrage en offrant un lieu idéal pour travailler tranquillement alors que le puits situé à quelques mètres permet de disposer de l’eau en grande quantité pour laver les abats le plus vite possible. “Ce n’est pas le seul lieu que nous utilisions pour les sacrifices, cela dépend surtout des saisons”, nous confie encore le vice-président qui s’excuse de l’absence du président de l’association qui se trouve à Alger.

D’ailleurs, alors qu’il nous parlait, il reçoit un appel de sa part pour transmettre ses meilleurs vœux à tous les villageois. Alors que nous discutions, déjà, tous les moutons furent égorgés et les plus jeunes commençaient à les dépecer.

Aâmi Saïd, un enseignant quinquagénaire qui travaille encore, arrive en tenant par la main un bambin de cinq années qui a les yeux rougis tant il avait pleuré quelques instants auparavant. “Vous savez, jusqu’à ce jour, il y a un peu partout des “fouroulou” en Kabylie. Celui-là, c’est Koukou, mon neveu, son père lui a interdit d’assister à la scène d’égorgement des moutons croyant sans doute qu’il serait choqué. Mais comme disait Mouloud Feraoun “mon oncle m’aimait plus que son fils”, je l’ai ramené pour y être présent avec tous les enfants et surtout pour participer à la corvée”, nous déclare fièrement Aâmi Saïd avant de commencer l’interminable accolade. Tout le monde essaie d’immortaliser ces moments qui, avec des appareils photos, caméras numériques ou avec des portables. Lorsque le moment de découper en morceaux les quartiers de viande arrive, on fait appel évidemment aux quinquagénaires qui ont plus d’expérience dans cette pratique alors que les plus jeunes servent d’aides en attendant de prendre la relève. Le portable du vice-président sonne une énième fois. C’est le président de l’association “Aieder” du village voisin Tarament qui souhaite à tout le monde bonne fête et demande comment est l’ambiance. “Chez nos voisins, ils font ce qu’on appelle “Thimouzouine”, c’est-à-dire chaque chef de famille prend sa part suivant le nombre de personnes qu’il a, ce n’est pas comme nous. Tout le monde prend la même part”, nous explique notre interlocuteur qui nous précise que les deux associations travaillent ensemble dans le cadre du réseau associatif M’Kira et que les deux associations sont domiciliées au niveau du foyer pour jeunes de Tighilt-Bougueni.

A treize heures, tout est enfin terminé. Après une longue intervention du vice-président, le trésorier appelle chaque chef de famille par son nom pour prendre l’une des parts alignées sur une grande bâche.

“Grâce à Dieu, nous venons de passer tous ensemble une agréable journée. C’est le meilleur Aïd que nous célébrons enssemble. Si nous n’avions pas acheté ces moutons, plusieurs familles n’auraient pas eu ce morceau de viande au dîner, donc, c’est ça notre objectif, la solidarité” conclut notre interlocuteur qui nous raccompagne.

Essaïd N’Ait Kaci

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